J'ovule, donc je fume !

Publié par Adrien le 13/01/2015 à 00:00
Source: Dominique Nancy - Université de Montréal
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Photo: Tonino Donato
Le cycle menstruel a des effets sur l'envie de fumer. "Nos données révèlent que l'envie irrépressible de fumer est plus forte au début de la phase folliculaire, soit après les menstruations. Une diminution hormonale de l'oestrogène et de la progestérone accroit le syndrome de manque et l'activité des circuits neuronaux associés au craving", affirme Adrianna Mendrek, professeure associée au Département de psychiatrie de l'Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM).

Selon Mme Mendrek, il pourrait ainsi être plus facile pour les fumeuses de surmonter leur sevrage pendant la phase mi-lutéale, c'est-à-dire après l'ovulation, alors que les taux d'oestrogène et de progestérone sont à leur plus haut niveau. "Prendre en considération le cycle menstruel pourrait aider les femmes à arrêter de fumer", dit-elle.

Cette distinction féminine vient d'être observée pour la première fois dans l'activation du cerveau de fumeurs (19 femmes et 15 hommes) par Mme Mendrek et son équipe. Les résultats de leur étude, parus dans un récent numéro du Psychiatry Journal, ajoute des éléments prometteurs au dossier accablant de la cigarette.

Les hormones

Moins d'un ex-fumeur sur dix renonce à sa mauvaise habitude au bout d'un an. À consommation égale, les femmes semblent éprouver plus de difficultés que les hommes à mettre fin à leur accoutumance au tabac. Dans des expériences sur les rongeurs exposés à la drogue (nicotine et autres stimulants), les scientifiques ont pu observer des différences entre les mâles et les femelles. "Les rates deviennent accros plus rapidement, mentionne Adrianna Mendrek. Elles travaillent aussi plus fort pour obtenir la même dose." Ce constat amène les chercheurs à conclure que les femelles sont peut-être plus vulnérables à la dépendance. D'après Mme Mendrek, les hormones sexuelles pourraient avoir un rôle à jouer.

Mais le tableau se complique énormément dès que l'on passe aux humains, ajoute-t-elle. "Le stress, l'anxiété et la dépression sont des facteurs probablement plus importants encore qui doivent être pris en considération." Bref, chaque fumeur est unique au regard de son comportement tabagique, mais aussi de sa personnalité, de son histoire, de sa situation sociale ou encore de son environnement. Une chose est sûre. "Chez les jeunes, le tabagisme au féminin ne cesse de progresser", indique la chercheuse.

Pour son étude, 34 hommes et femmes, qui fumaient plus de 15 cigarettes par jour, ont rempli un questionnaire et accepté que leur activité cérébrale soit mesurée par résonance magnétique. La mesure était prise pendant que les sujets regardaient des images neutres ou suscitant l'envie de fumer. Les femmes étaient évaluées à deux reprises, soit au début de la phase folliculaire et à la phase mi-lutéale de leur cycle menstruel. Les taux d'oestrogène et de progestérone ont également été analysés.

Deux objectifs étaient visés. Le premier était de vérifier s'il y avait des différences entre les sexes au niveau des circuits neuronaux reliés au "craving", terme anglais désignant le "manque ardent" qui se manifeste souvent à l'arrêt du tabac. Le second était de déterminer si les changements électrocorticaux associés au manque de nicotine fluctuaient en fonction des variations hormonales.

Les résultats ne montrent aucune différence significative entre le cerveau d'un homme et celui d'une femme concernant les circuits neuronaux qui président à la sensation de récompense et de plaisir. Toutefois, les patrons d'activation chez les fumeuses varient considérablement selon leur cycle menstruel. Certaines zones de leurs cortex frontal, temporal et pariétal révèlent une plus grande activation au cours de la phase folliculaire alors qu'une activation limitée est enregistrée dans l'hippocampe durant la phase lutéale.

La professeure espère que les conclusions de son étude amèneront les chercheurs à prendre davantage en compte la dimension biologique dans le cadre de leurs protocoles de recherche. "Une meilleure connaissance des mécanismes neurobiologiques de la dépendance devraient permettre d'adapter plus finement les traitements au profil du fumeur", signale Mme Mendrek.

Le professeur Stéphane Potvin et les étudiantes Josiane Bourque et Laurence Dinh-Williams, aussi du Département de psychiatrie de l'UdeM et de l'IUSMM, ont également participé à cette étude.
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