Limite quantique des télécommunications

Publié par Adrien le 23/09/2014 à 17:00
Source: Université Libre de Bruxelles
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Illustration: ULB
Les fibres optiques sont largement répandues dans les réseaux de télécommunications. Ces lignes de communications optiques utilisent des impulsions de lumière pour transmettre les zéros et les uns qui forment les bits constituant tous les contenus que génère notre société de l'information. On pense notamment à toutes les données (Dans les technologies de l'information (TI), une donnée est une description élémentaire, souvent...) digitales transitant aujourd'hui sur Internet, depuis les courriels, les images, la musique ou la vidéo, jusqu'au big data qui engorgera le trafic de la toile de demain. Une question qui se pose naturellement depuis l'invention des lasers dans les années 60, et surtout depuis la généralisation (La généralisation est un procédé qui consiste à abstraire un ensemble de...) des communications optiques, est de savoir s'il y a une limite intrinsèque théorique à ces flux de données optiques. Le Pr. Nicolas Cerf et le Dr. Raul Garcia-Patron (Centre for Quantum Information and Communication (La communication concerne aussi bien l'homme (communication intra-psychique, interpersonnelle,...), Ecole Polytechnique de Bruxelles, ULB) publient avec des collègues étrangers un article dans la revue scientifique (Un scientifique est une personne qui se consacre à l'étude d'une science ou des sciences et qui...) Nature Photonics qui met un point final à cette quête de longue haleine.

Pour comprendre le dénouement de cette histoire, il faut envisager les communications optiques dans une perspective physique. Les flux de données sont transmis via un support, à savoir la lumière, et ce sont donc les lois de la physique, ou plus précisément de l'électromagnétisme, qui régissent les mécanismes de ces transmissions. En conséquence, c'est bien la physique qui permet d'identifier le taux de transmission limite, c'est-à-dire le nombre de bits qui peuvent être transmis au maximum par seconde via une ligne optique. Or on sait, depuis Einstein, qu'une description fine de la lumière repose sur des quanta appelés photons, sortes de gouttes infinitésimales constituant un faisceau de lumière, et dès lors ce sont en définitive les lois de la physique quantique (La physique quantique est l'appellation générale d'un ensemble de théories physiques...) qui induisent les limites ultimes des transmissions optiques. C'est donc du côté des sciences de l'information quantique, domaine de prédilection de l'équipe du Pr. Cerf, qu'il faut chercher la solution à ce problème fondamental.

D'après les lois de l'électromagnétisme, la bande passante d'une transmission optique peut se décomposer en modes, par exemple en modes fréquentiels ou modes temporels. Dans chaque mode, le problème du flux de données limite revient à délimiter le nombre de bits que l'on peut transmettre si l'on dispose d'une énergie fixée. On devrait trouver la réponse à cette question avec la théorie de l'information de Shannon, qui est l'une des pierres angulaires des technologies modernes de l'information et des communications. Mais si l'on méconnaît le caractère corpusculaire de la lumière, c'est-à- dire le fait qu'elle est in fine constituée de photons, la théorie de Shannon ne prédit curieusement aucune limite à ces flux de données à condition d'éliminer entièrement toutes les sources de bruit (à condition d'isoler intégralement le système de son environnement (L'environnement est tout ce qui nous entoure. C'est l'ensemble des éléments naturels et...) et de le refroidir à température (La température est une grandeur physique mesurée à l'aide d'un thermomètre et...) absolue quasi nulle pour éviter le bruit d'origine thermique). On pourrait alors, semble-t-il, transmettre le contenu des bibliothèques du monde entier en moins d'un milliardième de seconde. Cependant, c'est sans compter le bruit d'origine quantique, qui grève nécessairement les flux de données: on peut se représenter ce bruit, appelé aussi “bruit de grenaille”, comme le clapotis des gouttes d'eau individuelles constituant un jet d'eau qui frapperait la membrane d'un tambour.

Depuis les années 90, de nombreux chercheurs de par le monde étudient l'information quantique sous toutes ses coutures, ou plus exactement la manière dont les quanta de la physique peuvent être utilisés comme supports d'information digitale. Cette interface entre la théorie de l'information et la physique quantique s'est révélée particulièrement fructueuse, et a mené à des inventions insoupçonnées comme la cryptographie quantique (La cryptographie quantique est une tentative de mise en œuvre des prédicats de la mécanique...) ou l'ordinateur quantique (Un ordinateur quantique (ou rarement calculateur quantique) repose sur des propriétés quantiques...). Toutefois, malgré ces progrès, une résolution complète de ce qui constitue la limite quantique ultime des communications optiques manquait toujours, notamment en raison de la difficulté à prendre en compte tous les schémas possibles compatibles avec la physique quantique.

Les quatre chercheurs et auteurs de l'article, dont deux de l'ULB , sont parvenus à l'aboutissement de ces recherches en résolvant une conjecture mathématique qui était ouverte depuis une vingtaine d'années. En tenant compte de ce bruit quantique d'origine corpusculaire, ils ont pu délimiter précisément le nombre de bits que peut porter un mode occupé par un nombre moyen de photons fixé. A cette fin, ils ont démontré l'optimalité gaussienne de l'encodage et du décodage dans le contexte (Le contexte d'un évènement inclut les circonstances et conditions qui l'entourent; le...) de ce qu'on appelle les “canaux bosoniques gaussiens”. L'élément décisif est la preuve que l'entropie (ou le “désordre”) produite par ces canaux est minimale si l'on y injecte l'état quantique (En mécanique quantique, l'état d'un système décrit tous les aspects du système physique. Il...) du vide bosonique, qui est un état gaussien. Il faut savoir que l'immense majorité des lignes de communications optiques, comme les fibres optiques, sont modélisées par de tels canaux bosoniques gaussiens (pour rappel, les photons sont des bosons), et donc la portée de ce résultat est extrêmement large. Grâce à celui-ci, on considère des états gaussiens transmis dans des canaux gaussiens, ce qui simplifie fondamentalement le calcul et permet la détermination de cette limite quantique tant attendue. Il aura fallu le recours à l'utilisation conjuguée de l'électromagnétisme, de la physique quantique, de la théorie de l'information et une dose de persévérance pour que les chercheurs de l'ULB et leurs collaborateurs viennent à bout de ce problème !

Pour plus d'informaton voir :
http://www.nature.com/nphoton/journal/vaop/ncurrent/full/nphoton.2014.216.html
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