Nuages et réduction de la pollution atmosphérique

Publié par Isabelle le 19/01/2015 à 12:00
Source: CNRS
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La surface des gouttelettes d'eau des nuages contribuerait à réduire la pollution atmosphérique

Les gouttelettes d'eau dans les nuages permettraient d'atténuer les effets de la pollution atmosphérique car leur surface agirait comme une source additionnelle de radicaux hydroxyles, des espèces hautement oxydantes qui jouent le rôle de "détergent" de l'atmosphère. C'est la principale conclusion de simulations numériques menées conjointement par des chimistes théoriciens de l'Institut Jean Barriol (CNRS / Université de Lorraine), un laboratoire de Barcelone et un laboratoire américain de l'Université de Purdue. Ce travail suggère que les nuages pourraient donc contribuer à la capacité oxydative globale de la troposphère. Ces résultats sont parus dans la revue PNAS.


© Manuel Ruiz-Lopez

L'ozone est un constituant minoritaire mais essentiel de l'atmosphère terrestre. Dans la haute atmosphère, la stratosphère, la couche d'ozone forme un écran moléculaire qui protège les êtres vivants contre les rayonnements ultraviolets de haute énergie. La destruction partielle de cette couche sous l'effet de polluants liés aux activités humaines (dont les fameux ChloroFluoroCarbones ou CFC) est un phénomène avéré qui implique des risques importants pour la vie terrestre et fait donc l'objet d'une surveillance très attentive. L'ozone est également un constituant fondamental de la basse atmosphère, la troposphère, où il est formé à partir d'un cycle complexe de réactions chimiques et photochimiques dans lesquelles interviennent les composés organiques volatiles (les COV), les oxydes d'azote, et la lumière.

Les COV peuvent être d'origine naturelle (émanations des plantes) ou anthropique (solvants organiques, gaz d'échappement des véhicules, etc). Une petite quantité de l'ozone troposphérique est donc d'origine naturelle. Mais la pollution liée aux activités humaines peut conduire à une augmentation significative de sa concentration et l'ozone devient alors un polluant toxique qui peut provoquer des maladies respiratoires ou cardiovasculaires, et avoir des effets délétères sur la végétation, les forets et le rendement des récoltes.

L'ozone est une espèce formée par trois atomes d'oxygène. Il est relativement peu stable puisque le rayonnement ultraviolet et la lumière visible provoquent sa photolyse, qui conduit à une molécule de dioxygène et à un atome d'oxygène. Or, ce dernier est très réactif et peut se combiner facilement avec des molécules d'eau ou de méthane dans la troposphère pour former des radicaux hydroxyles qui agissent comme des véritables agents nettoyants, favorisant l'oxydation des hydrocarbures et la dégradation de molécules polluantes. Certaines mesures expérimentales montrent cependant que la concentration de radicaux hydroxyles est supérieure à celle prédite par les modèles atmosphériques actuels et suggèrent donc l'existence des sources encore inconnues de cette espèce chimique.

Dans le travail publié au PNAS, les auteurs se sont intéressés à la possible influence des nuages sur le processus de photolyse de l'ozone et de formation des radicaux hydroxyles. Le fait que les nuages et les aérosols de diverses origines puissent avoir une influence directe sur la composition chimique de l'atmosphère est une hypothèse de plus en plus souvent évoquée, avec à l'appui un certain nombre de mesures de terrain et de données théoriques. Il s'agit d'un sujet capital car les prévisions des modèles atmosphériques actuels, par exemple en terme de changement climatique, sont principalement basées sur une chimie en phase gazeuse et ne prennent donc pas en compte les nuages. Malheureusement, les études expérimentales dans ce domaine sont délicates et l'état de connaissances est encore très insuffisant. C'est la raison pour laquelle les chercheurs se sont intéressés à la simulation numérique des processus.

Pour ce faire, le laboratoire nancéen a développé une méthodologie originale basée sur la combinaison de diverses techniques de chimie théorique, allant de la chimie quantique à la dynamique moléculaire. Dans leur approche, il est possible de modéliser un système moléculaire complexe (comme la surface d'une gouttelette d'eau) en fonction du temps et de simuler le déroulement d'une réaction chimique s'y produisant. L'analyse statistique des différentes trajectoires ou "films" du processus permet alors de prédire les données thermodynamiques que l'on obtiendrait expérimentalement si la mesure était possible. Ce laboratoire a été pionnier dans les applications de la chimie théorique à l'étude de processus en phase liquide et ses travaux actuels sur les surfaces aqueuses ont permis de montrer que certains processus peuvent être significativement accélérés par un effet de polarisation spécifique lié à l'asymétrie de l'interface.

Dans le cas particulier de la photolyse de l'ozone, les simulations prédisent que la vitesse de formation des radicaux hydroxyles à la surface de l'eau serait environ dix mille fois plus rapide qu'en phase gazeuse ! Les radicaux hydroxyle ainsi formés sont susceptibles de détruire les autres polluants adsorbés sur les gouttelettes (notamment les COV), ou éventuellement être désorbés et intégrer les mécanismes chimiques de la phase gazeuse. Trois facteurs semblent contribuer à cet effet remarquable: une grande affinité de l'ozone pour la surface aqueuse, une nette augmentation de l'absorbance de lumière par l'ozone sous l'effet de l'interaction avec les molécules d'eau, et enfin une plus grande efficacité du processus de photolyse puisque les atomes d'oxygène formés réagissent instantanément avec les molécules d'eau environnantes. La surface des gouttelettes d'eau des nuages contribuerait donc à modérer les effets de la pollution atmosphérique.

Pour plus d'information voir: Spectroscopic signatures of ozone at the air–water interface and photochemistry implications
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