En combinant des observations multi-longueur d'ondes obtenues depuis l'Espace avec Planck et WISE et au sol avec le CFHT, une équipe de chercheurs est parvenu à sonder la structure de la matière interstellaire avec une finesse inégalée. L'étude a en particulier permis de déterminer les propriétés de la
turbulence interstellaire sur une gamme d'échelles spatiales encore jamais atteinte: de 10 pc à 0.01 pc.
Image optique en vraies couleurs du champ de cirrus obtenue avec la caméra MegaCam du CFHT.Crédit CFHT / IAS / AIM
L'innovation principale de ces travaux est l'utilisation d'un télescope optique (le CFHT) pour étudier la structure de la
matière à très grande résolution spatiale, ce que ne permet pas les observations classiques du
milieu interstellaire effectuées dans l'
infrarouge. Une
cartographie directe des nuages de poussières - les cirrus - situés à juste quelques centaines de parsec du Soleil a pu être réalisée en détectant la
lumière diffusée par les grains interstellaires. Des techniques d'
observation profonde et de traitement d'image spécifiques développées dans le cadre du Large Programme MATLAS du CFHT ont révélé cette lumière de très faible brillance. Elle se présente sous forme d'un réseau complexe de filaments de toutes tailles.
Le gain en résolution permet d'atteindre les échelles où s'effectue la dissipation d'énergie de la turbulence interstellaire. Comprendre le processus exact par lequel l'
énergie cinétique se dissipe est primordial puisqu'il est au coeur dela
formation des structures denses du milieu interstellaire où se forment ensuite les étoiles. Par exemple, des études récentes basées sur des observations infrarouges avec Herschel de nuages moléculaires tendent à montrer qu'il existe des filaments ayant une taille transverse de 0.1 pc, peu importe leur masse. Ce fait observationnel a été attribué à l'échelle de dissipationde la turbulence via la
diffusion ambipolaire (la friction entre les ions et les neutres).
Les chercheurs ont démontré que l'échelle de dissipation du milieu interstellaire diffus est plus petite que 0.01 pc, ce qui apporte des contraintes fortes sur le mécanisme exact responsable de cette dissipation.
L'émission optique des cirrus polluent nombre d'images optiques profondes initialement destinées à cartographier les structures stellaires diffuses qui entourent les galaxies massives. Cette étude démontre que cette composante renferme en fait des informations precieuses sur les processus physiques en jeu dans le milieu interstellaire de notre
Voie Lactée.