La surveillance des volcans

Publié par Publication le 15/05/2006 à 23:36
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1 - Introduction

Prévenir les éruptions volcaniques est un enjeu majeur, tant par les dommages humains et économiques que peuvent causer les éruptions. Ce dossier nous est proposé par Eric REITER, il fait le point sur les différentes méthodes techniques et scientifiques de détection de l'activité des volcans, les outils utilisés et les paramètres mesurés afin de prévenir les éruptions.

Introduction

Depuis plus d'un siècle et demi, les scientifiques surveillent les volcans. En effet, le premier observatoire volcanologique a été installé en 1841 sur le Vésuve. Le but de ces observatoires est de mieux comprendre le fonctionnement des volcans et de prévoir les éruptions afin de limiter les effets de l'activité volcanique sur les personnes et les biens.

Cependant, cette surveillance a réellement pris son essor à la fin du XXème siècle seulement après trois éruptions catastrophiques qui ont marqué les esprits:
- Le Mont Saint Helens en mai 1980 qui fit peu de victimes grâce à une bonne surveillance. Cette éruption engendra cependant de grosses pertes économiques.
- Le Nevado del Ruiz en 1985 dont les lahars tuèrent plusieurs milliers de personnes
- Le Pinatubo en 1991

Ces trois éruptions ont mis en évidence l'importance de la surveillance des volcans. En effet, celle-ci fut efficace pour le Saint Helens et le Pinatubo pour lesquelles le nombre de victimes fut limité. Elle était, par contre, absente en Colombie avec les conséquences que l'on sait.

Cette surveillance est basée sur l'étude de phénomènes physiques et chimiques perceptibles en surface et qui ont pour origine la montée du magma et des gaz à travers la croûte terrestre et l'édifice volcanique. Son essor lors des quinze dernières années a été favorisé par les développements technologiques.


Une station de surveillance volcanique au pied du Yasur (Vanuatu).
De gauche à droite: un pluviomètre, un sismographe et une sonde thermique.
Un panneau solaire fournit l'énergie (© JM Bardintzeff)

Après avoir vu le principe général des appareils employés, nous verrons ici les principales méthodes de surveillance des volcans.

2 - Principe général des appareils de surveillance

Tous les instruments implantés sur le terrain, et qui servent à la recherche et à la surveillance du volcan, sont construits d'après le même principe en trois composants: capteur - mesure et acquisition - transmission et alimentation.

Mesure et acquisition des données sont effectuées par un dispositif électronique particulier ou par un ordinateur de poche. Puis la plupart des données, acquises sur le terrain, sont transmises par voie hertzienne à l'observatoire volcanologique. Les signaux sismiques sont transmis en temps réel. D'autres paramètres, comme les mesures du champ magnétique et les données inclinométriques, toutes les 2 à 5 minutes. Pour cette transmission, les stations sont équipées d'un modem et d'un émetteur classique avec antenne, qui envoie les données par voie hertzienne.

Bien sûr tous ces appareils ont besoin d'énergie électrique. Elle est fournie par des panneaux solaires et l'intermédiaire de batteries 12 Volts. La capacité des batteries est calculée de manière à ce qu'elles assurent une autonomie des stations d'une dizaine de jours sans soleil. Ceci permet le fonctionnement des stations la nuit et les journées avec une couverture nuageuse trop dense pour le bon fonctionnement des panneaux solaires. Puis, pendant les heures d'ensoleillement, les panneaux solaires rechargent les batteries.


Schéma reprenant le principe général des appareils de surveillance (© IPGP)

3 - Les séismes

L'étude des séismes reste la principale méthode de surveillance des volcans. La montée du magma fracture les roches, créant ainsi des séismes. En outre, les mouvements des fluides magmatiques provoquent des phénomènes de résonance qui sont aussi enregistrés par les instruments. Ce dernier phénomène est comparable aux vibrations de conduites d'eau dans lesquelles on impose des variations brutales de pression en ouvrant et fermant un robinet.

Deux types de signaux sismiques sont émis par les volcans:
- Les signaux basse fréquence précédent le début de l'éruption. Ils correspondent à la montée du magma.
- Les signaux haute fréquence qui interviennent pendant l'éruption et correspondent au trémor.


Exemple de relevé sismique enregistré par une station installée sur le
Redoubt (Alaska) lors de l'éruption de décembre 1989. (© La Recherche)

Ces signaux sont enregistrés par des appareils appelés sismomètres ou sismographes. Deux types de sismomètres sont utilisés:
- Les sismomètres dits "longues périodes" qui détectent les basses fréquences. Ces dernières se propagent sur de grandes distances et peuvent être détectées loin des épicentres.
- Les sismomètres dits "courtes périodes" qui enregistrent les hautes fréquences. Celles-ci se propagent sur de courtes distances.


Sismomètre installé à proximité du Mont Spurr (que l'on voit au loin).
Un système de télétransmission envoie en permanence les données
à l'Alaska Volcano Observatory. (© Neal C. A., USGS)

Un sismomètre permet de mesurer les mouvements du sol dans les trois directions de l'espace. Il se compose d'une lourde masse fixée à l'extrémité d'une barre qui pivote dans un plan vertical ou horizontal. La base du sismomètre est fermement fixée au sol et bouge donc avec lui. La masse, en raison de son inertie, reste pratiquement fixe. C'est le ressort qui s'étire. Quand le sol bouge, le tambour rotatif fixé au sol bouge de la même manière que celui-ci. Le stylo situé à l'extrémité de la masse écrit sur le tambour. On obtient un graphe appelé sismogramme.


Figure présentant un sismographe enregistrant les mouvements verticaux du sol

Un autre aspect des séismes pour la surveillance des volcans est la localisation des foyers. En effet, le magma montant dans l'édifice volcanique, les séismes associés à cette ascension se déplacent aussi. Ainsi, l'étude de leur localisation permet de déterminer, au moins approximativement, le lieu où aura lieu l'éruption. Cette étude est particulièrement intéressante sur des volcans dont les éruptions peuvent survenir loin de leur zone centrale, comme pour le Kilauea ou le Piton de la Fournaise.

4 - Déformation des sols

L'imminence d'une éruption peut être aussi déterminée grâce aux déformations subies par le volcan. L'augmentation de la pression dans la chambre magmatique entraîne une dilatation du volcan. Elle diminue lors de l'éruption.


Shéma 1: La poussée du magma provoque un gonflement du volcan
Shéma 2: Avec l'éruption, la déformation disparaît généralement

A la surface, cette dilatation provoque des variations de pentes de l'édifice et souvent des ouvertures de fissures. Si des repères sont placés à différents endroits sur le volcan, on observe des variations de distance entre ceux-ci.

Pour observer ces déformations, on utilise différents instruments:
- Les extensomètres sont installés sur des fissures centimétriques. Ils mesurent en permanence l'écartement des bords de la fissure ainsi que le cisaillement et le décrochement. Ainsi des mesures dans les trois directions de l'espace sont effectuées.


Extensomètre permettant d'effectuer des mesures
dans les trois directions de l'espace (© IPGP)

- Une autre méthode consiste à mesurer une distance entre un théodolite et différents prismes réfléchissants appelés catadioptres. Le théodolite émet un rayon infrarouge en direction d'un catadioptre. Ce dernier réfléchit le rayon qui revient vers le théodolite. Il suffit alors de chronométrer le temps de parcours aller/retour pour connaître la distance entre les deux appareils. Cette distance peut aller jusqu'à 4 kilomètres et la précision de la mesure est de plus ou moins 5 mm. Ce système possède cependant un gros inconvénient: il ne fonctionne plus lorsque la visibilité est réduite (nuages, brouillard, ...)


A gauche: Théodolite - A droite: Catadioptre
© IPGP

- Lors de la montée du magma, la pression entraîne une inflation de la surface. Cette poussée disparaît lors de l'ouverture des fissures éruptives car la pression à l'intérieur de l'édifice diminue. Pour mesurer cette inflation, on utilise un inclinomètre. Le plus utilisé est l'inclinomètre de type BLUM. Il se compose d'un pendule horizontal à suspension bifilaire avec une plaque en inox, équipée d'une fenêtre, d'une association de deux photorésistances et d'une source lumineuse. Le rayon lumineux qui passe à travers la fenêtre de la plaque en inox éclaire la partie centrale des deux photorésistances. La suspension du pendule transmet tout mouvement du sol à la plaque en inox, mais amplifié d'un facteur compris entre 50 et 1000. Lorsque le sol s'incline, le mouvement des deux photorésistances, solidaires du sol, est négligeable par rapport à celui de la plaque en inox. La zone éclairée des photorésistances se déplace et entraîne une variation de la tension mesurée entre elles. Cette tension est fonction de la variation de l'inclinaison. La raison pour laquelle le cadre, les fils et le pendule sont fabriqués en silice est la variation importante de la température aux abords d'un volcan. La silice possède en effet un coefficient de dilatation thermique particulièrement faible. Il est important de noter que les fils de suspension des pendules ne font qu'une dizaine de microns de diamètre. Un inclinomètre est à la fois fragile et particulièrement sensible.


Inclinomètre de Blum

- On peut surveiller la déformation d'un volcan en activité grâce à l'utilisation de récepteurs GPS positionnés sur le cône. La position du point, représentée par le récepteur GPS, est déterminée à l'aide de signaux émis par 28 satellites tournant autour de la Terre. Seuls trois satellites sont nécessaires pour permettre de déterminer par triangulation la position du point. Comme pour le distance-mètre, les conditions météorologiques et stratosphériques ont des influences sur la précision de la position.


Installation d'un système de GPS sur le Mont Redoubt, Alaska
© McGimsey, R. G., USGS

- Un autre outil de cartographie des déformations a été récemment développé: l'interférométrie radar différentielle. Il se base sur des données radar recueillies par le satellite ERS 1. Ces données contiennent, entre autres, des informations liées à la distance entre le sol et le satellite.

5 - Magnétisme, micro-gravité et zones hydrothermales/fumerolliennes

Le magnétisme

La Terre possède un champ magnétique terrestre qui lui est propre. Un autre champ dû à la présence de minéraux ferromagnésiens dans la lave perturbe le champ magnétique terrestre. Ainsi, les activités volcaniques comme la remontée de magma et la circulation de fluides hydrothermaux engendrent une modification du champ magnétique terrestre local. Le magnétomètre mesure régulièrement le champ magnétique local et envoie les données à l'observatoire via une antenne émettrice.


Magnétomètre installé sur les flancs du Piton de la Fournaise (© IPGP)

La micro-gravité

L'étude du champ de pesanteur permet de mettre en évidence les déplacements de masses (magma) et les variations de densités (structures profondes) au sein des édifices volcaniques. Il est donc possible, à partir de mesures gravimétriques, de détecter l'arrivée d'un magma moins dense que les roches encaissantes.

On mesure la variation de la gravité g entre différents points, l'un d'eux sera pris comme référence pour les autres. Ces mesures sont faites à l'aide de gravimètres. Le gravimètre le plus simple est composé d'une masse suspendue à un ressort. La variation de la gravité entraîne un allongement proportionnel du ressort.

Dans la pratique volcanologique, deux types de difficultés sont rencontrés. Tout d'abord, ces signaux ont des amplitudes très faibles, dix à cent millions de fois plus faibles que la gravité terrestre. Ensuite, les variations d'altitude associées aux déformations du volcan provoque des variations de gravité du même ordre de grandeur que celles induites par les mouvements du magma.

Les zones hydrothermales et fumerolliennes

Les zones hydrothermales et fumerolliennes sont des zones d'observation privilégiées de l'activité d'un volcan. La distribution géographique de ces zones renseigne sur la fissuration de l'édifice et donc sur les zones potentiellement faibles. Ces zones font l'objet d'une surveillance particulière portant sur des mesures de température (thermocouple), de débit et de nature des gaz.


Appareil de détection d'émanations de gaz carbonique dans la caldeira de Santorin, Grèce
(© J.-M. Bardintzeff)

Une fumerolle est une émanation gazeuse qui s'échappe par un orifice de la paroi du volcan et qui correspond au dégazage tranquille et régulier d'un magma en profondeur. Elle se produit même hors période éruptive.
Les gaz sont de natures variées mais on trouve surtout de l'eau (H2O), et des quantités importantes de dioxyde de carbone (ou gaz carbonique, CO2), de sulfure d'hydrogène (H2S), de dioxyde de soufre (SO2) et d'acide hydrofluorique (HF) ainsi que quelques composés de chlore et d'azote. Certains de ces gaz sont très dangereux voire mortels.
Une solfatare (de l'italien solfo "soufre") est une fumerolle sulfureuse qui donne des dépôts de soufre par réaction avec l'oxygène de l'air: 2 H2S + O2 ---> 2 S + 2 H2O.

Il est important d'étudier l'évolution de ces productions de gaz. Elles sont une source d'informations précieuses sur l'activité du volcan. En effet, la quantité de dioxyde de soufre produite par un volcan est proportionnelle à son niveau d'activité. On utilise pour cela un spectromètre de corrélation: le COSPEC. Il est conçu pour mesurer la quantité de SO2 dans l'air.

Dans le cadre de la prévision des risques volcaniques, l'évolution de la composition chimique et isotopique des gaz (oxygène, carbone, soufre, azote et gaz rares comme l'hélium, l'argon et le krypton) est suivie de près: elle change quand on passe d'un système fumerollien à un système magmatique.

De même, une augmentation de la température des gaz est en général synonyme de montée du magma, ce qui laisse présager une éruption.


Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue, mesure la température
des fumerolles de Vulcano dans les Îles Eoliennes (© J.-M. Bardintzeff)

6 - Surveillance visuelle, satellites et études géologiques

La surveillance visuelle

Cette surveillance du volcan se fait grâce à une ou plusieurs caméras. Ce dispositif permet, dans les phases d'intensité moyenne, une observation en direct et une évaluation immédiate du risque.


Caméras vidéos installées sur les flancs du Redoubt en Alaska
(© Weiprecht, D., USGS)

Cette méthode s'est énormément développée ces dernières années grâce à Internet. Actuellement, n'importe quel passionné ou simple curieux peut suivre en direct l'état de plusieurs dizaines de volcans dans le monde (Piton de la Fournaise, Kilauea, Etna, Montagne Pelée, Colima, etc.)

Les satellites

La télédétection intervient à deux niveaux: pour inventorier (identification des volcans actifs, cartographie des risques) et pour surveiller, en permettant une mise à jour quasi continue des données et une estimation de l'évolution temporelle de certains paramètres tels que le dégagement gazeux ou la température du sol.

En outre, lorsqu'une éruption se produit, les satellites permettent une surveillance des panaches éruptifs qui peuvent poser de graves problèmes de sécurité pour les transports aériens.


Panache de l'Etna visible depuis le satellite NOAA16 en 2001 (© Météo France/CMS Lannion)

L'étude géologique des dépôts volcaniques

Partant du principe que "Le passé est la clé du futur", l'étude des dépôts volcaniques permet de mieux comprendre le fonctionnement d'un volcan. Ces études sont longues et fastidieuses car il faut couvrir, bien souvent à pied, la totalité de l'édifice volcanique pour récolter des échantillons et en établir la carte géologique.

Les échantillons sont ramenés au laboratoire pour:
- Être datés
- Être analysés afin d'en connaître la nature pétrologique et leur mode de mise en place (coulée de lave, retombées dues à une éruption strombolienne, téphra issus d'une nuée ardente, etc.)

Toutes ces données permettent de reconstituer l'histoire du volcan. La connaissance et la compréhension de cette histoire conduisent à l'élaboration d'une carte des risques volcaniques que les autorités civiles prendront en compte lors de phase de pré-alerte pour faire évacuer certaines zones ou lors de l'attribution de permis de construire par exemple.

7 - Conclusion

La surveillance des volcans et la prévision des éruptions ont fait de gros progrès durant les dernières années. Il reste cependant beaucoup à faire pour prévoir à coup sûr les éruptions, si nous y arrivons un jour ...

Références

- Les feux de la Terre, M. Krafft, éd. Guallimard, coll. Découvertes, 208 p.
- Les Volcans, Bardintzeff J.M., Collection Connaître & Découvrir, éd. Liber, 210 p.(épuisé)
- Les Volcans, Connaître et découvrir, Bardintzeff J.M., 2e édition, éd. Minerva, 208 p.
- A l'affût des signes précurseurs, J.-F. Lénat, La Recherche, N° 274, mars 1995, pp. 296-301
- La surveillance des volcans par satellite, A. Bonneville, La Recherche N° 242, avril 1992, pp. 404-413
- Les instruments de surveillance du Piton de la Fournaise, Thomas Staudacher, Louis Philippe Ricard et Jean-Baptiste Feriot

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