Pierre Daru - Définition

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Pierre-Antoine-Noël-Mathieu Bruno Daru (né à Montpellier le 12 janvier 1767 - mort à Meulan le 5 septembre 1829) était un homme d'État, un littérateur français et comte d'Empire. Il est l'homme dont Napoléon Ier à Sainte-Hélène résumait l'éloge en ces termes : " il joint le travail du bœuf au courage du lion " .

Biographie

Sa famille n'était ni noble ni riche ; son père occupait la place de secrétaire de l'intendance de Languedoc. Le moment venu de choisir un état, il témoigna le désir d'entrer au service ; son père lui obtint une sous-lieutenance dans un régiment de cavalerie : c'était en 1783.[1] Les ennuis inséparables de la vie de garnison, les difficultés qu'il éprouvait pour se livrer aux travaux littéraires, pour concilier le goût de l'étude avec les occupations et les devoirs de la sous-lieutenance, le dégoûtèrent du service militaire, et donnant sa démission de sous-lieutenant, il entra dans l'intendance militaire.

Il était commissaire des guerres en 1789. La Révolution française le trouva disposé à accueillir, à seconder les principes d'une sage réforme. Quoique souvent dénoncé comme modéré, il fut conservé cependant à ses fonctions, parce qu'on avait besoin de ses talents, de sa capacité, de son expérience, si bien appréciés par tous les généraux aux armées de l'Ouest, de Sambre-et-Meuse, partout où l'appela le ministère de la guerre.

Partisan modéré de la Révolution française, sa réserve parut la preuve d'un secret penchant pour le royalisme, quoiqu'il ne fût pas noble, quoiqu'il n'eût pas émigré. Un ordre d'arrestation l'enleva même au milieu de l'armée, et conduit à Paris, il y attendit son jugement, ou plutôt il se prépara à la mort. Il fut emprisonné sous la Terreur. Il allait comparaître devant le tribunal révolutionnaire, lorsque la journée du 9 thermidor, en brisant la tyrannie de Robespierre et de ses complices, rendit la liberté à Daru.

Il ne cessait de demander à être envoyé à l'armée; mais il était toujours éconduit par des promesses qui ne se réalisaient pas. Enfin, les circonstances lui devinrent plus favorables ; le ministre de la guerre avait besoin d'un administrateur, afin de régulariser le service des subsistances militaires.

Il le nomma chef de cette division si importante l'ancien commissaire des guerres qui était désigné à son choix par l'opinion publique. Daru entra d'abord au ministère de la guerre en l'an VII.[2]

Le tranquille travail des bureaux ne convenait pas à l'activité de Daru[3]. Il demanda et obtint la permission d'échanger la place de chef de division contre les fonctions de commissaire ordonnateur, et partit pour l'armée du Rhin. Il n'y resta pas longtemps, et fut forcé de revenir à Paris, pour remplir les fonctions de secrétaire général du ministre de la guerre.

Daru n'avait pas échappé à la perspicacité du premier Consul, qui le nomma secrétaire général du ministère de la guerre, avec le rang d'inspecteur aux revues, puis l'emmena avec lui en Italie.

Après la bataille de Marengo, il reçut du général en chef de l'armée française une mission : nommer l'un des commissaires chargés de veiller aux détails d'exécution de la convention signée par Mélas et Berthier, il ne tarda pas à revenir à Paris; il ne devait plus se séparer du chef de l'État.[4]

Un nouveau théâtre s'ouvrit bientôt pour Daru, appelé en 1801 au Tribunat[5]

Napoléon Ier, empereur, ne fut pas ingrat envers ceux qui avaient favorisé sa promotion, mais Daru avait encore d'autres droits à la bienveillance du nouveau monarque; ce fut moins le membre du Tribunat que l'administrateur que Napoléon nomma membre de la Légion-d'Honneur le 4 frimaire an XII, et commandant le 25 prairial suivant.

La place de Daru était marquée au conseil d'État, et il s'y assit à côté des capacités dont l'Empereur s'entourait.[6]

De l'an XII à 1806, Daru fut nommé successivement conseiller d'État, intendant général de la maison militaire de l'Empereur, intendant général de la liste civile, en remplacement de Fleurieu.

Commissaire général de la Grande Armée à l'ouverture de la campagne contre la Prusse, en 1806, il eut une tâche plus pénible à remplir après la bataille d'Iéna : L'Empereur le nomma intendant général des pays conquis, et ces fonctions comprenaient l'exécution terrible de la victoire.[7]

La campagne de 1809 terminée par la bataille de Wagram avait livré aux armées françaises les États héréditaires de l'empire d'Autriche et une grande partie de ses autres provinces. Daru fut investi à Vienne des mêmes fonctions qu'il avait remplies à Berlin.

En 1811, de Champagny, ministre des relations extérieures, avait encouru la disgrâce de l'Empereur; celui-ci voulut néanmoins compenser pour le ministre destitué la perte de son portefeuille; il le nomma intendant général des domaines de la couronne à la place de Daru, qui reçut le titre de ministre secrétaire d'État. Il le nomma comte de l'Empire le 23 mai 1809 et grand officier de la Légion-d'Honneur le 30 juin 1811.

Vers la fin de 1811 et au commencement de 1812, de graves symptômes de mésintelligence annonçaient l'imminence d'une rupture entre la France et la Russie. De chaque côté on se préparait à la lutte. Napoléon partit et Daru l'accompagna.

Après la bataille de Smolensk, Daru, consulté par l'Empereur, était d'avis que l'armée s'arrêtât, se fortifiât dans cette ville ; il ne la voyait pas sans crainte s'enfoncer au sein de la vieille Russie, en s'acharnant à la poursuite d'un ennemi qui se dérobait devant elle par une fuite calculée.[8]

L'incendie de Moscou justifia les craintes de Daru[9]

Pendant la retraite de Russie, le général Mathieu Dumas, malade et dans l'impossibilité de continuer ses fonctions d'intendant général, fut remplacé par le comte Daru. Vers la fin de la campagne il crut devoir donner à ces fonctions le titre d'un ministère spécial dont elles avaient d'ailleurs l'importance.

En 1813, l'intendant général de la Grande Armée fut nommé grand aigle de la Légion-d'Honneur (22 novembre) et ministre chargé de l'administration de la guerre. Dans les campagnes de 1813 et 1814, l'administration de la guerre, avec les faibles moyens dont elle pouvait disposer, sut pourvoir à toutes les nécessités des différents services; elle ne put rien dans les évènements qui amenèrent l'abdication de Fontainebleau.

Louis XVIII le nomma intendant général honoraire et lui donna la croix de Saint-Louis. Témoin et juge sévère des fautes de la Restauration, il seconda de ses vœux seulement le succès de la Révolution du 20 mars. Quand il vint saluer Napoléon aux Tuileries, l'Empereur lui serra affectueusement la main, car il savait qu'il pouvait toujours compter sur son dévouement.

La bataille de Waterloo et la seconde Restauration forcèrent Daru de quitter définitivement la carrière administrative; il perdit toutes ses places, excepté celle qu'il occupait à l'Institut de France, où il avait succédé, en 1806, à Collin d'Harleville. Il échappa aux épurations de l'ordonnance de 1816.

Rendu à ses livres et à l'étude, Daru trouva le bonheur dans sa retraite studieuse. Il avait renoncé sans regret à la vie politique, il y fut rappelé par l'ordonnance royale du 5 mars 1819 qui le comprit dans la nombreuse promotion de Pairs nommés par le ministre Decazes, à la suite de la réaction contre le parti qu'on appelait alors ultra monarchique.

Quoique appartenant à l'opposition de la Chambre, les opinions et le langage de Daru repoussaient l'idée des hostilités systématiques qui compromettent le succès des meilleures causes. Il défendit avec constance la cause des libertés publiques.[10]

Entré à la Chambre des pairs puis à l'Académie française en 1806 il devient membre libre de l'Académie des sciences en 1828.

Daru vit se préparer la révolution de Juillet, mais il mourut avant qu'elle s'accomplît. Une attaque d'apoplexie termina son existence en septembre 1829. Il se trouvait alors à sa terre de Meulan.

Indépendamment de ses traductions du Traité de l'orateur, de Cicéron, et des Odes d'Horace, le comte Daru a publié plusieurs grands ouvrages et beaucoup de poésies[11]

Son fils est Napoléon Daru.

En tant que cousin de Stendhal, il apparaît souvent dans les œuvres autobiographiques du grand écrivain.

Ses ouvrages principaux sont :

  • une Traduction en vers des Œuvres d'Horace, 1804, une des meilleures éditions signalée par le Dictionnaire Bouillet au XIXe siècle ;
  • l'Histoire de la république de Venise, 1819 et 1822, ouvrage devenu classique au XIXe siècle ;
  • Histoire des ducs de Bretagne, 1826, et l'Astronomie, poème en 6 chants, publié après sa mort, 1830.

Notes

  1. Le sous-lieutenant qui avait rêvé peut-être le bâton de Fabert, ne tarda pas à s'apercevoir qu'il attendrait longtemps le brevet de capitaine.
  2. Quelques mois lui suffirent pour établir un ordre parfait dans le service confié à sa surveillance.
  3. Il aimait le mouvement, l'agitation de la vie militaire; ils étaient même nécessaires à son tempérament
  4. Daru, admirateur du premier Consul, voulut aussi lui payer le tribut poétique de son enthousiasme, et il emprunta, pour le louer, une forme ingénieuse et délicate; il adressa à l'abbé Delille une épître pour l'engager à célébrer ses hauts faits et sa gloire.
    Dis-moi, souffriras-tu qu'une Muse vulgaire
    S'empare d'un sujet digne d'un autre Homère?
    L'abbé Delille garda son inflexible silence; il ne voulut pas être l'Homère du premier Consul ; mais s'il refusa des vers au chef de l'État, il rendit justice au mérite d'une versification élégante, à l'esprit du poète. Le jugement du public ne fut pas moins favorable à l'épître de Daru; mais son poème intitulé les Alpes, composition sans plan déterminé, ne réussit pas. Toutefois, cet ouvrage se distinguait par la même pureté de goût, la même correction qu'pn avait louées dans la traduction en vers des Odes d'Horace, publiées quelques années auparavant.
  5. Il apporta dans cette assemblée les leçons et les enseignements de son expérience dans tous les détails de l'administration de la guerre.
  6. Il prit une part glorieuse à toutes les discussions qui avaient lieu souvent devant Napoléon.
  7. Il fallait que, suivant l'axiome militaire, la guerre nourrit la guerre. La Prusse vaincue, devait payer d'énormes contributions au vainqueur; un décret de l'Empereur en avait fixé le chiffre, et Daru se trouva investi d'un pouvoir dont il n'était pas en sa puissance d'adoucir la rigueur. Toutefois, s'il fut rigoureux, il ne fut point injuste et jamais on n'attaqua sa probité.
  8. Il objecta, au nom de son expérience, que les approvisionnements ne suivraient plus avec sécurité la marche de l'armée française, et que les convois ne pouvaient s'aventurer dans un pays où manquaient les lieux propres à recevoir des magasins.
  9. Que faire ? disait l'Empereur à Daru, en jetant les yeux sur les ruines fumantes de la cité sainte. — Rester ici, répondit Daru, nous loger dans ce qui reste de maisons, dans les caves ; recueillir les vivres qu'on pourra encore trouver dans cette ville immense; presser les arrivages de Wilna, faire de ces décombres un grand camp retranché, rendre inattaquables nos communications avec les provinces lithuaniennes avec l'Allemagne, avec la Prusse, et recommencer au printemps prochain.— C'est un conseil de lion, s'écria l'Empereur. " Le conseil de lion ne fut pas suivi : Napoléon donna le signal de la retraite.
  10. Les ministères Villèle et Polignac trouvaient en lui un rude, mais loyal adversaire.
  11. Il a laissé surtout un ouvrage qui lui a survécu : c'est l'Histoire de la République de Venise. On ne connaissait de Venise que les souvenirs de sa grandeur et de sa décadence ; Daru arracha cette République au roman et à la poésie pour la restituer au domaine des faits et à la réalité. L'Histoire de Bretagne suivit de près celle de la République de Venise; mais elle est bien inférieure. L'historien s'est arrêté à la Révolution française, il est à regretter qu'il l'ait laissée incomplèle. (Extrait de la biographie de Daru, par C. Saint-Maurice.)

Source partielle

" Pierre Daru ", dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail édition](Wikisource)

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