Voyage au bout du neurone

Publié par Adrien le 19/09/2016 à 00:00
Source: Jean Hamann - Université Laval
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Photo: Alain Goulet, Richard Janvier et Edouard khandjian
Cette image prise au microscope électronique montre des granules d'ARN installés sur des microtubules. C'est sur ces rails que les granules font le voyage depuis le noyau du neurone jusqu'aux sites distants où ils sont traduits en protéines. La barre (échelle) correspond à 0,0005 millimètre.
Une étude confirme l'existence d'un mécanisme de transport moléculaire impliqué dans le syndrome du X fragile

Une équipe du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec - Université Laval vient d'ajouter un nouveau chapitre à la compréhension du syndrome du X fragile, la principale cause génétique du retard mental chez les enfants. L'article publié par ces chercheurs dans un récent numéro de Plos Genetics vient confirmer le modèle élaboré depuis 14 ans par l'équipe du professeur Edouard Khandjian, de la Faculté de médecine, en plus d'y apporter des éléments nouveaux.

Le syndrome du X fragile est une maladie qui frappe un garçon sur 4 000 et une fille sur 7 000. Il se manifeste par des difficultés d'apprentissage, des troubles du langage et des comportements hyperactifs ou autistiques. Ce syndrome est causé par l'absence de la protéine FMRP (Fragile X Mental Retardation Protein), résultant de mutations dans le gène FMR1 situé sur le chromosome X. Les protéines FMRP sont présentes dans tous les tissus du corps, mais leur concentration est 100 fois plus élevée dans les cellules nerveuses. Leur absence se fait donc surtout sentir là où elles sont normalement abondantes, ce qui expliquerait le problème de développement des fonctions cognitives chez les individus atteints du syndrome du X fragile. "Dans le cerveau, FMRP intervient dans le développement des neurones, leur maturation et la formation de circuits neuronaux", rappelle le professeur Khandjian.

Les travaux réalisés depuis 2002 par son équipe suggèrent que FMRP joue un rôle important dans le transport des ARN messagers (ARNm) entre le noyau du neurone, où ils sont synthétisés, et les sites distants, où ils sont traduits en protéines. "Chez l'humain, cette distance peut atteindre jusqu'à un mètre, signale le chercheur. FMRP se lie aux ARNm, formant des granules d'ARN, et ils les bâillonnent jusqu'à ce que les granules soient livrés, par la voie de microtubules, à la région de la cellule où doit se dérouler la synthèse des protéines, par exemple la synapse. S'il y a une déficience en FMRP, les granules ne sont pas transportés ou ils le sont de façon incomplète, ce qui empêche la production normale de protéines impliquées dans la formation des épines dendritiques et, par conséquent, de la plasticité neuronale." Pour illustrer ce mécanisme, le chercheur propose une analogie ferroviaire. "Les microtubules sont comme des rails sur lesquels circulent des wagons (les granules) qui contiennent l'information génétique (les ARNm) vers des usines distantes (des polyribosomes), spécialisées dans la synthèse de protéines impliquées dans la plasticité des neurones."

Afin de déterminer si ce modèle tenait la route, les chercheurs ont étiqueté FMRP avec une protéine fluorescente et ils ont filmé ses déplacements à l'intérieur de neurones vivants en faisant appel à la microscopie à fluorescence. Les images obtenues confirment leur modèle et y ajoutent des éléments inattendus. "Nous avons découvert qu'une partie des granules contient des polyribosomes. Ces granules transportent donc avec eux non seulement des ARNm bâillonnés par FMRP, mais aussi l'usine qui servira à les convertir en protéines", souligne le professeur Khandjian. Les images révèlent également que les granules fusionnent pendant leur voyage sur les microtubules. "Il est possible que ce mécanisme de "transport en commun" serve à minimiser la dépense énergétique dans la cellule, avance-t-il. Ces cargos se désassemblent lorsqu'ils arrivent à destination."

Ces avancées dans la compréhension du syndrome du X fragile ne conduiront pas à un traitement à court terme, prévient le professeur Khandjian, mais elles nous orientent vers de meilleures pistes. Les molécules testées au cours d'essais cliniques sur l'humain ont conduit à des culs-de-sac, rappelle-t-il, parce qu'on a brûlé les étapes. "Il faut mieux comprendre les mécanismes fondamentaux en cause dans cette maladie avant d'espérer y trouver une solution. L'étude des granules pourra être appliquée à d'autres pathologies impliquant des protéines liant l'ARNm, telles la sclérose latérale amyotrophique et l'atrophie musculaire spinale."

L'étude publiée dans Plos Genetics est signée par Rachid El Fatimy, Sandra Tremblay, Alain Dury, Paul De Koninck et Edouard Khandjian, de l'IUSMQ - Université Laval, Claude Robert, du Centre de recherche en biologie de la reproduction, Laetitia Davidovic, de l'Université de Nice-Sophia Antipolis, et Xavier Jaglin, de la New York University.
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