Évolution récente du delta du Mékong

Publié par Isabelle le 27/07/2014 à 12:00
Source: CNRS/INSU
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Des chercheurs français du Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD) et du Laboratoire d'océanologie et de géosciences (LOG, Université Lille 1 / CNRS / Université du Littoral Côte d'Opale), des experts de la société ACRI-ST et des chercheurs vietnamiens (Space technology institute, University of Science and Technology of Hanoi, Institute of Oceanography) ont quantifié et expliqué la variabilité spatio-temporelle des matières en suspension ( Le fait de suspendre des particules En chimie, la suspension désigne une dispersion de...) dans les eaux côtières sous influence du Mékong. Ils ont également mis en évidence une diminution de 50 % de la concentration de ces matières en suspension entre 2002 et 2012. Cette diminution qui ne peut s'expliquer par l'évolution des conditions océaniques, peut en revanche être attribuée à la modification des apports solides du Mékong en grande partie conditionnés par les activités humaines de type construction de barrages et extraction de sédiments.


Delta du Mékong. Illustration: Européan Environnement Agency

Troisième plus grand delta au monde, le delta du Mékong abrite une population de près de 18 millions d'habitants. Il est en outre considéré comme crucial pour la sécurité alimentaire en Asie du Sud-Est en termes notamment de production de riz, de fruits et de poissons. C'est dire si le devenir de cet environnement est une question d'importance.

Comme tout système deltaïque, le delta du Mékong est soumis:
- aux décharges du fleuve qui influencent l'environnement côtier de différentes manières, au travers de ses apports en eau douce, nutriments, matière organique dissoute et particulaire, et sédiments ;
- à des forçages naturels et anthropiques.

Les forçages les plus importants sont le régime bien marqué des moussons qui conditionne fortement les conditions hydrologiques et océanographiques de la zone côtière, l'intrusion des eaux salines dans la plaine deltaïque, les changements d'utilisation des terres, la pression démographique et les perturbations environnementales associées, la construction récente de barrages ou encore la forte exploitation du sable du Mékong qui conditionne directement le stock et la redistribution de ses sédiments.

Ces forçages ont un impact notable sur la variabilité de la matière en suspension (MES) dans les eaux côtières sous influence du Mékong. Or, la MES impacte d'une part la production primaire phytoplanctonique et donc les niveaux trophiques supérieurs, du fait qu'elle contrôle la lumière (La lumière est l'ensemble des ondes électromagnétiques visibles par l'œil...) disponible et l'apport de sels nutritifs dans le milieu, et d'autre part le trait de côte, notamment en participant au maintien des mangroves très nombreuses situées au sud du delta.

L'analyse de la variabilité de la MES sur de longues périodes de temps, en conjonction avec les paramètres de forçage physique, est donc essentielle pour une meilleure connaissance du système deltaïque et de son évolution.

Une équipe constituée de chercheurs français et vietnamiens a analysé (1) la variabilité spatio-temporelle des matières en suspension dans les eaux côtières sous influence du Mékong.

Afin d'estimer la concentration en MES à partir des données radiométriques acquises entre par le capteur MERIS embarqué à bord du satellite (Satellite peut faire référence à :) Envisat, les chercheurs ont développé un nouvel algorithme d'analyse de ces données. Ils ont ainsi pu produire la première climatologie (La climatologie, branche de la géographie physique, est l'étude du climat,...) (à 300 x 300 m2 de résolution) de cette MES. En couplant ces données à des données de forçage (vent, vague, houle) et hydrologiques (débit liquide), ils ont également pu analyser l'impact des forçages physiques et des apports du Mékong (débit solide) sur la variabilité de cette MES.


Coefficient de corrélation entre la hauteur des vagues et de la houle et la concentration en matière en suspension. Les zones en jaunes-rouges sont celles pour lesquelles la variabilité de la MES est fortement conditionnée par la houle et les vagues, qui en revanche n'ont que très peu d'impact dans les zones bleutées.Illustration CNRS/INSU

Les chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence que l'augmentation de la turbidité observée de juin à décembre est induite par les apports de sédiments par le Mékong, lesquels atteignent leur maximum au cours de la mousson d'été (débit liquide maximal en septembre/octobre). En revanche, ils ont attribué à la mousson d'hiver le fait que la concentration des sédiments en suspension dans les eaux du prodelta (2) ne cesse ensuite d'augmenter, de novembre à janvier, en dépit de la diminution du débit du Mékong: en produisant une hausse de l'énergie (Dans le sens commun l'énergie désigne tout ce qui permet d'effectuer un travail, fabriquer de la...) et de l'orientation (Au sens littéral, l'orientation désigne ou matérialise la direction de l'Orient (lever du soleil...) oblique des vagues qui se brisent près de la côte, la mousson d'hiver déclenche un haut niveau d'agitation (L’agitation est l'opération qui consiste à mélanger une phase ou plusieurs...) qui favorise la remise en suspension des sédiments, lesquels sont alors transportés le long de la côté par le courant littoral dirigé vers le sud-ouest (Le sud-ouest est la direction à mi-chemin entre les points cardinaux sud et ouest. Le...) et vont pour partie alimenter la partie sud du delta. Ils ont également pu identifier des zones de dépôt (en face du delta) et de remise en suspension (zones nord et sud du delta), en bon accord avec des résultats récents obtenus par d'autres équipes à partir d'un modèle couplé hydrodynamique - transport (Le transport est le fait de porter quelque chose, ou quelqu'un, d'un lieu à un autre, le plus...) de sédiments.


Tendance à long terme de la matière en suspension en % par an (test saisonnier de Kendal, p<0.05). Les régions blanches représentent les zones non-significatives. La diminution de sédiment au niveau de la zone de prodelta est visible en bleu le long de l'isobathe 10. Illustration CNRS/INSU

Les chercheurs ont également mis en évidence, pour la première fois dans la zone de prodelta du Mékong, une décroissance de 5 % par an de la concentration des matières en suspension, soit une diminution de plus de 50 % sur la période d'étude. Cette tendance, qui impacte directement le trait de côte, car c'est dans cette zone que les sédiments qui se sont déposés lors de la mousson d'été sont re-mobilisés au cours de l'hiver et viennent pour partie alimenter la côte, ne peut être imputable aux conditions océanographiques qui n'ont pas évolué au cours de la période d'étude. Comme elle est en outre plus marquée en été qu'en hiver, c'est-à-dire pendant les périodes de forts débits du fleuve, cette forte diminution ne peut être attribuée pour une grande part qu'à des modifications du débit solide du Mékong, lesquelles sont très probablement dues à des activités humaines se produisant en amont (construction de barrages et extraction de sédiments).

La méthodologie mise en place au cours de cette étude et qui permet de mettre en exergue l'impact des forçages naturels et anthropiques sur les eaux côtières est applicable à toutes les zones côtières. Ceci est l'un des objectifs du projet GlobCoast.

Notes:

(1) Ces travaux s'inscrivent dans le cadre du projet "Decision support for generating sustainable hydropower in the Mékong Basin" porté par WWF, qui vise à identifier et analyser l'impact des barrages sur le basin du Mékong, et du projet GlobCoast, financé par l'ANR-Blanc et qui vise à quantifier et analyser l'évolution biogéochimique des eaux côtières globales à partir de l'imagerie satellitaire. L'observation satellite de la couleur de l'océan, à partir de laquelle des grandeurs biogéochimiques océaniques peuvent être estimées, est un outil très puissant pour la gestion des ressources et des activités des zones côtières. Si les données issues de l'observation satellitaire ne sont pas aussi précises que les mesures in situ et sont limitées à la couche de surface, ceci est largement compensé par leur couverture spatiale et temporelle.

(2) Le prodelta est la partie du delta située sous le niveau de la mer, près de la côte immédiatement en l'aval de l'embouchure. Il est limité ici par l'isobathe 10 (10 mètres de profondeur).
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