Des nanolasers couplés pour approcher le régime quantique de la brisure spontanée de symétrie
Des physiciens viennent pour la première fois de mettre en évidence un phénomène de brisure spontanée de symétrie avec deux nanolasers couplés dont les résonateurs ne contenaient qu'une centaine de photons.
Lorsque l'on comprime progressivement une règle plate en cherchant à rapprocher ses deux extrémités, celle-ci fléchit soudainement d'un côté ou de l'autre, le choix du côté étant aléatoire. Ce comportement est un exemple parmi d'autres d'une brisure spontanée de symétrie, un phénomène omniprésent en
physique et très largement analysé et compris dans le régime macroscopique. Aujourd'hui, les chercheurs s'interrogent sur ce que signifie une brisure spontanée de symétrie dans le cas d'un système micro- ou nanoscopique, lorsque l'on s'approche d'un régime quantique.
Vue 3D des nanolasers couplés réalisés dans un cristal photonique bidimensionnel.
Copyright CNRS/LPN
Des physiciens du Laboratoire de photonique et de nanostructures - LPN (CNRS) ont fait un pas dans cette direction en concevant et en élaborant un système présentant ce type de comportement et faisant intervenir un petit
nombre de photons: deux lasers nanométriques identiques couplés par
interaction nonlinéaire. Lorsque l'on augmente l'excitation, l'émission de
lumière, initialement symétrique,
bascule dans un régime dans lequel l'un des deux lasers est bien plus brillant que l'autre. Le nombre de photons qui participe à la brisure de symétrie est faible, de l'ordre de 100 par cavité, et pourrait être davantage abaissé. Il est donc possible d'envisager une transition de ce type avec quelques photons seulement et d'étudier l'empreinte attendue de comportements quantiques. Ces expériences ouvrent en outre de nouvelles perspectives pour la réalisation de nanomémoires optiques à bascule intégrées. Ce travail est publié dans la revue Nature Photonics.
Les physiciens du LPN ont réalisé leur système dans une membrane suspendue en phosphure d'indium d'un quart de
micromètre d'épaisseur et percées d'un
réseau triangulaire de trous distants d'un demi-micromètre et constituant un
cristal photonique interdisant toute propagation de la lumière dans le plan de la membrane. C'est en remplissant certains de ces trous d'un
matériau actif ou en modifiant leur
géométrie que les chercheurs ont réalisé les deux nanolasers a puits quantique en InGaAs/InGasP ainsi que la barrière les séparant. En focalisant sur les nanolasers une source continue
infrarouge émettant à 808 nm, les physiciens provoquent l'émission de lumière. Les nanolasers couplés sont injectés par un
laser focalisé en leur centre. La géométrie du système, symétrique par rapport à la barrière, impose à l'émission laser la même symétrie.
Pour en faire la mesure, une image de chaque nanocavité est réalisée sur deux détecteurs indépendants. Ce qui permet la mesure simultanée de la lumière émise par la nanocavité de gauche et celle de droite pour différentes puissances d'injection. Jusqu'à 4,5mW l'émission est symétrique, identique à droite et à gauche. Au-delà de cette
puissance, la réponse devient dissymétrique et la lumière se localise, spontanément, soit d'un côté soit de l'autre. Afin de s'assurer que le
basculement est bien dû à une brisure spontanée de symétrie et non pas à des effets physiques parasites, les physiciens ont ajouté une courte excitation lumineuse permettant de faire basculer l'intensité d'un côté à l'autre.