Des chercheurs en biorobotique de l'Institut des sciences du mouvement - Etienne-Jules Marey (CNRS/Aix-Marseille Université) ont mis au point le premier robot aérien capable de suivre un terrain accidenté sans accéléromètre. Baptisé BeeRotor, il règle sa vitesse et sait éviter les obstacles grâce à des
capteurs (Un capteur est un dispositif qui transforme l'état d'une grandeur physique observée en une...) de flux
optique (L'optique est la branche de la physique qui traite de la lumière, du rayonnement...) inspirés de la vision des insectes. Il peut ainsi se déplacer dans un tunnel aux parois inégales et en mouvement, sans aucune mesure de vitesse ni d'
altitude (L'altitude est l'élévation verticale d'un lieu ou d'un objet par rapport à un niveau...). Cette étude est publiée le 26 février 2015 dans la revue
Bioinspiration & Biomimetics.
Le robot BeeRotor, équipé d'un œil inspiré des insectes.
© Expert & Ruffier (ISM, CNRS/AMU)
Tous les aéronefs, des drones à la fusée Ariane, sont actuellement équipés d'accéléromètres afin de connaître la direction de la gravité, et donc du centre de la Terre. Cela leur permet de mesurer leur degré de roulis et de tangage et, à partir de ces
données (Dans les technologies de l'information (TI), une donnée est une description élémentaire, souvent...), de stabiliser leur vol. Cet outil indispensable n'a pourtant pas son équivalent chez les insectes, qui volent librement sans ces informations.
Les chercheurs Fabien Expert et Franck Ruffier se sont donc inspirés des insectes ailés pour créer BeeRotor: un robot volant captif
(1) capable pour la première fois d'ajuster sa vitesse et de suivre le terrain sans
accéléromètre (Un accéléromètre est un capteur qui, fixé à un mobile, permet de mesurer l'accélération de...) ni mesure de vitesse et d'altitude. Avec ses 80 grammes et ses 47 centimètres de long, il évite tout seul des obstacles verticaux dans un tunnel dont les parois sont en mouvement. Pour cela, les chercheurs ont mimé l'aptitude des insectes à se servir du défilement du
paysage (Étymologiquement, le paysage est l'agencement des traits, des caractères, des formes d'un...) lors de leurs déplacements. On parle de flux optique, dont le principe s'observe facilement en voiture: sur l'
autoroute (Une autoroute est une route réservée à la circulation des véhicules motorisés rapides...) le monde devant nous est assez stable, mais dès que l'on regarde sur les côtés, le paysage défile de plus en plus vite, jusqu'à atteindre un maximum à un angle de 90 degrés par rapport à la
trajectoire (La trajectoire est la ligne décrite par n'importe quel point d'un objet en mouvement, et...) du
véhicule (Un véhicule est un engin mobile, qui permet de déplacer des personnes ou des charges d'un...).
Pour mesurer le flux optique, BeeRotor est équipé de seulement 24 photodiodes (ou pixels) réparties sur le bas et sur le haut de son œil. Cela lui permet de détecter les contrastes de l'environnement et leurs mouvements. Comme chez l'
insecte (Insectes est une revue francophone d'écologie et d'entomologie destinée à un large...), la vitesse de passage d'un élément du décor d'un pixel à l'autre va livrer la
vitesse angulaire (En physique, et plus spécifiquement en mécanique, la vitesse angulaire ω, aussi appelée...) de défilement. Lorsque le défilement augmente, c'est que la vitesse du robot augmente ou que la distance par rapport aux obstacles diminue.
En guise de cerveau, BeeRotor dispose de trois boucles de rétroaction
(2), comme autant de réflexes qui utilisent directement le flux optique. La première lui fait changer son altitude pour suivre le plancher ou le plafond. La seconde gère la vitesse du robot pour l'adapter à l'encombrement du tunnel dans lequel il navigue. Avec la dernière boucle, l'œil se stabilise par rapport à la pente locale grâce à un moteur dédié. Cela permet au robot de toujours obtenir le meilleur champ de vision possible, indépendamment de son degré de tangage. BeeRotor évite alors des obstacles très pentus (cf. vidéo) sans accéléromètre ni mesure de vitesse et d'altitude. Cette
technologie (Le mot technologie possède deux acceptions de fait :) a fait l'objet d'un dépôt de brevet fin 2013.
BeeRotor propose ainsi une nouvelle hypothèse biologiquement plausible pour expliquer comment les insectes volent sans accéléromètre: les insectes ailés pourraient utiliser les indices du flux optique pour se stabiliser, grâce à des boucles de rétroaction similaires à celles du robot.
Il existe également des applications industrielles à cette première mondiale. Les accéléromètres, et donc les centrales inertielles
(3) qui les contiennent, sont trop lourds et encombrants pour les robots de toute petite taille. Avec une masse de l'ordre du gramme, ils ne conviennent pas à ces engins d'une dizaine de grammes qui pourraient être utilisés, par exemple, pour inspecter les tuyauteries. Cette quête de la légèreté se retrouve également dans l'
industrie spatiale (L'Industrie spatiale est la composante de l'industrie dédiée au secteur spatial. Elle...), où chaque kilo envoyé hors de notre
atmosphère (Le mot atmosphère peut avoir plusieurs significations :) a un coût considérable. Sans forcément remplacer les accéléromètres, des capteurs de flux optique pourraient servir de système de secours ultra léger en cas de défaillance sur des missions spatiales
(4).
Notes:
(1) Le robot, libre selon 3 degré de liberté (tangage, élévation, avance), vole autour d'un axe auquel il est attaché par un bras, entraîné par le robot lui-même (voir la vidéo).
(2) Une boucle de rétroaction utilise la sortie d'un procédé, ici en flux optique, pour en calculer les entrées, ici les vitesses de chacun des rotors. On parle ici de boucle de rétroaction négative, qui amortit les variations du flux optique.
(3) La centrale inertielle est un instrument utilisé en navigation, capable de traiter les mesures du mouvement d'un engin (accélération et vitesse angulaire) pour estimer son orientation (Au sens littéral, l'orientation désigne ou matérialise la direction de l'Orient (lever du soleil...) (angles de roulis, de tangage et de cap).
(4) Un aspect traité partiellement dans cet article sous presse: Sub-optimal Lunar Landing GNC using Non-gimbaled Bio-inspired Optic Flow Sensors , G. Sabiron, T. Raharijaona, L. Burlion, E. Kervendal, E. Bornschlegl and F. Ruffier, IEEE TAES, 2015.