Les échos de lumière d'une étoile Céphéide donnent sa distance

Publié par Adrien le 18/09/2014 à 00:00
Source: Observatoire de Paris
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Les Céphéides sont des étoiles variables, qui vérifient une relation Période-Luminosité (P-L), permettant de déterminer leur distance. Pour mieux étalonner cette relation P-L, il faut déterminer la distance d'un échantillon de Céphéides par une autre méthode. Les échos de lumière permettent cet étalonnage. Il y a échos lorsque la Céphéide est entourée d'une nébuleuse de poussière: la lumière est alors diffusée par la poussière, et revient vers l'observateur, avec un retard par rapport à la lumière qui s'est propagée en ligne directe. La connaissance de la géométrie de la poussière dans la nébuleuse permet de déduire la distance de l'étoile. Une équipe internationale de chercheurs, menée par un astronome de l'Observatoire de Paris, a pu déterminer la distance de RS-Puppis avec une précision de 4%.


Figure 1. Nébuleuse de poussière entourant la Céphéide RS Pup . Les échos de lumière sont visibles comme des anneaux bleutés pratiquement centrés sur l'étoile.Illustration: NASA/ESA/Z. Levay/Hubble Heritage Team
L'étoile de l'hémisphère sud RS Puppis est une Céphéide dont la luminosité varie de manière régulière avec une période de 41.5 jours et une amplitude d'un facteur trois environ en visible. Les Céphéides sont des étoiles pulsantes, dont la taille et la luminosité varient avec une période de quelques jours à quelques semaines. Les Céphéides à longue période comme RS Pup sont des étoiles particulièrement importantes en astronomie, car elles permettent d'estimer les distances des galaxies lointaines, et donc de cartographier l'univers. Pour cela, on utilise une relation particulière entre la période de variation de la Céphéide et sa luminosité intrinsèque: plus la période est longue, plus l'étoile est brillante. On parle de relation période-luminosité (P-L). La mesure de la période est simple à réaliser, de même que celle de la luminosité apparente moyenne de l'étoile (vue depuis la Terre). Grâce à la relation P-L, on peut connaître la distance en comparant la luminosité absolue de l'étoile à sa luminosité apparente à la Terre (la luminosité apparente décroît en fonction du carré de la distance).

Le point clé de cette méthode est la précision avec laquelle nous connaissons la relation P-L des Céphéides. Pour étalonner cette relation empirique, il est nécessaire de connaître la distance d'un échantillon de Céphéides par une autre méthode. La mesure de la parallaxe trigonométrique n'est pas applicable pour l'instant, car à une distance de 6300 années-lumière elle est trop lointaine pour les instruments actuels. Elle sera cependant mesurée par le satellite GAIA au cours des prochaines années.

RS Pup présente la propriété unique chez les Céphéides d'être entourée d'une grande nébuleuse de poussière d'une taille de plusieurs années-lumière, qui diffuse la lumière de l'étoile centrale (Figure 1). Les variations de l'étoile se reflètent sur la poussière, et créent un des exemples les plus spectaculaires du phénomène des échos de lumière.

Du fait de la vitesse de propagation finie de la lumière (300 000 km/s), l'intensité changeante de la lumière de la Céphéide se reflète dans la nébuleuse avec un retard qui dépend du supplément de trajet entre l'étoile et les nodules de poussière de la nébuleuse. La lumière provenant directement de l'étoile (sans réflexion sur la poussière) met environ 6300 ans à nous parvenir. Le temps de trajet de la lumière réfléchie sur la poussière est un peu plus long, du fait du trajet supplémentaire entre l'étoile et la poussière. Typiquement, ce temps de parcours supplémentaire est de quelques jours à quelques mois dans le cas de RS Pup, compte tenu du fait que la poussière est distribuée sur un rayon de quelques années-lumière autour de la Céphéide.


Figure 2. Géométrie des échos de lumière autour de RS Pup. Illustration: Observatoire de Paris
Comme la luminosité de l'étoile varie avec le temps, le phénomène des échos de lumière se manifeste comme des vagues lumineuses se propageant dans la nébuleuse à partir de l'étoile. Les échos rappellent l'aspect des ondes circulaires se propageant à la surface de l'eau après l'impact d'une goutte, mais la géométrie est en réalité tout à fait différente. La Figure 2 montre qu'il s'agit en réalité de l'intersection d'une série de paraboloïdes de révolution représentant le maximum de lumière de l'étoile avec la surface du voile de poussière de la nébuleuse. Contrairement aux ondes à la surface d'un liquide, la vitesse apparente de propagation des vagues lumineuses des échos dans la nébuleuse n'est pas constante. Elle est en théorie infinie sur l'étoile elle-même, et décroît ensuite avec la distance. Du fait de la distribution spatiale de la poussière, cette vitesse de propagation apparente reste supérieure à la vitesse de la lumière jusqu'à une grande distance de la Céphéide. Cette vitesse supra-luminique n'est pas en contradiction avec la théorie de la relativité, car il ne s'agit pas de la propagation physique réelle d'une onde lumineuse dans l'espace, mais simplement un effet de projection géométrique.

Connaissant la géométrie de la distribution de la poussière dans la nébuleuse, il est possible grâce à l'observation des échos d'en déduire la distance de l'étoile. La distance de RS Pup est particulièrement importante, car il s'agit d'une Céphéide à longue période, du même type que celles utilisées pour estimer les distances extragalactiques. Les échos de lumière offrent ainsi une méthode de mesure de distance originale et indépendante des méthodes plus classiques appliquées aux Céphéides.

Un point délicat de la mesure de distance par les échos de lumière est la détermination de la structure tridimensionnelle de la nébuleuse. Il est en effet nécessaire de la connaître pour modéliser de manière univoque les échos, et en déduire la distance. La Figure 2 montre le cas idéal d'une répartition planaire de la poussière, mais la distribution réelle est plus complexe et irrégulière. De manière à reconstituer cette distribution, il faut estimer l'angle de diffusion de la lumière sur la poussière. Cette mesure est possible en utilisant la polarisation de la lumière diffusée par la poussière. C'est ce qui a été fait grâce aux observations du télescope Hubble. Une carte du flux polarisé de la partie Sud de la nébuleuse est présentée sur la Figure 3. Le taux de polarisation de la lumière est lié à l'angle avec lequel la poussière diffuse la lumière de l'étoile. Si cet angle est petit, le taux de polarisation sera faible, et il est maximum (environ 50%) pour une diffusion à angle droit. La carte du taux de polarisation obtenue nous donne donc une carte d'angle de diffusion, qui nous a permis de reconstituer la forme tridimensionnelle de la nébuleuse.

La forme de la nébuleuse ainsi déterminée, combinée à la mesure de la phase des échos de lumière nous donne alors une mesure de la distance de l'étoile. Nous avons obtenu une distance de 6230 années-lumière avec une incertitude de 261 pc, soit une précision de 4%. Il s'agit de la meilleure précision sur la distance d'une Céphéide à longue période. La connaissance de la distance de RS Pup a permis de valider l'étalonnage actuel de la relation Période-Luminosité des Céphéides.


Figure 3. Flux polarisé observé dans la nébuleuse de RS Pup. Les parties de la nébuleuse présentant une forte polarisation ont été sélectionnées pour la mesure de distance. Elles sont entourées en rouge sur l'image. La position de l'étoile est marquée par une croix. Ilustration: Observatoire de Paris

Pour plus d'information voir: http://arxiv.org/abs/1408.1697
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