Bactéries: une résistance naturelle aux antibiotiques

Publié par Adrien le 11/06/2014 à 12:00
Source: CNRS-INEE
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Ce qui aurait pu surprendre il y a encore quelques années, vient aujourd'hui d'être démontré avec certitude: les bactéries du milieu naturel sont pourvues d'une large panoplie de gènes qui leur permet de résister aux antibiotiques. Pour la première fois, l'équipe de génomique microbienne environnementale du Laboratoire Ampère a révélé l'ampleur du phénomène, tant en termes de diversité que d'abondance de ces gènes dans les communautés bactériennes de milieux naturels extrêmement variés. Ces travaux ont été publiés dans Current Biology le 19 mai 2014.

Dans un seul gramme de sol, plusieurs milliards de bactéries se livrent une lutte chimique sans merci ! Les unes émettent des antibiotiques pour éliminer leurs concurrentes, et gagner ainsi plus d'espace et de nourriture pour se développer. Les autres tentent de se protéger grâce à des gènes de résistance aux antibiotiques, que les bactéries s'échangent entre elles et qui peuvent s'accumuler dans les génomes au fil du temps. Ainsi, les antibiotiques que nous utilisons pour soigner otites, méningites ou gastro-entérites, existent dans le milieu naturel (c'est d'ailleurs de là qu'elles ont été extraites pour en faire des remèdes). Mais, et c'est là le problème, les gènes de résistance à ces mêmes antibiotiques s'y trouvent aussi... "En milieu hospitalier, de plus en plus de bactéries pathogènes résistent aux antibiotiques,rappelle Pascal Simonet, microbiologiste au Laboratoire Ampère (CNRS / Ecole Centrale de Lyon / INSA de Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1). Certaines résistances sont dues à des mutations, mais la plupart d'entre elles semblent liées à des gènes de résistance qui proviennent de l'environnement, des gènes que les bactéries pathogènes acquièrent lorsqu'elles retournent dans le sol par exemple".

Afin de confirmer cette hypothèse et d'évaluer l'ampleur du phénomène, Joseph Nesme, de l'équipe de Pascal Simonet, a entrepris une analyse à grande échelle des génomes bactériens. La base de données canadienne de l'Université de McMaster, qui référence des centaines de gènes de résistance à des antibiotiques, a ainsi été confronté à une base contenant plus de 70 métagénomes (génomes de toutes les populations bactériennes d'un milieu donné) de tubes digestifs humain et animal, de lac, de glace arctique... et même de sols de la forêt guyanaise n'ayant subi aucune influence de l'homme. Résultat: Une myriade de gènes de résistance différents a été identifiée en abondance, dans chacun de ces environnements. "Cette étude confirme que les bactéries ont à portée de main tout l'arsenal nécessaire pour lutter contre n'importe quel antibiotique, certaines d'entre elles étant même aujourd'hui capables d'accumuler des gènes de résistance contre 20 ou 30 antibiotiques !", souligne Pascal Simonet. L'humanité va donc devoir trouver de nouvelles solutions pour contourner ce problème. "En associant deux ou trois antibiotiques pour lutter contre un pathogène, on pourrait sans doute considérablement réduire les risques de résistance", propose le microbiologiste.

Si le XXe siècle a laissé espérer à l'homme qu'il avait trouvé l'arme décisive contre les bactéries pathogènes et les maladies infectieuses, le XXIe siècle s'amorce avec le défi urgent de trouver de nouvelles molécules et les moyens de contrer les capacités d'adaptation des bactéries.
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