Quand le génétiquement simple devient complexe !

Publié par Adrien le 20/07/2016 à 00:00
Source: CNRS-INSB
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Les règles gouvernant la relation entre diversité génétique et diversité phénotypique observée chez les individus d'une même espèce, demeurent mal comprises. Des chercheurs du laboratoire de génétique moléculaire, génomique et microbiologie mettent en évidence la variation d'expression des phénotypes induite par les mutations monogéniques dans différents fonds génétiques, c'est-à-dire différents individus. Cette étude publiée dans la revue Cell Reports, révèle ainsi le continuum de la complexité cachée des traits Mendéliens au sein d'une population.


Figure: Expressivité des mutations monogéniques au sein d'une population. En croisant un individu porteur d'une mutation monogénique (en gris) conférant un phénotype d'intérêt avec d'autres individus (en bleu) n'exprimant pas ce phénotype, il a été possible d'étudier l'expressivité de cette mutation. En effet, pour la majorité des cas, il y a conservation du caractère Mendélien [1-2-3], observée par une distribution bimodale du phénotype dans la descendance. Par contre, dans certains cas [4], la distribution du phénotype dans la descendance devient normale signifiant que dans ce contexte génétique, le trait est complexe. Ces cas mettent en évidence la complexité cachée des traits Mendéliens.
© Joseph Schacherer

La dissection des origines génétiques de la diversité phénotypique observable dans toute population naturelle est un des objectifs actuels de la biologie. Dans chaque espèce, les individus présentent des variations de caractères comme la taille, la morphologie, la croissance ou encore la susceptibilité aux maladies. L'hérédité de ces traits est habituellement classée en deux catégories, à savoir monogénique ou complexe. Les traits complexes sont le résultat de l'action simultanée de plusieurs gènes alors que les caractères monogéniques résultent de l'hérédité d'un gène et sont qualifiés de Mendéliens. Bien que pratique, cette dichotomie est simpliste et ne reflète que partiellement la réalité. En effet, il semble être évident que toutes les mutations monogéniques ne suivent pas de manière stricte cette hérédité Mendelienne. Dans un premier temps, ce type de mutation peut montrer une pénétrance incomplète c'est-à-dire qu'un individu peut être porteur d'une telle mutation mais ne va pas exprimer le caractère. C'est le cas pour l'allèle du gène BRCA1 qui conduit à des prédispositions au cancer du sein chez la femme. En effet, une femme avec une mutation dans le gène BRCA1 a un risque avoisinant 80% de développer la maladie, mettant en évidence une pénétrance incomplète. De plus le degré d'expression du phénotype, appelé expressivité, peut également être variable entre individus. La neurofibromatose de type I est une maladie à hérédité Mendélienne présentant une variation notoire de son expressivité. Cette maladie est causée par une mutation dans le gène NF1. Les individus porteurs présentent une hétérogénéité clinique importante et une sévérité des symptômes très variable.

Afin d'avoir une vue plus précise de l'importance de cette expressivité, une étude des traits Mendéliens a été conduite sur un grande échelle en utilisant la levure Saccharomyces cerevisiae comme organisme modèle. Des croisements ont été systématiquement réalisés entre une souche de laboratoire et 41 isolats naturels provenant d'origines géographique (Europe, Amérique, Asie) et écologique différentes (vigne, bière, exsudat d'arbre). Pour chaque croisement, une descendance a été obtenue, soit un total de 40 individus par croisement. Au total plus de 1640 descendants provenant de différentes combinaisons parentales ont été étudiés. Afin d'évaluer la diversité phénotypique et l'hérédité, la variation de croissance des descendants a été mesurée dans 30 conditions de stress différentes. Elles ont été choisies de manière à induire diverses réponses physiologiques au niveau de la cellule et avoir un impact par exemple sur la réplication de l'ADN, sur la stabilité des protéines ou encore sur la membrane cellulaire. La distribution des phénotypes et la ségrégation dans la descendance ont été analysées à partir de l'exceptionnel jeu de données généré. Cette étude a permis d'estimer pour la première fois la complexité génétique de la variation phénotypique observée à l'échelle d'une espèce. Au total, environ 9 % (98/1105) des cas étudiés ont été identifiés comme Mendéliens et ont fait l'objet d'études plus approfondies. Par des analyses de liaison, les loci impliqués dans les traits à hérédité Mendélienne ont été identifiés. L'effet d'une mutation monogénique en particulier, un variant génétique rare, a ensuite été évalué dans différents fonds génétiques afin d'en étudier l'expressivité. Dans la majorité des fonds génétiques (70 %), l'hérédité Mendélienne est conservée. Par contre et de manière remarquable, une déviation du caractère Mendélien vers des caractères de complexités allant d'intermédiaires à élevées, a été observée dans 30 % des cas. Ces derniers mettent très clairement à jour la complexité cachée des mutations monogéniques à travers une population naturelle.

L'analyse de la distribution et de l'hérédité des traits sur une large échelle montre très clairement que les mutations monogéniques peuvent avoir une expressivité variable et surtout continue au sein d'une population naturelle. Ce constat met une fois de plus en avant la difficulté de la prédiction d'un phénotype sur la base du génotype, même pour des cas Mendéliens simples.
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