Bien qu'elle intrigue toujours les chercheurs, l'instabilité de Rayleigh-Taylor peut s'observer dans une simple cuisine. Lorsqu'un fluide est déposé au-dessus d'un autre fluide moins dense, ils s'interpénètrent sous la forme de doigts jusqu'à échanger leur place. Une équipe du laboratoire Navier et du Schlumberger Riboud Product Center (SRPC) s'est penchée sur de telles interactions, mais entre un solide et un
fluide (Un fluide est un milieu matériel parfaitement déformable. On regroupe sous cette...), et a découvert une nouvelle instabilité. Ces travaux ont été publiés dans Physical Review Letters.
La plupart des études de ces interactions assimilent les solides à des fluides très visqueux ou à des matériaux purement élastiques. Les chercheurs du laboratoire Navier (CNRS/École des ponts ParisTech/Ifsttar) ont ici préféré utiliser un fluide à seuil, qui se comporte comme un solide élastoplastique tant qu'on ne lui impose pas de contraintes physiques trop élevées. Une cuve spéciale permet de le mettre en contact avec une solution saline plus dense que lui,
tout (Le tout compris comme ensemble de ce qui existe est souvent interprété comme le monde ou...) en minimisant les perturbations.
Les deux matériaux ne bougent pas tant que la différence de densité reste inférieure à une valeur critique, qui dépend du seuil de contrainte du solide. Juste au-delà de cette valeur critique, de petits doigts se forment de chaque côté et pénètrent rapidement le milieu
opposé ( En mathématique, l'opposé d’un nombre est le nombre tel que, lorsqu’il est à...). Le phénomène est alors dit catastrophique et les deux matériaux échangent leur place en quelques secondes. Le solide élastoplastique reste pourtant bien majoritairement sous forme solide, seule une mince couche près de l'
interface (Une interface est une zone, réelle ou virtuelle qui sépare deux éléments. L’interface...) fluide-solide, le long des doigts, subit des déformations plastiques. Elle endosse ainsi une grande partie de la déformation sans que le solide soit contraint de se liquéfier.
© I. Maimouni (Navier - Schlumberger)
Développement de l'instabilité, pour un fluide newtonien (à gauche), et un solide élastoplastique (à droite), juste au-delà du seuil d'instabilité.
Ces travaux pourront éclairer des phénomènes tels que les remontées de sel ou de magma à travers la croûte terrestre, ou la déformation des structures métalliques en
physique (La physique (du grec φυσις, la nature) est étymologiquement la...) des hautes énergies. L'
injection (Le mot injection peut avoir plusieurs significations :) de
boue (En sédimentologie, la boue est un mélange d'eau et de particules sédimentaires fines...) puis de
ciment (Le ciment (du latin caementum, signifiant moellon, pierre de construction) est une matière...) dans les puits de
pétrole (Le pétrole est une roche liquide carbonée, ou huile minérale. L'exploitation de...) est aussi concernée, puisqu'ils se comportent tous deux comme des fluides à seuil et qu'ils ne doivent pas se mélanger. L'équipe se penche à présent sur l'étude de l'instabilité entre deux phases solides.
Pour plus d'information voir:
I. Maimouni, J. Goyon, E. Lac, T. Pringuey, J. Boujlel, X. Chateau, P. Coussot
Rayleigh-Taylor instability in elastoplastic solids: a local, catastrophic process
Phys. Rev. Lett. 116, 154502 (2016): http://journals.aps.org/prl/covers/116/15
Contact chercheur:
Philippe Coussot - Laboratoire Navier