Le choix du site d'atterrissage de Philae

Publié par Isabelle le 15/09/2014 à 17:05
Source: CNES
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Après un intense week-end de travail dans les locaux du CNES à Toulouse, les responsables de la mission Rosetta ont choisi le site d'atterrissage de Philae: le 11 novembre prochain, si tout se déroule comme prévu, le module européen se posera sur le site J, sur le petit lobe de la comète 67P.

Un moment historique

En ce lumineux week-end des 13 et 14 septembre 2014, l'ambiance est studieuse dans les salles et les couloirs du bâtiment Poincaré au CNES de Toulouse. Près de 70 scientifiques venus de toute l'Europe et des États-Unis épluchent les documents disponibles sur les sites présélectionnés pour l'atterrissage (L’atterrissage désigne, au sens étymologique, le fait de rejoindre la terre ferme....) de Philae. Ils les connaissent bien. Il y a 3 semaines, ils étaient réunis ici même pour constituer cette liste à partir des éléments collectés par les instruments de Rosetta depuis son arrivée à proximité du noyau de la comète 67P, au début du mois d'août.

Depuis cette présélection, l'attention de Rosetta s'est focalisée sur les 5 sites baptisés A, B, C, I et J pour accumuler le maximum de données en un minimum de temps. Les semaines semblent en effet passer de plus en plus vite à l'approche du 11 novembre, la date toujours retenue à ce jour pour l'atterrissage de Philae et qui devrait être confirmée par l'ESA le 26 septembre. L'activité (Le terme d'activité peut désigner une profession.) du noyau, sans être intense, est suffisante pour rappeler à tous qu'elle peut croître à n'importe quel moment et compliquer la suite de la mission. Il faut donc aller de l'avant, étudier les données, comparer les sites, vérifier et revérifier les calculs tout en sachant qu'il existe encore des zones d'incertitudes qui pèseront nécessairement sur le choix final.

Même si personne ne le dit ouvertement, chacun ressent le caractère historique du moment. Ce n'est pas rien d'être celles et ceux qui vont choisir le site d'atterrissage d'un module de fabrication humaine sur le noyau d'une comète, ce qui n'a tout bonnement jamais été tenté ! Même la NASA, dont on vante à juste titre le savoir-faire spatial depuis des lustres, ne s'est jamais prêtée à l'exercice. Des sondes américaines ont survolé des comètes, prélevé des échantillons dans leur chevelure ou projeté une masse sur l'un de ces petits corps du Système solaire, mais jamais aucune agence spatiale (Une agence spatiale est un organisme d'État ayant pour but d'étudier l'Espace et de développer...) n'avait osé tenter de poser une sonde à la surface d'un noyau cométaire en activité.

Revue de détail

Toute la journée du samedi 13 septembre, les 5 sites ont passé une véritable revue de détail. L'un après l'autre, ils ont été analysés et jaugés, des images à haute résolution obtenues par la caméra OSIRIS-NAC ont été projetées, certaines permettant de distinguer et de compter les blocs de moins de 1 m d'envergure (L'envergure est la distance entre les extrémités des ailes. Le terme est valable pour...) éparpillés sur la surface et susceptibles de faire basculer Philae.

Utilisant des paires d'images prises par OSIRIS-NAC, les scientifiques ont aussi créé des anaglyphes permettant d'apprécier plus aisément le relief local. Des modèles physiques en 3D ont circulé de main en main permettant à chacun de "toucher la surface" et de "manipuler le noyau." Les différents intervenants avaient préparé leur liste des arguments "pour" et "contre" pour chaque site.

Les stratégies de largage de Philae élaborées au SONC (CNES-Toulouse) permettaient-elles d'atteindre les sites dans de bonnes conditions de sécurité, avec une vitesse au moment de l'impact compatible avec la résistance mécanique du module ?

Le rapport jour/nuit était-il compatible avec le bon fonctionnement de certains instruments de Philae ?

De plus, l'illumination de chaque site durant les semaines suivant l'atterrissage et alors que la comète se rapprocherait du Soleil serait-elle suffisante pour que les panneaux solaires de Philae puissent recharger correctement la batterie secondaire et permettent ainsi que les instruments fonctionnent le plus longtemps possible pour assurer un retour scientifique maximal ?

La fréquence des communications entre l'atterrisseur (Un atterrisseur (lander en anglais) désigne en dans le domaine de l'astronautique un engin...) et l'orbiteur était-elle satisfaisante ?

Philae ira sur le site J

Dès le samedi soir, il était clair pour tout le monde que le site J était le plus favorable, celui qui, sans forcément être le meilleur pour chaque critère, présentait assurément le meilleur compromis entre tous les impératifs scientifiques et techniques. Dimanche matin, c'est donc sans surprise que J a été retenu comme site principale d'atterrissage pour Philae. Pour Stephan Ulamec, responsable de Philae au DLR German Aerospace Center: "Comme nous l'avons vu sur les dernières images à haute résolution, le noyau est un monde merveilleux et impressionnant. Scientifiquement c'est passionnant, mais sa forme le rend particulièrement difficile d'accès. Aucun des sites présélectionnés ne remplit tous les critères opérationnels à 100 %, mais le site J est manifestement la meilleure solution."

La zone de 1 km2 centrée sur le site J montre une majorité de terrains avec des pentes de moins de 30° ce qui est indispensable pour que Philae ne se renverse pas lors de l'atterrissage. De plus, les scientifiques qui ont compté les blocs de toutes dimensions visibles sur les différents sites estiment qu'il y en a plutôt moins sur J. La période jour/nuit et l'ensoleillement sont corrects et permettront de recharger la batterie secondaire.

Par ailleurs, les calculs de navigations montrent que la descente de Philae devrait durer 7 h environ: le SONC a pu montrer que cette descente n'empiétera pas trop sur le temps de fonctionnement de sa batterie principale une fois au sol et que l'ensemble des instruments devraient pouvoir fonctionner au moins une fois. Enfin, dans ce cas de figure, Philae se posera à 0,95 m/s (3,4 km/h) donc dans les limites de la résistance mécanique de sa structure.

Si les investigations plus poussées qui seront menées dans les prochaines semaines par les instruments de Rosetta ne révèlent aucune contre-indication majeure, et si l'activité du noyau n'évolue pas dramatiquement, c'est donc là, sur le petit lobe du noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, que le module européen tentera de se poser le 11 novembre prochain.

Le site C en secours

Mais les scientifiques qui étaient réunis ce week-end à Toulouse devaient également choisir un site de secours, un site vers lequel orienter Philae si le site J présentait un défaut rédhibitoire insoupçonné à ce jour. Autant la décision a été facile à prendre pour J, autant elle a été délicate pour le site de secours.


Positions des sites présélectionnés fin août. Crédits: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA.

Les sites A et I ont été écartés rapidement car, même s'ils semblaient intéressants à l'origine, ils ne satisfaisaient pas aux critères retenus pour de nombreux points. Après la journée de travail de samedi, le débat s'est donc resserré sur B et C pour le site de secours.

Au final, c'est le site C qui a été retenu par les responsables de Philae, car il offre un meilleur profil d'illumination et semble moins recouvert de blocs potentiellement dangereux pour Philae. Les scientifiques ont cependant tenu à faire connaître leur crainte quant à la stratégie de navigation (La navigation est la science et l'ensemble des techniques qui permettent de :) utilisée pour atteindre le site C. Elle repose en effet sur l'utilisation du système mécanique de largage qui est à l'arrêt depuis plus de 10 ans et dont le bon fonctionnement au moment crucial n'est pas garanti à 100 %. S'il ne se déclenche pas, le système pyrotechnique de secours prendra automatiquement le relais et il ne permettra pas de freiner suffisamment Philae pour lui permettre d'atteindre le site C. Stephan Ulamec (DLR), prenant note de cette crainte a toutefois souligné que rien ne permettait de penser aujourd'hui que le système de largage ne fonctionnerait pas d'une façon nominale le moment venu, ce qu'a confirmé Hermann Böhnhardt, parlant pour son institut, le MPS, responsable du sous-système de séparation (D'une manière générale, le mot séparation désigne une action consistant à séparer quelque...)

Un autre point plus regrettable soulevé par les scientifiques par rapport au choix du site C est le fait que le sondage radar du noyau par l'instrument Consert serait alors grandement compromis. Wlodek Kofman (Institut de Planétologie et d'Astrophysique (L’astrophysique (du grec astro = astre et physiqui = physique) est une branche...) de Grenoble), principal investigateur de cet instrument, résumant la situation (En géographie, la situation est un concept spatial permettant la localisation relative d'un...) d'une phrase lapidaire: "if you go for C, we're out !", qu'il tempérera peu après en précisant que des mesures pourraient néanmoins être réalisées si l'ESA accepte de faire quelques survols sur des trajectoires spécialement étudiées pour que les instruments Consert de Rosetta et de Philae puissent fonctionner correctement.


Zoom sur le site de secours C ; image prise à 70 km de distance du noyau avec une résolution de 1,5 m/pixel. Crédits: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA.

Francis Rocard, responsable du programme Rosetta au CNES, résumait dimanche à l'issue de la réunion que: "le choix de ce site est l'aboutissement d'un processus complexe, impliquant plus d'une centaine de personnes et qui a pu être mené à bien en quelques semaines seulement. Malgré la difficulté de trouver un site idéal selon l'ensemble des critères sur cette comète au relief particulièrement accidenté, il est remarquable que ce choix difficile ait pu être obtenu avec un consensus général entre tous les intervenants."

Rosetta est une mission de l'ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l'atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta sera la première mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d'une comète, à l'escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.
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