Gaz parfait - Définition

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Le gaz parfait est un modèle thermodynamique décrivant le comportement de tous les gaz réels à basse pression p.

Ce modèle a été développé au XIXe siècle en constatant que tous les gaz tendent vers ce même comportement à pression suffisamment basse, quelle que soit la nature chimique du gaz ce qu'exprime la loi d'Avogadro, découverte en 1811 : la relation entre la pression, le volume et la température est, dans ces conditions, indépendante de la nature du gaz. Ceci paraissait tellement extraordinaire qu'il fallut du temps pour y croire (voir l'article Nombre d'Avogadro). Cette propriété s'explique par le fait que lorsque la pression est faible, les particules de gaz sont suffisamment éloignées les unes des autres pour pouvoir négliger les interactions d'ordre électrostatique qui dépendent, elles, de la nature physico-chimique du gaz (molécules plus ou moins polaires). De nombreux gaz réels vérifient avec une excellente approximation le modèle du gaz parfait, dans les conditions normales. C'est le cas des gaz principaux de l'air, le diazote et le dioxygène.

Description d'un gaz parfait

Sur les plans macroscopiques, on appelle gaz parfait tout gaz vérifiant simultanément les lois de Boyle-Mariotte et d'Avogadro :

Loi de Boyle-Mariotte 
À température constante, le produit de la pression p par le volume V: pV est considéré comme constant lorsque la pression est faible.
Loi d'Avogadro 
tous les gaz ont le même volume molaire dans les mêmes conditions de pression et de température.

Sur le plan microscopique, la théorie cinétique des gaz permet de retrouver ce comportement de gaz parfait : un gaz parfait est un gaz dont les molécules n'interagissent pas entre elles en dehors des chocs et dont la taille est négligeable par rapport à la distance intermoléculaire moyenne. L'énergie du gaz parfait est donc la somme de l'énergie cinétique du centre de masse des molécules et de l'énergie interne de chaque molécule (rotation, oscillation). Lorsque ces deux énergies sont proportionnelles, on a le Gaz Parfait de Laplace.

Limites du modèle et gaz réel

À basse pression, tous les gaz peuvent être modélisés par un gaz parfait. Lorsque la pression augmente, on ne peut plus négliger les interactions à courte distance, notamment l'effet de taille des molécules et les interactions de type van der Waals.

Pour caricaturer, si l'on augmente encore la pression, le gaz se liquéfie et, évidemment, un liquide ne peut être considéré comme un gaz parfait…

Un gaz réel a un comportement voisin d'un gaz parfait dans le cas où les distances intermoléculaires sont grandes par rapport à la taille des molécules et à la portée des forces d'interaction. On appelle gaz parfait " associé au gaz réel " le gaz parfait dont la capacité calorifique à pression constante est celle du gaz réel à pression nulle Cp(p = 0,T). On dresse les tables thermodynamiques d'un gaz réel à partir des corrections apportées à ce gaz parfait associé.

Équation d'état et lois de Joule

Comme pour tout gaz, l'état d'équilibre thermodynamique d'un gaz parfait est fixé pour n moles de molécules, par deux paramètres macroscopiques, au choix. Les autres paramètres peuvent se calculer à partir des deux paramètres choisis par une formule appelée " équation d'état ".

L'équation la plus couramment utilisée est l'équation des gaz parfaits, qui est une équation thermoélastique. Celle-ci peut s'écrire sous deux formes, une dont la vision est macroscopique (faisant intervenir le volume V du gaz), l'autre ayant une approche plus microscopique où l'on considère le nombre de molécules contenu dans une unité de volume.

pV = nRT\ ou\ pV = Nk_BT=nN_Ak_BT~

  • p est la pression (en pascal) ;
  • V est le volume occupé par le gaz (en mètre cube) ;
  • n est la quantité de matière, en mole
  • N est le nombre de particules
  • R est la constante des gaz parfaits
    R = 8,314 472 J·K-1·mol-1
    on a en fait R = NA·kBNA est le nombre d'Avogadro (6,022×1023) et kB est la constante de Boltzmann (1,38×10-23) ;
  • T est la température absolue (en kelvin).

Cette équation dérive en fait d'autres lois trouvées auparavant : la loi de Charles, la loi de Boyle-Mariotte et la loi de Gay-Lussac.

Application numérique :

  • pour une pression d'une atmosphère (p = p0 = 1,013 25×105 Pa)
  • et une température de 0°C (T = T0 = 273,15 K, température de la glace fondante sous p0),

le volume molaire est donc

V0 = 22,413 996(39) L/mol

on retient en général la valeur approchée 22,4 L/mol.

Ce qui donne un volume par molécule (volume " libre " autour de la molécule, indépendamment de sa dimension) :

\frac{V_0}{N}

si l'on assimile ce volume libre à un cube, alors l'arrête de ce cube est globalement la distance moyenne séparant les molécules à chaque instant, que l'on appelle longueur de Loschmidt d0. Cette valeur est la racine cubique du volume " libre " :

d0 = 3,338 792 5 nm

on utilise en général la valeur approchée 3,33 nm.

Pour une pression valant un millionième de la pression atmosphérique (p0/1 000 000), la distance interparticulaire est 333 nm = 1/3 micromètre et est indépendante de la nature du gaz.

On peut également utiliser une équation énergétique, la loi de Joule-Thomson :

L'enthalpie H(p,T) = U + p.V ne dépend pas de la pression.

Ces deux équations de définition donnent immédiatement que l'énergie interne U(V,T), ne dépend que de la température et pas du volume : un gaz parfait suit la loi de Joule

La capacité calorifique à volume constant d'un gaz parfait vaut

C_V = N  \left( \frac { \partial U}{ \partial T}\ \right)_V

et est donc indépendante du volume.

De même la capacité calorifique à pression constante d'un gaz parfait vaut :

C_p = N  \left( \frac { \partial H}{\partial T}\ \right)_p

et est donc indépendante de la pression.

Comme par définition l'enthalpie vaut

H = U + pV~

on obtient la relation de Mayer :

C_p - C_V = R~

pour une mole.

Si l'on applique la formule de Clapeyron donnant la chaleur latente de dilation l , de transfert latent de chaleur de dilatation (cf. formules de thermodynamique), et on trouve que le coefficient β d'augmentation relative de pression isochore vérifie :

\beta T = 1~,

donc :

U(V,T) ne dépend pas du volume : un gaz parfait est un gaz de Joule, U = N\cdot u(T) +cste~

et l'enthalpie vaut :

H(p,T) = U + pV~

ne dépend donc pas de p : un gaz parfait est un gaz de Joule-Thomson (cf. loi de Joule).

Gaz Parfait de Laplace

Définition

Il arrive que C_p \, ne dépende pas de T \,, donc \gamma = C_p/C_V \, n'en dépend pas non plus. Le gaz parfait est dit de Laplace (le GP de Laplace). Il arrive souvent que l'on précise la valeur de \gamma \,.

Par convention, si on choisit \gamma = \frac{5}{3}, le gaz parfait de Laplace est dit " gaz parfait monoatomique " (GPM). Le comportement de l'argon est très proche d'un gaz parfait monoatomique.

Par convention, si on choisit \gamma = \frac{7}{5} le gaz parfait de Laplace est dit " gaz parfait diatomique " (GPD). Le comportement du diazote N2 est proche d'un gaz parfait diatomique.

Il est d'usage d'écrire pour un gaz parfait de Laplace :

pV =( \gamma -1) \cdot U = (1- \frac{1}{\gamma}) \cdot H

soit , pour un gaz parfait monoatomique

pV = 2/3 U = 2/5 H

et pour un gaz parfait diatomique :

pV = 2/5 U = 2/7 H.

Loi de Laplace

Dans une transformation adiabatique réversible élémentaire :

dU = - p.dV \,

ceci entraîne, en remplaçant U par sa valeur en fonction de p et V :

V.dp + \gamma.p.dV = 0~

soit en intégrant : p V^{\gamma} = cste = p_0 V_0^{\gamma}~ Loi de Laplace

d'où le nom donné à ces gaz parfaits un peu particuliers.

Il en résulte, dans une détente, un refroidissement considérable, le gaz prenant sur son énergie interne le travail, (-W ), qu'il fournit :

(voir aussi Détente adiabatique).

Application numérique : pour un gaz parfait monoatomique, on trouve aisément :

\ln \frac{T}{T^0} = \frac{2}{5} \cdot \ln \frac{p}{p^0}

soit pour un rapport de pression 1/10 (la pression baisse de 90 %), un abaissement de température absolue d'un facteur 0,398 ; de 300 K la température descend à 120 K soit une chute vertigineuse de 180 K. Ce procédé est utilisé dans l'industrie pour obtenir de basses températures. Malheureusement, la valeur obtenue est un peu utopique car les gaz réels ne sont pas des gaz parfaits à basse température.

Pour les ordres de grandeur, on retient

R·T ~ 2 500 J/mol à 300 K.

Donc le travail récupéré dans cette détente est :

2500·(180/300) = 900 J/mol.

Expérience : détente dans un récipient vide

Une autre loi remarquable est l'échauffement produit quand on laisse pénétrer un gaz parfait de Laplace dans un flacon vide. Le gaz s'engouffre et puis très vite tout redevient chaotique : la température s'uniformise et devient

T = γT0

T0 étant la température externe. Pour une température externe de 300 K et un gaz parfait monoatomique, on obtient :

T = 500 K

soit une élévation de 200 K. Dans la soufflerie de Modane, c'est bien ce que l'on peut observer.

Ainsi, on a deux cas d'expansion du gaz. Le deuxième étonne un peu, si on n'y a pas réfléchi auparavant.

(Voir aussi l'article Compression adiabatique.)

Cycle de Carnot d'un gaz parfait de Laplace

Un cycle de Carnot moteur d'un gaz parfait a comme le veut le théorème de Carnot, le rendement de Carnot : r = 1-\frac{T_2}{T_1}.

Dans le cas présent, tout peut se calculer aisément. Décrivons le cycle — on pourra le dessiner aisément en coordonnées de Clapeyron logarithmiques (log V, log p) :

  1. Transformation (A → B) : compression isotherme à température basse, T2, réversible : il faut donc, pour éviter que le gaz ne s'échauffe, libérer une quantité de chaleur -Q2 >0 à la source froide qui maintient la température T2.
  2. Transformation (B → C) : compression de Laplace : la température monte de T2 à T1.
  3. Transformation (C → D) : détente isotherme à haute température T1, réversible : pour éviter que le gaz ne se refroidisse, il faut que la source chaude fournisse une quantité de chaleur Q1>0.
  4. Transformation(C → A) (le point C a été choisi à l'intersection de l'adiabatique réversible passant par A) : la détente adiabatique réversible ramène la température de T1 à T2, et le gaz à son état initial.

Fin du cycle.

Puisque le gaz est revenu à son état initial, le premier principe de la thermodynamique nous dit que

W + Q1 + Q2 = 0

Le rendement du moteur est le travail récupéré -W (donc égal à Q1 + Q2) divisé par la quantité de chaleur délivrée par la source chaude, soit Q1 :

r = 1 + \frac{Q_2}{Q_1}

On démontre que

\frac{Q_1}{T_1}+\frac{Q_2}{T_2} =0

d'où

r = -\frac{W}{Q_1}= 1-\frac{T_2}{T_1}.

Ce qui nous donne la formule annoncée.

L'égalité de Clausius

\frac{Q_1}{T_1} + \frac{Q_2}{T_2} = 0

provient du fait que le cycle a été réversible : l'entropie totale est restée constante, celle du gaz est nulle car il est revenu dans l'état A. La source 1 a vu son entropie varier de -Q1/T1, la source 2 de -Q2/T2, d'où l'égalité.

Application numérique : même en prenant une eau de rivière à 300 K et une source chaude à 600 K, le rendement ne serait que 50 %. Sur un gigawatt électrique fourni par une centrale " reversible ", 2GW doivent être consommés (en charbon, pétrole, méthane, ou mox nucléaire) dont 1 GW ira à la rivière (élévation de température) ou dans l'atmosphère (chaleur de fumée, vapeur d'une tour de réfrigération). Si l'on considère que toute la chaleur va dans la rivière et que celle-ci a un débit 100 m3/s : en 1 seconde, 109 J iront chauffer 100×106 g d'eau : soit une élévation de température de 10 (J)/4,18 (J/K) = 2,4 K.

Six centrales produisant 6 GW donneraient une élévation de 6·2,4 = 14,4 K. En France, il est interdit de dépasser 27 °C dans une rivière (obligation légale, pour la survie de la vie aquatique en zone tempérée) : l'été 2003 fut très chaud, il a fallu arrêter certaines centrales (voir l'article Canicule 2003). Cette pollution thermique (Q2 < 0) calculée par la formule de Carnot est la plus basse possible ; il s'agit en fait d'un minimum, la pollution thermique réelle est plus élevée. Encore avons-nous pris un rendement r = 0,5 ; la réalité est proche de 0,42.

Expérience de Joule

Voici un troisième exemple : cette fois le gaz parfait est contenu dans un flacon de volume V1 et est brutalement mis en contact avec un récipient vide de volume V2, où il s'engouffre partiellement : quelle est la température finale en admettant que les parois n'absorbent aucune chaleur ?

Cette expérience s'appelle expérience de Joule et Gay-Lussac, ou encore détente de Joule ; en fait, c'est Hirn en 1856 qui réussit réellement à la mettre en œuvre expérimentalement.

On se doute un peu de ce qui se passe : dans le second récipient, le gaz doit être plus chaud ; si V2 est très inférieur à V1, on doit retrouver T2 = γ·T0, d'après l'expérience 2.

Dans le récipient 1, le gaz qui y reste s'est détendu, il doit être plus froid ; c'est ce que l'on constate. Mais quelle est la température finale après retour à l'équilibre thermique ? Réponse : comme un GP est un gaz de Joule, la température ne change pas (cf. loi de Joule).

Entropie d'un gaz parfait

Pour tout connaître du gaz, il ne reste plus qu'à calculer son entropie S ; ce qui est facile si on admet le fait que T, température absolue, est la température thermodynamique (thermométrie).

Alors écrivant

dS = \frac{1}{T} \cdot (dH - V \cdot dp) = C_p \cdot \frac{dT}{T} - R\cdot \frac{dp}{p}

il vient immédiatement :

S(p,T) = S_{\rm molaire} = C_p \cdot \ln T  - R \cdot \ln p + {\rm constante}.

Exemple : dans l'expérience de Joule précédente, irréversible et adiabatique l'entropie a augmenté :

\Delta S = R \cdot \ln \left (1 + \frac{V_2}{V_1} \right ).

Seule la mécanique statistique (quantique) peut donner la valeur de la constante dite de Sackur-Tetrode (cf. troisième principe de la thermodynamique).

Pour un gaz parfait monoatomique, on préfère retenir la valeur de

G = U + p \cdot V - T \cdot S

appelée enthalpie libre :

G(V,T,N) = - N \cdot k \cdot T \ln \frac{p}{p^0}

avec

p^0(T) = \frac{kT}{\lambda^3}

On retrouve alors toutes les valeurs données dans les tables (par exemple pour l'argon, le néon…). Les calculs sont à peine plus compliqués pour les gaz diatomiques.

Cette valeur n'est valable que si la distance interatomique est très supérieures à la longueur d'onde de de Broglie

d = \sqrt(lien){V/N}  width=> \lambda" />

sinon, on tombe dans le domaine des gaz d'atomes froids (l'étude des atomes ultra-froids est d'ailleurs l'objet du prix Nobel de physique de Claude Cohen-Tannoudji).

Gaz parfait et théorie cinétique des gaz

Les gaz parfaits font l'objet d'une théorie dite théorie cinétique des gaz expliquant les lois physiques qui les régissent.

Mélange de Gaz Parfaits

Pour ce qui est d’un mélange idéal de gaz parfaits, on dispose de la loi de Dalton :

p = pi
i

pi désigne la pression partielle du gaz i, c'est-à-dire la pression qu’aurait le gaz i s’il occupait seul tout le volume.

Soit un gaz parfait de molécules A occupant un volume V1, et un gaz parfait de molécules B de volume V2, séparés par une cloison ils sont en équilibre (même température T et même pression P0). Il n'est pas du tout évident que pour une même pression et une même température, le mélange obtenu en enlevant la cloison soit un système de même pression, de même température et de volume V1+V2. À titre de comparaison, si l'on mélange 1 L d'eau et 1 L d'alcool, on obtient 1,84 L d'eau alcoolisée ; certes ce ne sont pas des gaz parfaits, mais cela montre que les propriétés ne sont pas toujours additives.

Considérons que les gaz soient chimiquement neutres, c'est-à-dire que les molécules de A et de B n'interagissent pas : d'après le paragraphe précédent,

  • A subit alors une détente de Joule de V1 à V1+V2, puisqu'il ne " voit " pas B (pas d'interaction) ;
  • symétriquement, B subit une détente de Joule de V2 à V1+V2.

Ainsi la température n'a pas changé et la pression sur les parois est due à A et B, soit

p_A = p_0 \left ( \frac{V_1}{V_1+V_2} \right ) pour la contribution de A, et
p_B = p_0 \left ( \frac{V_2}{V_1+V_2} \right ) pour la contribution de B.

La pression totale est pA + pB = p0 : la pression n'a pas changé, la loi de Mariotte reste donc vraie. En revanche, il y a eu " perte d'information par mixage " (paradoxe de Gibbs)).

S'il n'y a pas interaction entre A et B, l'énergie interne est simplement celle de A plus celle de B : la loi de Joule reste vraie. Donc le mélange se comporte comme un gaz parfait.

Le mélange de deux gaz parfaits de Laplace est un gaz parfait de Laplace, mais dont le facteur γ n'est pas la moyenne pondérée des γ : ce sont CV et Cp qui sont les moyennes pondérées.

L'entropie d'un mélange est la somme des entropies de chacun des gaz pris sous sa pression partielle (cf. paradoxe de Gibbs). Ce point est capital : il sera la clef en chimie de la loi d'action de masses.

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