Ligne du Sud-Ouest - Définition

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La Ligne du Sud-Ouest fit souvent la une des journaux locaux, ici celle d'un supplément du journal du Travailleur Normand, 27 mai 1900
La Ligne du Sud-Ouest fit souvent la une des journaux locaux, ici celle d'un supplément du journal du Travailleur Normand, 27 mai 1900

La ligne du Sud-Ouest désigne le chemin de fer qui devait relier, au tournant des XIXe et XXe siècles, le port du Havre à la rive gauche de la Seine, et, au-delà, à l'ouest (L’ouest est un point cardinal, opposé à l'est. C'est la direction vers laquelle se...) et au sud-ouest (Le sud-ouest est la direction à mi-chemin entre les points cardinaux sud et ouest. Le...) de la France, grâce au franchissement du fleuve (En hydrographie francophone, un fleuve est un cours d'eau qui se jette dans la mer ou dans...) près de l'estuaire (L'estuaire est la portion de l'embouchure d'un fleuve où l'effet de la mer ou de l'océan dans...).

Durant une soixantaine d'années, ce projet (Un projet est un engagement irréversible de résultat incertain, non reproductible a...) ferroviaire a mobilisé les énergies régionales, en particulier havraises, mais il a été aussi une pomme (La pomme est le fruit du pommier, arbre fruitier largement cultivé. L'étude de la culture...) de discorde entre les principales villes haut-normandes (Rouen et Le Havre). L'opposition systématique (En sciences de la vie et en histoire naturelle, la systématique est la science qui a pour...) des Rouennais à un ouvrage d'art lancé en aval de leur cité (La cité (latin civitas) est un mot désignant, dans l’Antiquité avant la...), obstacle potentiel à la navigation (La navigation est la science et l'ensemble des techniques qui permettent de :) des bâtiments de haute mer (Le terme de mer recouvre plusieurs réalités.) remontant la Seine jusqu'à leur port, fit, en grande partie, échouer la réalisation de la ligne et menaça jusqu'à l'unité[1] du département de Seine-Inférieure[2].

Une longue gestation (La gestation est un état fonctionnel particulier propre à la femelle de vivipare qui...)

L'idée de construire ce qu'on appela plus tard la ligne du Sud-Ouest est sans doute contemporaine de l'inauguration du chemin de fer (Le chemin de fer est un système de transport guidé servant au transport de personnes et...) Rouen - Le Havre en 1847, seconde ( Seconde est le féminin de l'adjectif second, qui vient immédiatement après le premier ou qui...) étape de la radiale reliant Paris (Paris est une ville française, capitale de la France et le chef-lieu de la région...) à la mer[3]. L'itinéraire mettant en communication (La communication concerne aussi bien l'homme (communication intra-psychique, interpersonnelle,...) les deux grandes cités normandes, établi sur le plateau cauchois à une vingtaine de kilomètres (Le mètre (symbole m, du grec metron, mesure) est l'unité de base de longueur du Système...) au nord (Le nord est un point cardinal, opposé au sud.) du cours sinueux de la Seine, avait nécessité l'édification de nombreux ouvrages d'art, cinq tunnels et trois viaducs[4], dont celui de Barentin qui s'était écroulé en janvier 1846 quelques mois avant sa mise en service. Les Havrais purent alors prendre conscience de l'insuffisance pour leur ville (Une ville est une unité urbaine (un « établissement humain » pour...) portuaire de l'unique voie ferrée (Une voie ferrée est un chemin de roulement pour les convois ferroviaires, constitué d'une ou...) truffée de réalisations architecturales rares en zone non montagneuse (outre le viaduc (Un viaduc est un ouvrage d'art routier ou ferroviaire qui franchit une vallée, une...) de Barentin, on peut citer celui de Mirville ou le tunnel (Un tunnel est une galerie souterraine livrant passage à une voie de communication (chemin de...) de Pissy-Pôville), mais vulnérables. Une autre ligne s'avérait donc nécessaire pour assurer la sécurité des communications de la Porte Océane[5].

Il fallut pourtant attendre le début des années 1870 et la fin des travaux d'endiguement de l'estuaire de la Seine liés à la construction du canal de Tancarville pour voir apparaître les projets initiaux. En 1870, un entrepreneur parisien, M. Fresson, suggérait l'établissement d'une voie ferrée d'intérêt local[6] à voie normale entre Le Havre et Rouen par la rive droite (Caudebec, Duclair) mais beaucoup plus près du fleuve que le chemin de fer (Le fer est un élément chimique, de symbole Fe et de numéro atomique 26. C'est le...) du plateau cauchois[5].

La ligne du Sud-Ouest donna lieu à de nombreux projets; ici, deux tracés de ligne avec franchissement de la Seine par tunnel (en aval), un troisième par viaduc plus en amont
La ligne du Sud-Ouest donna lieu à de nombreux projets; ici, deux tracés de ligne avec franchissement de la Seine par tunnel (en aval), un troisième par viaduc plus en amont

Ce projet fut vite abandonné et remplacé en 1871 par une proposition de MM. Delahante et Girard qui prévoyait la construction, toujours à titre d'intérêt local, de deux itinéraires[5]. L'un aurait relié les deux grandes cités normandes par un tracé presque similaire à celui de M. Fresson, l'autre permit de mettre en communication Le Havre et le département de l'Eure avec la traversée de la Seine entre Port-Jérôme et Quillebeuf par un bac porte-trains assurant le passage des convois d'une rive à l'autre sans rupture de charge (En matière de transport, une rupture de charge est une étape pendant laquelle des marchandises ou...). Un chemin de fer, établi dans l'Eure entre la station de Pont-Audemer et les berges du grand fleuve, aurait assuré la continuité (En mathématiques, la continuité est une propriété topologique d'une fonction....) du trafic vers les régions du Centre ou de l'Atlantique. La ligne du Sud-Ouest était donc pour la première fois évoquée. Ce projet fut également enterré dès 1870 à cause de l'hostilité grandissante de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest qui, tout (Le tout compris comme ensemble de ce qui existe est souvent interprété comme le monde ou...) en reconnaissant l'utilité de ces tronçons, ne supportait pas de voir sa suprématie menacée dans la région[5].

Ce coup du sort mit en sommeil (Le sommeil est un état naturel récurrent de perte de conscience (mais sans perte de la...) pour quelque temps (Le temps est un concept développé par l'être humain pour appréhender le...) la question, mais, en 1879, deux événements permirent une relance des propositions. Ce fut d'abord l'inscription, sous le numéro 43, de la " ligne de Pont-Audemer à Port-Jérôme avec bac à vapeur () sur la Seine " dans la loi de classement du 17 juillet dite loi Freycinet, destinée à compléter les mailles du filet ferroviaire[5]. Ce fut également, le 26 octobre, le discours prononcé par Gambetta devant les principales personnalités havraises qui resta fameux dans la mémoire (D'une manière générale, la mémoire est le stockage de l'information. C'est aussi le souvenir...) des partisans de la voie ferrée du Sud-Ouest[7] :

Je faisais des comparaisons entre vos quais, entre vos bassins, entre les moyens d'écoulement de vos produits. Je pensais à ce qu'il y avait véritablement d'humiliant pour nous - non pour vous, gens du Havre, mais pour nous Français - de penser qu'un grand centre, qu'un grand foyer d'appel des marchandises du monde entier pourrait être réduit, pour quelques rubans d'acier (L’acier est un alliage métallique utilisé dans les domaines de la construction...) qui lui faisaient défaut, à ne pouvoir soutenir la lutte, à ne pouvoir se trouver en communication directe avec le Nord, ni avec le Centre, ni avec l'Ouest de la France. Messieurs, c'est une situation (En géographie, la situation est un concept spatial permettant la localisation relative d'un...) qui ne peut durer. Je ne parle ici que comme simple citoyen. Je ne mets à votre disposition que le concours de ma parole (La parole, c'est du langage incarné. Autrement dit c'est l'acte d'un sujet. Si le langage renvoie...) individuelle et libre. Mais s'il dépend de moi (Le mois (Du lat. mensis «mois», et anciennement au plur. «menstrues») est une période de temps...) de pousser à cette question, certainement, vous ne resterez plus bloqués par derrière tandis que la mer vous sollicite par devant. " 

De nouvelles études furent menées dans lesquelles on évoquait avec de plus en plus d'insistance une liaison fixe, viaduc ou tunnel, pour la traversée de la Seine.

Le temps des grands projets

Projet Danisy-Martin de pont roulant immergé (1895)
Projet Danisy-Martin de pont (Un pont est une construction qui permet de franchir une dépression ou un obstacle (cours...) roulant immergé (1895)
Le projet de pont transbordeur de Ferdinand Arnodin (1897)
Le projet de pont transbordeur (Un pont transbordeur, aussi appelé pont à transbordeur, est un pont enjambant un port, un...) de Ferdinand Arnodin (Ferdinand Joseph Arnodin est un ingénieur et industriel français né le 9 octobre...) (1897)
Projet de viaduc de type cantilever émanant de la Cie des chemins de fer de l'Ouest (1900)
Projet de viaduc de type cantilever émanant de la Cie des chemins de fer de l'Ouest (1900)

L'année (Une année est une unité de temps exprimant la durée entre deux occurrences d'un évènement lié...) 1883 marque un tournant dans l'histoire de la liaison du Sud-Ouest : l'inscription d'une voie ferrée de Pont-Audemer au Havre par Lillebonne et passage du grand fleuve normand en amont de Port-Jérôme dans le tableau (Tableau peut avoir plusieurs sens suivant le contexte employé :) A du projet Freycinet adopté par la loi du 19 novembre 1883 permit le lancement d'études approfondies[8]. Une première proposition élaborée en 1886 par M. Cordier, préconisait la traversée souterraine de la Seine par un tunnel en maçonnerie (La maçonnerie est l'art de bâtir une construction par l'assemblage de matériaux...) à voie unique[9]. Compte tenu des difficultés de percement de l'ouvrage dans des terrains alluvionnaires instables, cette solution fut écartée en 1888[9].

Ce n'était que partie remise car sous l'impulsion du maire (Le maire représente l'autorité municipale. Dans de nombreux cas, il est le détenteur du pouvoir...) du Havre, M. Louis Brindeau, la dernière décennie (Une décennie est égale à dix ans. Le terme dérive des mots latins de decem « dix »...) du XIXe siècle vit éclore de multiples avant-projets :

  • En 1891, l'ingénieur (« Le métier de base de l'ingénieur consiste à résoudre des problèmes de nature...) Jean Berliet (Berliet était un constructeur automobile français, fondé par Marius Berliet.) proposait le franchissement de la Seine en un endroit encore mal déterminé près de Port-Jérôme par un tunnel de 4 500 mètres divisé en deux parties : la première, longue de 2 000 mètres et creusée dans un terrain stable, aurait été maçonnée, la seconde, établie dans les alluvions et constituée d'un tube métallique de 2 500 mètres. Ce dernier, réalisé pour une voie, aurait eu un diamètre (Dans un cercle ou une sphère, le diamètre est un segment de droite passant par le centre...) de 5,50 mètres, laissant disponible un cercle (Un cercle est une courbe plane fermée constituée des points situés à égale...) de 5,20 mètres, et aurait été formé par la juxtaposition d'anneaux en fonte de 0,50 mètres de long, réalisés par l'assemblage de douze plaques identiques[10].
  • En 1892, c'était au tour de la Compagnie de l'Ouest de proposer sa solution. Il était envisagé cette fois, à hauteur (La hauteur a plusieurs significations suivant le domaine abordé.) d'Aizier (à quinze kilomètres en amont de Port-Jérôme), un viaduc de 2 800 mètres dont 2 300 mètres pour l'ouvrage d'accès sur la plaine (Une plaine est une forme particulière de relief, c'est un espace géographique...) d'alluvions de la rive droite. La travée (Une travée, dans le domaine de l'architecture, est une ouverture délimitée par deux supports...) centrale en acier d'une ouverture de 350 mètres aurait eu un tirant d'air (L'air est le mélange de gaz constituant l'atmosphère de la Terre. Il est inodore et...) de 45 à 50 mètres, respectant les exigences de la navigation qui fréquentait le port de Rouen[9].
  • En 1895, fut déposé l'avant-projet de M. Danisy-Martin, sans doute le plus original et le plus spectaculaire. Le franchissement de la Seine aurait été effectuée à l'aide d'un pont immergé, fondation assise au fond de l'eau (L’eau est un composé chimique ubiquitaire sur la Terre, essentiel pour tous les...) et composée d'un massif (Le mot massif peut être employé comme :) de béton (Le béton est un matériau de construction composite fabriqué à partir de...), reposant sur des pieux à vis fortement engagés dans un terrain solide. Sur cette construction auraient été mis en place des rails utilisés comme chemin de roulement ( En mécanique, le roulement, et plus précisément le roulement sans glissement, est le mouvement...) par un charriot transbordeur dont le tablier supérieur était destiné à recevoir des trains[11].
  • En 1897, M. Arnodin, un des grands ingénieurs de son temps, proposa la construction d'une voie ferrée d'intérêt local entre Le Havre et Pont-Audemer avec traversée du grand fleuve normand au moyen d'un pont transbordeur. Cet ouvrage de 560 mètres, composé d'un tablier supérieur établi à grande hauteur (60 mètres) et placé entre deux pylônes laissant entre eux une passe maritime de 400 mètres, aurait offert un bel (Nommé en l’honneur de l'inventeur Alexandre Graham Bell, le bel est unité de...) exemple de l'architecture métallique (Le métal commence à être utilisé dans l'architecture et le génie civil...) à proximité de l'estuaire. Sur le tablier aurait roulé un charriot auquel aurait été attachée, par l'intermédiaire de câbles en acier, une nacelle capable d'emporter un petit convoi ( Un convoi est un ensemble de véhicules terrestres ou maritimes, généralement non attelés,...) ferroviaire[9].

Tous ces projets étaient, certes, très intéressants sur le plan technique mais les Havrais attendaient désespérément la réalisation de la ligne du Sud-Ouest. Les autorités, le ministère des Travaux publics en particulier, semblaient tout faire pour retarder la construction de cet itinéraire si utile pour le grand port de la Manche. Ce fut seulement le 6 février 1900[12] que M. Baudin, ministre des Travaux publics, autorisa la mise à l'enquête du chemin de fer traversant la Seine, dix-sept ans après l'adoption du tableau A de son prédécesseur.

Deux nouveaux projets virent le jour (Le jour ou la journée est l'intervalle qui sépare le lever du coucher du Soleil ; c'est la...) et donnèrent lieu à une enquête d'utilité publique :

  • Le premier de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest qui reprenait la construction à hauteur d'Aizier d'un viaduc de 2 300 mètres de long et 57 mètres de tirant d'air[13].
  • Le second des ingénieurs de l'État qui proposaient le percement d'un tunnel de 6 800 mètres près de Tancarville[14].

L'échec de la construction de la ligne

Les résultats des études à peine publiés, les Rouennais, jusqu'alors bien silencieux, se déchainèrent sous la conduite de M. Waddington (conseiller général de Darnétal et président de la Chambre de commerce et d'industrie). Ils reprochaient au viaduc de compromettre, par un tirant d'air insuffisant[15], l'accès des navires de haute mer jusqu'à leur port et de menacer la sécurité de la navigation sur le fleuve en cas de destruction accidentelle ou durant un conflit[12]. Le tunnel avait leur préférence mais ils exigeaient qu'il soit enfoui assez profondément pour permettre, dans l'avenir, l'arrivée dans les bassins rouennais de bateaux à tirant d'eau important. Voilà d'ailleurs ce que déclarait M. Waddington lors d'une réunion de la Chambre de commerce et d'industrie de Rouen, le 7 juillet 1900[16]:

Des deux solutions qui paraissent également coûteuses, la Chambre, à l'unanimité, estime que la seule acceptable est celle qui assure, dans le présent et dans l'avenir, la libre circulation du fleuve, c’est-à-dire la traversée souterraine, choisie d'ailleurs par le législateur en 1883. " 

Cette opposition, qui se traduisit par de violentes joutes oratoires au conseil général entre les représentants des deux cités normandes, fit une nouvelle fois retarder la déclaration d'utilité publique de la voie ferrée du Sud-Ouest. Ce report de la question suscita des initiatives privées (nouveau projet de tunnel métallique de M. Berliet en 1902[17], proposition de passage du fleuve par bac porte-trains[17] émanant de la compagnie Fives-Lille en 1904, etc), tout aussi stériles que les précédentes. Les années s'écoulaient, exaspérantes pour les Havrais, rassurantes pour les Rouennais.

Projet Fives-Lille de bac porte-trains (1904)
Projet Fives-Lille de bac porte-trains (1904)

De 1910 à 1914, les débats reprirent autour (Autour est le nom que la nomenclature aviaire en langue française (mise à jour) donne...) de la traversée de la Seine par un ouvrage aérien alors que la ligne du Sud-Ouest se transformait peu à peu en un second chemin de fer du Havre à Paris par la rive gauche. L'essentiel des discussions porta sur la hauteur libre sous le viaduc. De 57 mètres, les ingénieurs la firent passer (Le genre Passer a été créé par le zoologiste français Mathurin Jacques...) à 59 mètres en 1911, 63 mètres en 1912, puis 65 mètres en 1913[17]. Insuffisant !, déclaraient à chaque fois les Rouennais qui obtinrent finalement gain de cause avec l'ajournement de la déclaration d'utilité publique, le 18 mars 1914, par M. Pichery , ministre des Travaux publics[17]. C'est durant cette période précédant la Première Guerre mondiale que culmina l'affrontement entre les deux grandes villes normandes. Chaque cité, par l'intermédiaire d'un homme (Un homme est un individu de sexe masculin adulte de l'espèce appelée Homme moderne (Homo...), M. Waddington pour Rouen, M. Brindeau pour Le Havre, et d'un ou plusieurs quotidiens, le Journal de Rouen[18] et la Dépêche de Rouen[19] d'une part, le Journal du Havre[20] d'autre part, s'invectivaient sur le bien-fondé du projet. Les articles des quotidiens d'une ville répliquaient invariablement à ceux de la cité rivale, des arguments identiques étaient utilisés à plusieurs reprises ; à chaque fois, ils étaient contredits par des démonstrations semblables. Les Rouennais reprochaient aux Havrais de vouloir asphyxier leur port en limitant, par la construction d'un viaduc, la possibilité de remontée d'un certain nombre (La notion de nombre en linguistique est traitée à l’article « Nombre...) de navires, de menacer le trafic en cas d'écroulement de l'ouvrage. Les seconds accusaient les premiers d'agir à des fins égoïstes pour limiter la concurrence de la Porte Océane en réduisant ses débouchés. Des édiles havrais (sous couvert d'anonymat), au plus fort de la querelle, après avoir invectivé les responsables rouennais, les couvrant d'insultes, proposèrent même un nouveau découpage des départements normands, Seine-Inférieure et Eure, selon une limite nord-sud et non est-ouest évitant ainsi aux sœurs ennemies de se retrouver dans la même circonscription administrative[21].

Le projet n'était pas enterré officiellement après l'ajournement de la déclaration d'utilité publique mais cela ressemblait fort à un abandon. Les études reprirent bien après la guerre mais elles furent tout aussi infructueuses qu'auparavant. On parla de nouveau d'un tunnel ou d'un bac porte-trains, de construire la ligne au titre des réparations de guerre en nature dues par l'Allemagne[22]. L'enthousiasme, la pugnacité des Havrais s'étaient amoindris avec le temps, la lassitude gagnait même les plus ardents défenseurs de la voie ferrée nouvelle. Les années vingt furent perdues en atermoiements ; la crise économique des années trente, le rôle croissant de l'automobile (Une automobile, ou voiture, est un véhicule terrestre se propulsant lui-même à l'aide d'un...) mirent un terme aux espoirs havrais. Un ultime projet par viaduc, précis tant sur le plan technique que financier, fut bien déposé en 1931[17] mais le temps n'était plus aux grands travaux ferroviaires, son abandon n'en fut que plus rapide.

Épilogue

Soixante années de débats, parfois passionnés, pas moins d'une quarantaine (La quarantaine (venant de l'italien : quaranta giorni, qui signifie 40 jours, ou bien du...) de projets, sans compter les variantes, tous ces efforts furent donc vains car la ligne ne fut jamais construite. Lorsqu'en 1959[23], la Seine vit, pour la première fois, un pont l'enjamber en aval de Rouen, celui-ci n'était destiné qu'aux automobiles, le chemin de fer en était exclu. La voie ferrée, pourtant, avait montré le chemin ; le fait même que Tancarville, site préconisé à maintes reprises dans les études de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (Un siècle est maintenant une période de cent années. Le mot vient du latin saeculum, i, qui...), soit choisi comme lieu de franchissement du fleuve, confirmait le bien fondé des études qui avaient été menées dans le cadre du projet de la ligne du Sud-Ouest. Depuis cette date, la mise en service du pont de Normandie (Le pont de Normandie est un pont à haubans enjambant l'estuaire de la Seine, il relie le Havre...), en janvier 1995[24], a permis un second franchissement de la Seine encore plus en aval. Au delà de sa portée régionale, le nouvel ouvrage s'avère être un des maillons de la liaison transversale reliant Calais à Bayonne, connue sous le nom d'autoroute (Une autoroute est une route réservée à la circulation des véhicules motorisés rapides...) des estuaires et destinée à desservir l'ouest du pays (Pays vient du latin pagus qui désignait une subdivision territoriale et tribale d'étendue...) et à soulager le nœud de communication parisien[25] mais une fois encore, la voie ferrée a été exclue du projet.

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