L'équipe de Philippe Jay à l'Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier, en collaboration avec des chercheurs nationaux et internationaux, démontre que les cellules tuft de l'épithélium intestinal, un type cellulaire dont la fonction était jusqu'alors inconnue, sont nécessaires pour l'initiation de la réponse immunitaire contre les infections helminthiques. Cette étude est publiée dans la revue
Nature.
Coupe d'intestin de souris infectée par le parasite Nippostrongylus brasiliensis. Les cellules tuft sont doublement marquées par le facteur de transcription Pou2f3 (rouge) et la protéine Dclk1 (vert).
© Philippe Jay
La lutte contre les infections helminthiques constitue un enjeu de santé publique mondial. La colonisation du
système digestif par ces parasites déclenche une réponse immunitaire
massive, connue sous le nom de réponse immune de type 2, impliquant à la fois des acteurs cellulaires leucocytaires et épithéliaux. Bien que ce type de réaction ait été bien décrit dans la littérature, les mécanismes cellulaires et moléculaires régissant sa mise en place et son
contrôle restent encore à éclaircir à ce jour.
L'équipe de Philippe Jay, en collaboration avec les équipes de Naomi Taylor, à l'Institut de
Génétique Moléculaire de Montpellier, de Rick Maizels à l'
Université d'Edinburgh (Grande-Bretagne) et d'Ichiro Matsumoto au Monell Chemical Senses Center à
Philadelphie (USA), montre que des souris déficientes pour le facteur de transcription Pou2f3, et en conséquence dépourvues de cellules tuft intestinales, sont dans l'incapacité d'expulser de manière efficace le parasite
Nippostrongylus brasiliensis.
La raison majeure de ce défaut tient au fait que les cellules tuft sont les seules cellules épithéliales capables de produire certaines molécules nommées alarmines, telle que l'interleukine 25, connues comme essentielles pour éliciter la réponse immune de type 2. De manière remarquable, cette réponse conduit à une production accrue des interleukines 4 et 13 au sein de la
laminapropria, le tissu sous-jacent de l'épithélium intestinal. Une des actions de ces interleukines est de reprogrammer transitoirement les voies de différenciation cellulaires dans la
crypte intestinale, aboutissant à la différenciation massive de nouvelles cellules tuft et de nouvelles cellules sécrétrices de mucines capables de cibler les parasites.
Ce travail révèle un niveau de coopération inédit entre cellules épithéliales et immunitaires pour la mise en place rapide d'une réponse de l'hôte lors d'une infection entérique. Au-delà de l'intérêt de cette étude dans le cadre de la lutte contre les infections helminthiques, la mise en lumière de ce nouveau mécanisme de l'immunité mucosale pourrait aussi permettre de mieux appréhender d'autres problèmes de
santé publique, et plus particulièrement certains types d'allergies, dont le mécanisme implique aussi une réponse immune de type 2.