Quand il est question de méthylation de l'ADN, 1+1=3

Publié par Adrien le 29/03/2016 à 00:00
Source: CNRS-INSB
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La transcription des génomes de nombreux organismes vivants est influencée par la présence d'une modification chimique de l'ADN appelée méthylation. Une même séquence d'ADN peut être associée à des niveaux de méthylation différents entre individus d'une population qui définissant des "épiallèles". Les mécanismes à l'origine de l'apparition d'épiallèles sont méconnus. Les équipes d'Olivier Mathieu au laboratoire Génétique reproduction et développement, et de Detlef Weigel au Max Planck Institute for developmental biology à Tübingen, mettent en évidence la création rapide et massive de nouveaux épiallèles suite à un choc épigénomique induit en laboratoire. Ces résultats sont publiés dans la revue PNAS.


Figure: Apparition de nouveaux profils de méthylation de l'ADN et de transcription lors d'un choc épigénomique.
(A) Profils de méthylation de l'ADN d'un gène dans des plantes sauvages (Col) et mutantes (met1) et dans les plantes épihybrides F1 issues de leur croisement (F1 Col x met1 et F1 met1 x Col). Un nouvel épiallèle de ce gène est créé dans les épihybrides F1.
(B) Profils d'accumulation des ARN messagers (ARNm) illustrant l'activation de la transcription d'un transposon dans les plantes épihybrides F1.
© Olivier Mathieu

La méthylation de l'ADN, ajout d'un groupement méthyle sur certaines bases de l'ADN, est un des mécanismes permettant de contrôler la transcription au sein des génomes de très nombreuses espèces. Un même gène peut exister sous la forme de différents épiallèles, associés à des niveaux de méthylation de l'ADN distincts. En plus des gènes codant les protéines, les génomes contiennent des transposons, aussi appelés éléments transposables, qui sont des séquences d'ADN mobiles et donc potentiellement mutagènes. Pour contenir ce danger, la transcription des transposons, qui peuvent constituer jusqu'à près de 90% de certains génomes de plantes, est généralement réprimée de manière homogène par la présence d'un fort niveau de méthylation de l'ADN.

S'intéressant à la régulation de la transcription d'un gène par la méthylation de l'ADN chez la plante modèle Arabidopsis, les chercheurs ont croisé une plante mutante présentant un niveau réduit de méthylation de l'ADN avec sa contrepartie "sauvage", porteuse de profils de méthylation normaux. De manière inattendue, ils ont observé la création d'un nouvel épiallèle non-parental de ce gène, totalement dépourvu de méthylation de l'ADN dans les plantes résultant de ce croisement, baptisées "épihybrides F1". Cette observation a conduit les chercheurs à utiliser des approches génomiques de séquençage massif afin de déterminer les niveaux de méthylation de l'ADN et de transcription à l'échelle du génome entier des plantes épihybrides F1. Les résultats révèlent qu'un véritable choc épigénomique survient dans ces plantes qui présentent des profils de méthylation de l'ADN et de transcription significativement différents de la simple union attendue des profils parentaux. Ce choc épi-génomique se caractérise par la création de nouveaux épiallèles non-parentaux de nombreux gènes, ainsi que par une forte baisse de méthylation de l'ADN au niveau de très nombreux transposons associée à une activation massive de ces derniers. Ces travaux fournissent un scénario pour l'apparition rapide et à grande échelle de nouveaux épi-allèles et pourraient avoir des implications quant à la dynamique des transposons au sein des populations.

Le croisement à l'origine du choc épigénomique décrit dans cette étude représente certainement une situation extrême, dans la mesure ou elle implique le croisement entre une plante sauvage et une plante mutante avec un niveau très faible de méthylation, potentiellement rare en conditions naturelles. Il est cependant clairement établi que des variations environnementales ainsi que différents stress, peuvent être à l'origine de changements des profils de méthylation de l'ADN. Il est donc vraisemblable que de nombreux croisements conduisant à des chocs épigénomiques, bien que de plus faible amplitude que celui décrit dans ces travaux, se produisent fréquemment dans la nature. Reste également à déterminer si ce phénomène survient chez les animaux.
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