Si l'impact des polluants sur la faune sauvage des grandes agglomérations est désormais mieux documenté, c'est encore loin d'être le cas pour celle des villes moyennes et des zones faiblement urbanisées. Une étude menée récemment chez le
merle noir (
Turdus merula) par des chercheurs du Centre d'Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/Université de La Rochelle) et du Laboratoire Littoral
Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS/Université de La Rochelle) apporte de précieux éléments à ce sujet. En mesurant les concentrations de métaux lourds chez des merles noirs provenant de secteurs plus ou moins urbanisés, les scientifiques ont constaté que les oiseaux des villes d'importance
moyenne étaient contaminés par ces polluants. Leurs travaux publiés dans
Science of the Total Environment suggèrent par ailleurs qu'une contamination modérée aux métaux lourds pourrait avoir des conséquences néfastes sur la
physiologie de cette
espèce.
L'urbanisation
induit une multitude de contraintes à même d'affecter le
métabolisme et le comportement des animaux qui ont élu domicile en ville. Parmi ces contraintes, la
pollution par les métaux lourds constitue un phénomène majeur. Les études qui se sont jusqu'ici intéressées à l'impact de ce type de polluants sur les animaux se sont essentiellement focalisées sur les agglomérations de grande taille comme Paris ou Lyon. Afin d'élargir les investigations à des zones urbaines de moindre importance, une équipe du CNRS a mené l'enquête dans et à proximité immédiate des villes de Niort (60 000 habitants) et La Rochelle (75 000 habitants). Dans un premier temps, les chercheurs ont collecté dans des zones plus ou moins urbanisées, ainsi que dans des secteurs agricoles et forestiers, des dizaines de cadavres de merles noirs victimes du
trafic routier. En ville, où les cadavres de merles n'étaient pas suffisamment abondants, ils ont par ailleurs capturés une dizaine d'individus supplémentaires. "
Le merle noir présente l'avantage de vivre à la fois dans des zones rurales et urbaines et le fait qu'il soit très territorial permet de s'assurer que chaque individu reflète les conditions environnementales et de pollution où il a été prélevé", explique Frédéric Angelier, chargé de
recherche au CEBC et cosignataire de l'article.
Les biologistes ont ensuite procédé à la recherche de métaux lourds (argent, cadmium, mercure, plomb) dans les plumes de chaque
oiseau collecté. Ils y ont également mesuré les niveaux de corticostérone, une
hormone dont la concentration varie en fonction du
stress et du métabolisme des volatiles. Ces analyses révèlent que les merles noirs des villes présentaient des taux de plomb et de cadmium supérieurs à ceux provenant des zones rurales. Cette contamination aux métaux lourds, qui augmente progressivement à mesure que le biotope des oiseaux s'urbanise, est en outre associée à des taux de corticostérone sensiblement plus élevés. L'étude apporte ainsi la preuve que la faune urbaine peut-être contaminée par certains métaux, y compris dans des villes de moyenne importance. "
Nos résultats conduisent à penser qu'une contamination même modérée pourrait avoir des conséquences néfastes sur la physiologie des animaux sauvages en perturbant les mécanismes hormonaux qui régulent leur métabolisme et leur réaction au stress", ajoute Frédéric Angelier. Afin de mieux comprendre les conséquences d'une telle contamination sur la survie et
la reproduction de la faune urbaine, les scientifiques envisagent désormais de tester en laboratoire le rôle de perturbateur endocrinien des métaux lourds.