LIGO: une conviction inébranlable

Publié par Adrien le 03/03/2016 à 00:00
Source: Antonella Del Rosso - Copyright CERN
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Il a fallu vingt ans pour concevoir, construire et tester plusieurs technologies innovantes, avec comme moteur la ferme conviction que cette entreprise mènerait à une avancée historique. Voici un extrait d'un entretien réalisé avec Barry Barish, l'un des pères fondateurs de LIGO.


Ces graphes montrent les signaux desondes gravitationnelles enregistrés par les détecteurs jumeaux de LIGO, situés à Livingston (Louisiane)et Hanford (Washington).(Image: Caltech/MIT/LIGO Lab)
Le 11 février, les collaborations LIGO (Observatoire d'ondes gravitationnelles à interféromètre laser) et Virgo ont publié un article qui fera date dans l'histoire de la physique, dans lequel elles ont présenté un signal gravitationnel émis par la fusion de deux trous noirs. Ce résultat vient couronner vingtans d'efforts de la part de la grande collaboration scientifique qui exploite les deux observatoires LIGO aux États-Unis. Barry Barish, professeur émérite de physique et titulaire de la chaire Linde à l'Institut de technologie de Californie, et ancien directeur du Projet mondial de conception du Collisionneur linéaire international (ILC), a dirigé le projet LIGO de 1994 à 2005. Le jour de l'annonce officielle à la communauté scientifique et au public, il se trouvait au CERN pour y donner un séminaire historique qui a captivé tout l'auditoire, réuni dans un amphithéâtre principal plein à craquer.

M.Barish, ce résultat arrive après vingt ans de travail acharné, de doutes et de difficultés. C'est certes le lot de la recherche, mais quelle a été l'épreuve la plus difficile à surmonter pendant cette longue période ?

"C'était le fait de travailler sur un projet qui dure vingt ans, et de continuer néanmoins à recevoir du soutien et à déployer l'énergie nécessaire pour aller jusqu'au bout. LIGO constitue un exploit technique incroyable. L'installation d'expérimentation que nous avons utilisée pour détecter le signal gravitationnel représentait une énorme extrapolation par rapport à tout ce qui avait été fait jusque-là. L'idée qu'on puisse prendre un risque important dans une aventure scientifique comme celle-là demande beaucoup de soutiens, d'assiduité et de persévérance."

La confirmation par l'expérience de l'existence des ondes gravitationnelles a une répercussion considérable sur le futur de l'astrophysique et de la physique gravitationnelle. Quelles seront, d'après-vous, les conséquences les plus importantes de votre découverte ?

"Cette découverte ouvre deux nouveaux domaines pour la recherche en physique. Le premier, c'est la théorie de la relativité générale elle-même. L'étude des ondes gravitationnelles est un outil puissant pour sonder le coeur de cette théorie, par l'exploration du domaine des champs forts de la physique de la gravitation. Rien qu'avec ce premier événement (la fusion de deux trous noirs), nous avons créé un véritable laboratoire dans lequel nous pouvons étudier tous ces éléments, et la possibilité de comprendre la relativité générale à un niveau absolument fondamental est maintenant en train de s'ouvrir à nous.

La seconde grande conséquence de cette découverte est que nous pouvons à présent observer l'Univers avec un "télescope"entièrement nouveau. Jusqu'ici, nous avons construit et utilisé toutes sortes de télescopes: télescopes infrarouge, ultraviolet, radiotélescopes, télescopes optiques... Ces dernières années, les scientifiques ont eu l'idée d'observer les mêmes choses avec des bandes de fréquences différentes.

Toutefois, aucun instrument antérieur de ce type n'aurait pu voir ce que nous avons vu avec les interféromètres de LIGO. La nature a été si généreuse avec nous que le tout premier événement que nous avons observé lève le voile sur une nouvelle astrophysique. Nous avons eu vraiment beaucoup de chance. Pendant les prochaines décennies, ce domaine nous offrira une méthode complètement nouvelle pour mener une quantité incroyable de nouvelles recherches scientifiques."

Quelle a été votre première pensée lorsque l'événement est apparu sur votre écran ?

"Nous avons d'abord pensé que ça pouvait être une bizarrerie causée par l'instrumentation. Nous avons aussi dû nous demander si quelqu'un avait pu le créer volontairement. Afin de vérifier précisément l'origine du signal, nous sommes remontés jusqu'à la formation des données de l'événement dans les deux interféromètres; nous avons alors constaté que le signal avait été enregistré à un intervalle de 7 millisecondes, soit exactement le temps attendu pour qu'un même événement apparaisse sur le second interféromètre. Les deux signaux correspondaient parfaitement et cela nous a donné une confiance totale dans nos données."

Lors du séminaire qui s'est tenu au CERN, vous avez été accueilli et remercié comme une star. C'était un grand honneur pour le public du CERN que vous soyez venu en personne donner cette conférence, juste après l'annonce faite par vos collègues, aux États-Unis. Que retenez-vous de cette expérience ?

"J'ai été très heureux de présenter ce résultat crucial dans le temple de la science. J'ai eu l'impression que nous avions bien présenté nos arguments, car les gens ont montré de l'intérêt pour ce que nous avons fait et ce que nous faisons. Dans ce public très nombreux, personne n'a semblé remettre en question notre méthodologie et notre analyse. Nous avons un seul événement, mais sa qualité a suffi à nous convaincre, mes collègues et moi, qu'il s'agissait d'une véritable découverte. J'ai apprécié de répondre à toutes les questions scientifiques posées par l'assistance, c'était vraiment un beau moment pour moi."
Page générée en 0.211 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise