Les premières représentations figuratives d'une éruption volcanique

Publié par Isabelle le 31/01/2016 à 00:00
Source: CNRS-INSU
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Des représentations d'éruptions volcaniques anciennes de 36 000 ans dans la grotte Chauvet-Pont d'Arc ?

Les éruptions volcaniques sont parmi les plus impressionnants phénomènes géologiques à la surface de la terre. Cependant, leur représentation figurative reste récente et extrêmement rare pour la période préhistorique: le plus ancien témoignage d'un tel événement dans l'histoire humaine ne remonte qu'à environ 9000 ans.

Une étude menée par plusieurs équipes françaises suggèrent que parmi les célèbres peintures et gravures qui ornent la grotte de Chauvet-Pont d'Arc(Ardèche, France), des signes en gerbes constitués de deux faisceaux de lignes courbes divergentes pourraient être la représentation d'une ou plusieurs éruptions volcaniques stromboliennes du Bas-Vivarais à seulement 35 km au Nord-Ouest de la Grotte. En effet, les toutes nouvelles datations par la méthode Ar/Ar de plusieurs éruptions coïncident avec les datations (C et de thermoluminescence) des gravures et des occupations Aurignaciennes de la grotte (34-36 ka).

Ces représentations, particulièrement bien visibles dans la Galerie des Mégacéros ou quatre des ces signes en gerbes sont répertoriés, seraient antérieures de plus de 34 millénaires aux observations de Pline le Jeune de l'éruption du Vésuve et pré-dateraient de plus de 28 millénaires la fresque de Çatalhöyük (Turquie), actuellement considérée comme la plus ancienne représentation d'une éruption dessinée par une main humaine.


Topographie de l'Ardèche montrant le volcanisme récents du Bas-Vivarais et la grotte de Chauvet-Pont d'Arc. © S. Nomade et al. Plosone


Topographie de la grotte Chauvet-Pont d'Arc; B-C) exemple de signe en double gerbe du panneau des Mégacéros (crédit photo, V. Feruglio et A. Avagyan) comparée avec les pétroglyphes trouvés prés du volcan Porak en Arménie (5ème millénaire BC). © S. Nomade et al. Plosone

La mise en commun de travaux menés par des équipes françaises issues des Sciences de la Terre et des Sciences humaines sur deux sites exceptionnels du département de l'Ardèche: Le Bas-Vivarais (GEOPARK UNESCO) et la grotte Chauvet-Pont d'Arc (inscrite par l'UNESCO en 2014 sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité) a permis de déterminer l'âge des plus anciennes représentations par l'homme d'une éruption volcanique. Pour cela, les chercheurs, ont daté les éruptions des volcans d'Ardèche visibles depuis le plateau surplombant la grotte Chauvet.

Ces éruptions, essentiellement Stromboliennes et caractérisées des projections de laves sous formes de fontaines se sont révélées contemporaines de la période d'occupation de la grotte durant l'Aurignacien. Ainsi, il est fort probable que les populations humaines vivants alors dans la vallée du Rhône ont vécu une ou plusieurs éruptions des volcans de la haute vallée de l'Ardèche.

Plus en détail, les datations Ar/Ar de trois éruptions particulières (Suc du Bauzon, Coupe d'Aizac et maar de Ray-Pic) donnent des âges entre 29 ± 10 ka et 35 ± 8 ka qui coïncident avec les âges C (37 à 34 ka Cal BP) et de thermoluminescence (36,9 ± 2,3 ka) qui correspondent à l'occupation et à l'âge des signes en forme de gerbes formées par deux faisceaux de lignes courbes divergentes trouvés dans la galerie des Mégacéros. Les chercheurs suggèrent que le design distinctif des signes en "gerbes" est une réminiscence des fontaines de laves typiques des éruptions stromboliennes.

Dans la grotte quatre occurrences ont été trouvées dans les galeries des Mégacéros et du Belvédère ainsi qu'une près de l'entrée originale dans la Salle Brunel. Ces signes ont été tracés soit avec les doigts comme dans les galeries des Mégacéros et du Belvédère ou peints avec des pigments rouges comme celui trouvée dans le panneau d'entrée dans la salle Brunel. Ces symboles n'ont pas d'équivalent proche dans la période considérée (cf. Aurignacien), ou même parmi les plus de 340 grottes ornées connues en France et en Espagne. Dans un contexte chronologique bien plus proche de nous, l'iconographie de ces signes correspond étroitement à celle des pétroglyphes interprétés comme représentant l'éruption du volcan Porak en Arménie mais qui n'ont que 7000 ans.

L'hypothèse défendue par les chercheurs est également envisagée à la lumière des choix par les Aurignaciens de l'iconographie des animaux: dangereux et puissants tels que les lions des cavernes, l'ours des cavernes, les mammouths et rhinocéros, qui n'étaient pas chassés par les humains. Comme il n'y a pas d'autres exemples dans l'art rupestre préhistorique de paysage naturel, c'est peut-être la force de l'image des éruptions volcaniques qui pourrait avoir inspiré les artistes. En effet tout comme le rendu des figures animales n'est pas entièrement réaliste, ces signes en gerbes restent eux aussi largement symboliques (le volcan lui-même n'est pas dessiné par exemple).

La grotte Chauvet-Pont d'Arc est connue pour ses singularités artistiques en termes de technique, de thèmes, de composition et d'innovations visuelles pour la période de temps considérée. Trouver la première représentation d'une éruption volcanique dans l'histoire humaine parmi les ornmentations de cette grotte exceptionnelle ne serait pas une surprise. Comme un clin d'oeil à l'histoire des sciences, c'est aussi en Ardèche que le naturaliste français Faujas de Saint-Font a suggéré pour la première fois la relation génétique entre coulée basaltique prismatique et volcanisme dans son célèbre ouvrage "Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay" publié en 1778.
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