Les pattes de la séduction d'un papillon palmivore

Publié par Michel le 29/03/2013 à 00:00
Source: CNRS
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Des chercheurs de l'Inra, du Cirad et du CNRS ont fait une découverte inédite chez le papillon qui ravage les palmiers: la présence d'une phéromone sexuelle émise par le mâle au niveau de sa patte. Découverte qui bouleverse les connaissances sur Paysandisia archon et ouvre des perspectives prometteuses en matière de lutte intégrée contre ce ravageur. Ces résultats sont publiés le 25 mars 2013 dans la revue Chemoecology.

Communiquer est vital pour survivre et se reproduire chez l'insecte qui utilise ses sens pour percevoir son environnement et ses congénères. S'il peut communiquer par des signaux sonores et visuels, la communication chimique est prépondérante dans sa vie. Lors de la reproduction, des substances chimiques – les phéromones sexuelles - sont libérées par les adultes d'une espèce afin d'attirer le partenaire de la même espèce. Des chercheurs de l'Inra et leurs collègues du Cirad et du CNRS se sont intéressés à la communication chimique chez un papillon de jour, le papillon palmivore Paysandisia archon, connu pour les dégâts qu'il occasionne aux palmiers.

Une phéromone dans la patte...

Les scientifiques se sont intéressés aux pattes de P. archon - trois paires de pattes articulées grâce à leur fémur, tibia et tarses respectifs. Ils ont d'abord observé qu'au cours de la parade nuptiale, le mâle du papillon palmivore frotte sa patte médiane contre le support sur lequel il est posé. Ce comportement provoque une attraction de la femelle qui atterrit près du
mâle. Au niveau de cette patte médiane, les chercheurs ont montré que le premier segment des tarses est modifié chez le mâle et qu'il porte une structure en brosse située au-dessous de la griffe. Cet organe ou androconie, est caractéristique des papillons de cette famille, les Castniidae, mais le lien n'avait pas été établi entre ce trait morphologique et l'émission d'une phéromone.

Les chercheurs ont ensuite analysés des extraits de la patte entière ou du support de grattage. Ils ont ainsi identifié, dans ces pattes, un composé unique dont la structure chimique est originale pour une phéromone de mâle et s'avère similaire à celles de phéromones sexuelles émises par les femelles de papillons apparentés au papillon palmivore.

... pour attirer la femelle

Les chercheurs ont mis en évidence que les odeurs émises par les androconies des mâles du papillon palmivore sont très bien perçues au niveau des antennes de leurs congénères femelles. En effet, chez les insectes, les antennes sont le siège de l'odorat. La réception du message olfactif se traduit par une cascade de réactions et en particulier des processus électriques dont l'amplitude est corrélée à la sensibilité de l'individu à l'odeur détectée. L'ensemble de ces travaux éclaire d'un jour nouveau l'écologie chimique de ce papillon et sa biologie reproductive. En effet, d'habitude chez les papillons, ce sont les femelles qui attirent le mâle en émettant une phéromone. Plus encore, ces résultats offrent de nouvelles perspectives en matière de lutte intégrée contre le papillon palmivore P. archon, par exemple par des techniques de piégeage sexuel.

Le papillon palmivore à tire d'ailes

Introduit accidentellement dans les années 1990 en Europe suite à l'importation de palmiers infestés d'Amérique du Sud il s'est répandu en Italie, en France et en Espagne dans les années 2000. Le papillon palmivore (Paysandisia archon) sème aujourd'hui le trouble dans la zone méditerranéenne où il ravage les palmiers endémiques et ornementaux et dans le nord de l'Afrique où il menace les palmiers dattiers, lesquels constituent une ressource alimentaire importante.

A l'inverse, dans son milieu naturel, la densité des populations de P. archon est très faible et il y est considéré comme une espèce peu fréquente dont la biologie et l'écologie sont mal connues. Sa capacité à reconnaître et se développer sur un grand nombre d'espèces de palmiers hôtes pourrait, en partie, être à l'origine de la réussite invasive de cette espèce.

Référence:

Brigitte Frérot, Roxane Delle-Vedove, Laurence Beaudoin-Ollivier, Pierre Zagatti, Paul Henri Ducrot, Claude Grison,
Martine Hossaert, Eddy Petit. 2013. Fragrant legs in Paysandisia archon males (Lepidoptera, Castniidae).
Chemoecology. DOI: 10.1007/s00049-013-0128-z.
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