Qui ne rêve pas d'ordinateurs toujours plus rapides et consommant toujours moins d'énergie ? Pour concevoir ces ordinateurs de demain, il est important de pouvoir maîtriser les contraintes appliquées aux processeurs à une échelle nanométrique. Jusqu'à aujourd'hui, ces contraintes restaient difficilement observables. Dorénavant, grâce à l'invention d'une nouvelle technique d'holographie électronique (1) par des chercheurs du Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (CEMES-CNRS), il est possible d'obtenir une cartographie des déformations d'un réseau cristallin avec une précision et une résolution jamais atteintes.
Ce nouveau dispositif de mesure, breveté, surmonte la quasi-totalité des limitations des méthodes actuellement utilisées. Il devrait permettre aux industriels d'améliorer les procédés de fabrication de leurs microprocesseurs et ainsi d'optimiser nos futurs ordinateurs. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature du 19 juin 2008.
Observation des déformations dans un cristal grâce à la nouvelle technique d'holographie électronique. Les zones bleues correspondent à des régions de compression d'environ 2 % et les zones rouges à des régions de tension de 2 %
Le silicium "sous contrainte" envahit tous les microprocesseurs récents. La raison de son succès: les déformations locales du réseau cristallin, dues à des contraintes, augmentent les performances des processeurs. Elles améliorent grandement la mobilité des électrons, ce qui permet d'augmenter la rapidité des ordinateurs et de diminuer leur consommation énergétique. Cependant, ne pouvant analyser précisément les déformations, les industriels maîtrisent difficilement la conception des puces et se basent essentiellement sur des simulations et sur les mesures des performances sans pour autant connaître véritablement l'état de contrainte. Ce problème est désormais résolu grâce à une nouvelle méthode de mesure des contraintes, conçue par une équipe du CNRS à Toulouse.
Basée sur l'holographie électronique, la technique a de quoi séduire: elle permet de mesurer les déformations (compression, tension et cisaillement) de nombreux matériaux avec une très grande précision et résolution spatiale. La précision est supérieure à 0,1% soit 0,5 picomètre (2) et la résolution spatiale de l'ordre du nanomètre. Mais la véritable innovation par rapport aux techniques traditionnelles est que l'on peut analyser des régions très étendues (un micromètre contre 100 nanomètres auparavant) avec une précision jamais obtenue précédemment.
Ce dispositif de mesure présente bien d'autres avantages. Il permet en effet l'étude d'échantillons dix fois plus épais qu'auparavant (300 nm), ce qui garantit une observation fidèle à la réalité. Plus l'échantillon est épais, moins les contraintes sont relâchées, et plus les contraintes mesurées sont proches de celles présentes dans un dispositif réel. De plus, la mesure est directe, contrairement aux autres techniques nécessitant un certain nombre de simulations préalables.
Cette technique, brevetée par le CNRS depuis septembre 2007, a vocation à devenir la méthode phare pour mesurer les déformations d'un réseau cristallin à l'échelle nanométrique. Elle permettra d'optimiser la modélisation des contraintes des transistors et leur performance électrique.
Notes:
(1) L'holographie électronique est une technique permettant de mesurer des champs magnétiques et électriques. La nouvelle configuration proposée par les chercheurs du CEMES (CNRS) permet de mesurer des déformations cristallines.