Une équipe franco-américaine regroupant des chercheurs du CRPG (CNRS/Université de Lorraine) de Nancy, de l'IPG de Paris (CNRS/PAris Diderot/Sorbonne Paris Cité), du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris et de l'Université de Californie à
Los Angeles (Los Angeles est une ville des États-Unis située au sud de la Californie, sur la côte pacifique....), vient de montrer que la production des précurseurs solides des planètes telluriques aurait cessé 1,5 million d'années seulement après le début de la formation du
système solaire (Le système solaire est un système planétaire composé d'une étoile, le...). La découverte de cette date très particulière montre que beaucoup reste à apprendre sur les propriétés et l'évolution du
disque protoplanétaire (Les étoiles se forment à partir d'un nuage de gaz et de poussières dont la partie centrale...) à partir duquel la Terre et les autres planètes telluriques du système solaire se sont formées. Cette étude est publiée dans la revue
Proceedings of the National Academy of Sciences.
Deux images montrant la structure interne de chondres typiques étudiés par Luu et al. A droite l'image en électrons secondaires rétrodiffusés montre que ce chondre est composé essentiellement de cristaux d'olivine (cristaux en gris foncé au centre de l'objet) avec des billes de métal (blanc) partiellement oxydé et par endroits une mesostase partiellement vitreuse. A gauche l'image en fausses couleurs dans un autre chondre montre que cet objet est essentiellement constitué de cristaux d'olivine riches en Mg (vert), d'une matrice vitreuse riche en Al (bleu), de billes de métal (jaune) et que l'altération secondaire responsable de la présence de Na (rouge) est très limitée. Luu et al. 2015
Avec la découverte d'un nombre croissant d'exoplanètes ayant des caractéristiques orbitales très variables, la compréhension des différentes étapes de formation de la Terre devient essentielle. S'il semble acquis que la Terre se serait formée en moins d'une centaine de millions d'années par collisions entre des embryons planétaires, les premières étapes ayant donné naissance aux premiers petits planétésimaux et aux embryons, restent dans le flou. Seules certaines météorites primitives, les chondrites, permettent de remonter aux premiers millions d'années de l'histoire du système solaire. La nature minéralogique ainsi que les compositions chimiques et isotopiques des composants de ces chondrites démontrent qu'ils se sont formés à partir du gaz et des poussières, constituant le disque d'accrétion qui nourrit le soleil en formation et dans lequel les planètes apparaissent. L'
observation (L’observation est l’action de suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les...) des étoiles jeunes analogues au soleil montre que la durée de vie moyenne de ces disques d'accrétion, ou disques protoplanétaires, est de l'ordre de 5 à 10 millions d'années.
Certaines chondrites primitives sont majoritairement constituées de chondres qui sont des billes silicatées, partiellement vitreuses, et de taille variant entre le dixième de millimètre et le centimètre. Les chondres sont compris comme étant le résultat de la fusion éclair et du refroidissement rapide dans le gaz du disque de grains de poussières précurseurs, de taille nanométrique à micrométrique. Cependant, l'origine de ces précurseurs, la nature des processus de
chauffage (Le chauffage est l'action de transmettre de l'énergie thermique à un objet, un...) éclair, les conditions physico-chimiques et la chronologie de formation restent en grande partie énigmatiques. La formation des chondres est une étape clef de la formation
planétaire (Un planétaire désigne un ensemble mécanique mobile, figurant le système solaire...) puisqu'ils sont les témoins du passage du
matériau (Un matériau est une matière d'origine naturelle ou artificielle que l'homme façonne...) primordial du disque (gaz et grains nanométriques) aux premiers solides millimétriques. Certains modèles prédisent que, sans l'apparition des chondres, la formation planétaire n'aurait pas pu débuter.
Un paramètre clef dans la compréhension de l'origine des chondres est l'âge de leurs précurseurs solides et celui des processus de fusion éclair, synchrones ou pas avec la formation des précurseurs. Ces deux âges peuvent maintenant être déterminés sur le même objet à partir de mesures fines des excès radiogéniques de l'isotope de masse 26 du Mg (Mg) produits par la désintégration radioactive de l'isotope à courte période (demi-vie de 0,73 millions d'années) de masse 26 de l'
aluminium (L'aluminium est un élément chimique, de symbole Al et de numéro atomique 13....) (Al). Grâce au couplage inédit de deux techniques de
spectrométrie de masse (La spectrométrie de masse (mass spectrometry ou MS) est une technique physique d'analyse...), l'analyse par sonde ionique à haute résolution et multi-collection pour les mesures à l'échelle du
micromètre (Un micromètre (symbole μm) vaut 10-6 = 0, 000 001 mètre.) (au CRPG de Nancy) et la spectrométrie de masse à source plasma et multi-collection pour les mesures à l'échelle de milligramme (à l'IPG de Paris et à l'
Université de Californie (L'université de Californie est une université américaine, fondée en 1868, dont...) à Los Angelès), Luu et ses collaborateurs ont pu déterminer pour la première fois les âges des précurseurs et les âges de fusion pour une quinzaine de chondres de la
météorite (Une météorite est un corps matériel provenant de l’espace...) Allende.
Alors que les âges de fusion se répartissent entre ?1,5 et ?3 millions d'années après le début de la formation du système solaire, ceux de leurs précurseurs sont plus anciens, entre 0 et ?1,5 millions d'années. Les précurseurs des chondres se sont donc formés dès les tout débuts du système solaire, en même temps que les solides réfractaires présents dans les chondrites et considérés comme étant les premiers solides se condensant à partir du gaz à très haute température (entre 2000 et 1600 K). L'arrêt de leur production 1,5 millions d'années indique quelque chose de fondamental sur la physique du disque d'accrétion. Cela pourrait résulter d'une chute de température dans les zones internes du disque (en dessous de ?1200K) supprimant la possibilité de
condensation (La condensation est le nom donné au phénomène physique de changement d'état de...) des silicates de type olivine. Cela pourrait aussi être lié à un changement fondamental de sa structure spatiale car une autre théorie considère que les précurseurs des chondres pourraient être la poussière produite par des collisions entre des planétésimaux formés très tôt dans le disque. Cette date de 1,5 million d'années correspondrait alors à la dissipation de ces planétésimaux de première génération.
Il semble en tout cas acquis qu'une des étapes essentielles de la formation des planètes terrestres ait pris fin seulement 1,5 million d'années après l'effondrement du nuage moléculaire parent du système solaire, c'est à dire il y a 4565 millions d'années. Les grandes lignes des compositions chimiques des planètes étaient alors déjà en partie établies.