Le mamanais est-il plus clair ?

Publié par Adrien le 05/03/2015 à 12:00
Source: CNRS-INSB
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Dans presque toutes les cultures, les parents parlent à leurs enfants en "mamanais". En quoi cette façon de parler aide-t-elle les nourrissons à apprendre le langage ? En combinant des méthodes de pointe de l'ingénierie de la parole et un grand corpus de parole spontanée, une étude menée par le Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique en collaboration avec l'Institut (Un institut est une organisation permanente créée dans un certain but. C'est...) RIKEN au Japon, montre que les parents semblent parler légèrement moins clairement quand ils s'adressent à leurs enfants que quand ils s'adressent à une expérimentatrice. Il semble ainsi qu'il ne faille pas chercher le secret de l'apprentissage (L’apprentissage est l'acquisition de savoir-faire, c'est-à-dire le processus...) des sons du langage tant dans la façon particulière que nous avons de nous adresser aux enfants, que dans leur capacité à exploiter ce signal. Cette étude est publiée dans la revue Psychological Science.

On remarque souvent que les parents parlent à leurs enfants d'une manière particulière: ils parlent lentement, d'une voix chantante ou exagérée, ils utilisent un vocabulaire spécial (par exemple, "dodo" pour dormir). La question qui intéresse beaucoup de chercheurs est la suivante: en quoi cette façon de parler aide-t-elle les nourrissons à apprendre le langage? Certains chercheurs ont pensé que les parents simplifient la tâche des nourrissons en prononçant les sons de la parole plus distinctement. Ainsi, ils ont remarqué que nous ouvrons plus la bouche en disant la voyelle "ah" à notre enfant qu'à un adulte, ce qui conduit à des paramètres acoustiques plus extrêmes. Et si la prononciation est plus extrême, il devrait être théoriquement plus facile pour les enfants de distinguer les sons entre eux.


Figure: Chaque ellipse représente la performance moyenne et l'intervalle de confiance (En statistiques, et en particulier dans la théorie des sondages, lorsqu'on cherche à...) 95% pour toutes les syllabes contenant la paire de sons notée. Les ellipses ont tendance à être en dessous de la diagonale (On appelle diagonale d'un polygone tout segment reliant deux sommets non consécutifs (non...) car les scores pour la parole adressée à l'adulte sont meilleurs que ceux pour la parole adressée à l'enfant. Dans cette tâche de discrimination, le système fait un choix forcé entre deux options. Le niveau du hasard (Dans le langage ordinaire, le mot hasard est utilisé pour exprimer un manque efficient, sinon...) est donc 0.5, et une classification parfaite amène à un score de 1.
© Alejandrina Cristia et Emmanuel Dupoux

L'équipe du Laboratory for Language Development à l'institut RIKEN à Tokyo a enregistré 22 mères japonaises interagissant librement avec leur enfant âgé de 18 à 24 mois ou discutant avec un expérimentateur. Elle a ensuite passé cinq années à annoter les 14 heures (L'heure est une unité de mesure  :) de parole, marquant les débuts et fins des consonnes et des voyelles, des mots, des phrases, etc.... A ce jour, c'est l'un des plus grands corpus au monde de parole adressée aux enfants qui dispose d'une annotation aussi complète.

Les chercheurs ont appliqué une technique mise au point au Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique à Paris, et qui utilise un algorithme, également employé en reconnaissance automatique de la parole, pour mesurer la similarité acoustique (L’acoustique est une branche de la physique dont l’objet est l’étude des...) entre deux syllabes, comme " pa" et "ba ", " po" et "bo" par exemple. Cette technique a permis d'analyser automatiquement la totalité des 118 contrastes de syllabes fréquentes dans les deux parties de ce corpus, celle adressée à l'enfant et celle adressée à l'adulte.

Par rapport aux travaux antérieurs, ce nombre représente à la fois une augmentation quantitative et un changement qualitatif. Le nombre le plus élevé de contrastes étudiés auparavant variait entre 3 et 12, et quelques études utilisaient de la parole lue plutôt que spontanée. En étudiant tous les contrastes dans un grand corpus de parole spontanée, les chercheurs se sont assurés d'obtenir un panorama global de la parole adressée à l'enfant.

Les résultats peuvent paraître surprenants car les chercheurs ont constaté que non seulement les parents ne prononcent pas les sons plus clairement quand ils parlent à leur enfant, mais qu'en fait, ils ont tendance à parler légèrement moins clairement. Ce résultat est important parce qu'il va à l'encontre de l'idée très répandue selon laquelle les parents articulent les sons de la parole plus distinctement, et ce avec des données basées sur 10 fois plus de contrastes que les recherches précédentes.

Ce résultat a des conséquences directes sur la question suivante: pourquoi les enfants apprennent-ils les langues (leur systèmes de sons inclus) avec beaucoup plus de facilité que les adultes ? L'une des réponses possibles est que les enfants entendent des paroles faites sur mesure facilitant ainsi l'apprentissage. Les résultats suggèrent que, au moins en ce qui concerne l'apprentissage des sons, le secret de cet apprentissage réside dans les enfants eux mêmes. Leur réussite est d'autant plus remarquable qu'ils apprennent les sons d'une parole qui est un peu moins claire que celle utilisée entre adultes.

Les chercheurs tiennent à souligner que leurs résultats ne donnent qu'un aperçu partiel de ce que les parents font. Ils n'ont aucune donnée (Dans les technologies de l'information (TI), une donnée est une description élémentaire, souvent...) permettant de mesurer l'influence de ce comportement sur l'acquisition (En général l'acquisition est l'action qui consiste à obtenir une information ou à acquérir un...) du langage par les enfants. Il serait donc tout à fait prématuré de tirer quelque implication que ce soit sur la façon dont les parents devraient parler ou non à leurs enfants. Pour pouvoir répondre à de telles questions, il faudra d'abord mieux comprendre ce phénomène. S'agit-il d'un effet de registre social, les parents s'adressant plus clairement à des étrangers qu'à des personnes de leur entourage ? S'agit-il d'un effet collatéral d'un lien émotionnel, les parents sacrifiant la prononciation pour produire des sons intéressants ou amusants de manière à impliquer l'enfant dans l'interaction (Une interaction est un échange d'information, d'affects ou d'énergie entre deux agents au sein...) ? Ou bien, les parents sont-ils en fait concentrés sur d'autres paramètres du langage que les sons, par exemple, les mots, les phrases, etc... ?

Ces travaux ouvrent la voie à d'autres études du même type, utilisant des techniques de reconnaissance automatique de la parole pour analyser de manière systématique des corpus d'interactions parents/enfants afin de mieux comprendre le développement du langage chez l'enfant.
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