En algèbre linéaire, un espace vectoriel est une structure algébrique permettant en pratique d'effectuer des combinaisons linéaires. Pour une introduction au concept de vecteur, voir l'article Vecteur.
Étant donné un corps (commutatif) K, un espace vectoriel E sur K est un groupe commutatif (dont la loi est notée +) munie d'une action compatible de K (voir la définition exacte). Les éléments de E sont appelés des vecteurs, et les éléments de K des scalaires.
Les premières traces de discussion concernant les espaces vectoriels et peuvent se reconnaître dans les écrits des mathématiciens français Descartes et Fermat, vers 1636. Il était alors plutôt question de représentation graphique à partir des coordonnées que du concept de vecteur, encore inconnu.
Afin de parvenir à une résolution géométrique sans utiliser la notion de coordonnées, le mathématicien Bolzano introduisit en 1804 des opérations sur les points, droites et plans, lesquelles sont les précurseurs des vecteurs [1]. Ce travail trouve un écho dans la conception des coordonnées barycentriques [2] par Möbius en 1827. L'étape fondatrice de la définition des vecteurs fut la définition par Bellavitis du bipoint, qui est un segment orienté (une extrémité est une origine et l'autre un but). La relation d'équipollence, qui rend équivalents deux bipoints lorsqu'ils déterminent un parallélogramme, achève ainsi de définir les vecteurs.
D'autres exemples d'espaces vectoriels apparaissent avec la présentation des nombres complexes par Argand et Hamilton, puis celle des quaternions par ce dernier, comme des éléments des espaces vectoriels respectifs et . Les systèmes linéaires, définis par Laguerre dès 1867, fournissent encore une série d'espaces vectoriels réels.
En 1857, Cayley introduisit la notation matricielle, qui permit d'harmoniser les notations et de simplifier l'écriture des applications linéaires entre espaces vectoriels. Il ébaucha également les opérations sur ces objets.
Vers la même époque, Grassmann reprit le calcul barycentrique [3] initié par Möbius en envisageant des ensembles d'objets abstraits munis d'opérations. Son travail dépassait le cadre des espaces vectoriels car, en définissant aussi la multiplication, il aboutissait à la notion d'algèbre. On y retrouve néanmoins les concepts de dimension et d'indépendance linéaire, ainsi que le produit scalaire apparu en 1844. La primauté de ces découvertes est disputée à Cauchy avec la publication de Sur les clefs algébrique dans les Comptes Rendus.
Le mathématicien italien Peano, dont une contribution importante a été l'axiomatisation rigoureuse des concepts existants — notamment la construction des ensembles usuels — a été un des premiers à donner une définition contemporaine du concept d'espace vectoriel, vers la fin du XIXe siècle [4].
Un développement important de ce concept est dû à la construction des espaces de fonctions par Lebesgue, construction qui a été formalisée au cours du XXe siècle par Hilbert et Banach, lors de sa thèse de doctorat en 1920.
C'est à cette époque que l'interaction entre l'analyse fonctionnelle naissante et l'algèbre se fait sentir, notamment avec l'introduction de concepts clés tels que les espaces de fonctions p-intégrables ou encore les espaces de Hilbert. C'est à cette époque qu'apparaissent les premières études sur les espaces vectoriels de dimension infinie.
Soit K un corps. On appelle K-espace vectoriel tout triplet (E,+,•) où :
Selon le corps K, on peut parler de K-espace vectoriel, espace vectoriel rationnel, réel ou complexe. Cette terminologie s'utilise notamment en analyse.
Des axiomes ci-dessus découlent les propriétés suivantes :
Dans certains ouvrages, les vecteurs peuvent être notés surmontés d'une flèche ou écrits avec des lettres en gras.
Un sous-espace vectoriel d'un espace vectoriel E est un sous-groupe additif F de E stable par l'action de K. Dit autrement, la somme de deux éléments de F est un élément de F et le produit d'un scalaire par un vecteur de F appartient à F. En d'autres termes, on demande à ce que F soit stable par combinaison linéaire.
Une combinaison linéaire est une somme finie de vecteurs affectés de coefficients (scalaires). La somme d'une famille finie d'éléments d'un groupe abélien est connue. La combinaison linéaire d'une famille de vecteurs ayant pour coefficients est le vecteur de E donné par :
Lorsque l'ensemble d'indexation est infini, il est nécessaire de supposer que le support de la famille soit fini.
Soient F et G deux sous-espaces vectoriels d'un K-espace vectoriel E. On définit la somme de F et de G par :
F+G est un sous-espace vectoriel de E, c'est même le plus petit sous-espace vectoriel de E (au sens de l'inclusion) contenant F et G.
La classe des espaces vectoriels n'est pas un ensemble. La classe des espaces vectoriels sur un corps fixé, identifiés à isomorphisme linéaire près, n'est pas non plus un ensemble. De fait, la liste suivante ne saurait être exhaustive. Les espaces vectoriels cités trouvent leur intérêt dans les structures additives dont ils sont naturellement munis.
Une famille issue d'un espace vectoriel E est une " collection " de vecteurs de E.
Une famille d'éléments de E est dite libre (sur ) lorsque toute combinaison linéaire d'éléments de à coefficients non tous nuls est non nulle, autrement dit lorsque la seule combinaison linéaire nulle d'éléments de est celle dont tous les coefficients sont nuls ; on dit aussi dans ce cas que les vecteurs de la famille sont linéairement indépendants. Une famille d'éléments de E est dite liée lorsqu'elle n'est pas libre ; cela signifie qu'il existe une combinaison linéaire nulle des éléments de cette famille à coefficients non tous nuls (c'est ce qu'on appelle une relation de dépendance linéaire).
Par exemple, une famille d'un seul vecteur non nul est toujours libre. A contrario, une famille quelconque comportant le vecteur nul est liée.
On peut montrer qu'une famille de deux vecteurs de E est liée si et seulement s'il existe un scalaire tel que ou un scalaire tel que . On dit dans ce cas que les deux vecteurs sont colinéaires. En revanche, rien n'assure qu'une famille liée comportant plus de trois vecteurs contienne forcément deux vecteurs colinéaires.
Une famille d'éléments de E est dite génératrice (de E) lorsque tout élément de E peut s'exprimer d'au moins une manière sous la forme d'une combinaison linéaire des éléments de cette famille.
On appelle base de l'espace vectoriel E toute famille d'éléments de E libre et génératrice.
On peut montrer qu'une famille d'éléments de E est une base si et seulement si tout élément u de E s'exprime de manière unique comme combinaison linéaire des éléments de .
On démontre au moyen de l'axiome du choix que tout espace vectoriel non réduit à admet au moins une base.
Si un espace vectoriel E admet une base ayant un nombre fini d d'éléments, alors toute base de E a ce même cardinal d.
L'entier d est appelé la dimension de E, notée , ou s'il n'y a pas d'ambiguïté, . On dit alors que E est un espace vectoriel de dimension finie (sur ), égale à d.
On convient qu'un espace vectoriel réduit à (et qui n'a donc pas de base) est de dimension finie, égale à 0.
On appelle droite vectorielle tout espace vectoriel de dimension finie égale à 1 et plan vectoriel tout espace vectoriel de dimension finie égale à 2.
Les espaces vectoriels qui ne sont pas de dimension finie sont dits de dimension infinie (cf. les exemples en fin d'article). Pour qu'un espace vectoriel E soit de dimension infinie, il faut et il suffit qu'il existe une famille libre infinie d'éléments de E.
Soit E un espace vectoriel de dimension finie (non nulle) égale à n. Alors :
Soient E un espace vectoriel de dimension finie n strictement supérieure à 1, et une famille libre de vecteurs de E telle que (autrement dit, une famille libre qui n'est pas une base : elle n'est pas maximale).
Alors, il existe vecteurs de E, qu'on peut noter , tels que la famille soit une base de E.
On dit qu'on a complété la famille libre en une base de E. (Voir le théorème de la base incomplète).
Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Alors :
Soient E un espace vectoriel de dimension finie, et deux sous-espaces vectoriels de E. Alors :
Soit un espace vectoriel et un sous-espace vectoriel de E. On dit du sous-espace vectoriel qu'il est un supplémentaire de dans si:
On dit alors que est somme directe de et de et on note . Lorsque c'est le cas, tout vecteur de se décompose de manière unique en une somme de deux vecteurs, l'un appartenant à et l'autre à .
C'est une contradiction a l'hypothèse de somme directe. La décomposition, si elle existe, est donc unique. Or l'existence d'une telle décomposition est assurée par la définition même de la somme d'espaces vectoriels.
Si un sous-espace vectoriel admet toujours un supplémentaire, l'unicité de ce dernier n'est absolument pas imposée. (Par exemple, dans , les suplémentaires d'un plan quelconque sont toutes les droites non contenues dans ce plan. Il existe donc ici une infinité de supplémentaires différents).
La généralisation à une somme directe de sous-espaces vectoriels demande une légère attention. En effet, soit une famille de sous-espace vectoriels de , la condition "l'intersection des sous-espaces deux à deux est " est nécessaire mais non suffisante pour définir une somme directe. (Penser au contre exemple dans le plan des trois droites dirigées par , et dont l'intersection deux à deux est mais qui ne peuvent pas être en somme directe).
Les sous-espaces de la famille des sont en somme directe si:
[à continuer]
Soient et deux espaces vectoriels.
.
L'ensemble des applications linéaire de dans est noté . Lorsque , on parle d'endomorphisme de et on note leur ensemble .
On appelle noyau de et on note l'ensemble .
On appelle image de et on note l'ensemble .
La dimension de l'image est appellée rang de . On le note .
,
que l'on peut reformuler sous la forme d'où le nom du théorème.
On peut munir un espace vectoriel d'une structure topologique compatible avec la structure linéaire. Compatible signifie que l'addition et la multiplication par un scalaire doivent être continues. Des exemples fondamentaux d'espaces vectoriels topologiques sont les espaces de Banach et espaces de Hilbert.
est un -espace vectoriel.
Les modules généralisent les espaces vectoriels puisqu'ils ont les mêmes axiomes de départ, mise à part le fait, important, que la loi externe est définie sur un anneau commutatif et non sur un corps.
De nombreuses propriétés vraies dans les espaces vectoriels ne sont plus vraies dans les modules, par exemple l'existence d'une base n'est plus assurée dans un modules.
[à compléter]