LHC: que font les analystes de leurs journées ?

Publié par Adrien le 13/12/2016 à 00:00
Source: Corinne Pralavorio - Copyright CERN
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À chaque nouvelle journée sa nouvelle montagne de données à analyser. En 2016, le Grand collisionneur de hadrons (LHC) a enregistré plus de collisions qu'au cours de toutes les années précédentes. Les physiciens expérimentateurs passent la majeure partie de leur vie professionnelle à analyser les données issues des collisions dans l'espoir d'une découverte ou pour mieux comprendre notre Univers. Mais lorsque les résultats deviennent chaque jour plus prévisibles, comment faire pour rester motivés  ?


Nadjieh Jafari (CMS) est passée de la physique théorique à la physique expérimentale en début de carrière. "Ce fut une décision facile à prendre, se souvient-elle. Le CERN est devenu mon objectif dès ma première visite." (Photo: Sophia Bennett/CERN)

Et s'il n'y avait rien de nouveau à découvrir ?

Le CERN a fait la une des médias avec ses découvertes. Pour autant, les scientifiques ne sont pas en quête de gloire et fortune, ou rarement. Ce qui les motive à rester des heures assis devant leur ordinateur, c'est la possibilité de comprendre notre Univers à son niveau le plus fondamental. 

Siegfried Foertsch, coordinateur de l'exploitation de l'expérience ALICE, s'enthousiasme à la perspective " de nouvelles découvertes à venir, pleines de promesses grâce aux nouvelles énergies du LHC ". 

Les découvertes qui font les gros titres sont rares. La plupart du temps, les chercheurs avancent à petits pas, accumulant chaque jour de nouvelles observations. " Cela ne me dérange pas de savoir que mes résultats ne feront pas la une des journaux carje sais qu'au sein de la communauté de la physique des particules, mes travaux sont importants et c'est ce qui compte ", explique Sneha Malde de l'expérience LHCb.

Pour Anne-Marie Magnan, physicienne à CMS, ce sont ses collègues qui la stimulent. " Nous avons des délais à respecter, aussi, lorsque vous collaborez à une analyse, vos collègues vous poussent à avancer. De la même façon, vous vous mettez la pression parce que vous voulez obtenir des résultats.Lorsque vous faites partie d'un comité d'examen, vous devez respecter des délais et partager vos observations. De même, si vous dirigez un sous-groupe, vous êtes responsable des résultats présentés lors de conférences.Ainsi, vous poussez les autres à progresser, et les autres vous poussent à leur tour ", explique-t-elle.

Anne-Marie analyse des données à la recherche de bosons de Higgs. " Je fais surtout de la programmation, explique-t-elle, Je suis en contact avec de nombreuses personnes. Je communique par Skype avec des étudiants et, lorsqu'ils ont un problème, nous essayons de le résoudre ensemble.J'ai également été coordinatrice d'un sous-groupe, et mon rôle était d'encourager les membres de l'équipe à progresser et de commenter leurs analyses ".

Il faut faire preuve de patience avant que nos recherches ne donnent des résultats.Et même lorsque nous avançons, il y a chaque jour de nouveaux problèmes techniques à résoudre ", explique Leticia Cunqueiro Mendez, post-doctorante à ALICE.

Tisser des liens : la clé du succès

Tous ces petits résultats sont détaillés dans des articles scientifiques. Au CERN, ces articles sont souvent signés par des centaines, voire des milliers de personnes, comme ce fut le cas de ceux annonçant la découverte du boson de Higgs. Et il ne s'agit pas uniquement de physiciens expérimentateurs, mais également d'étudiants, de techniciens, d'ingénieurs et d'informaticiens.

Avoir une forte motivation ne suffit toutefois pas ; la collaboration est la véritable clé du succès. 

Ici au CERN, nous avons tous besoin les uns des autres, explique Siegfried Foertsch. Un physicien ne peut se passer de l'aide d'un ingénieur et vice-versa. Nous travaillons en symbiose.

"J'ai un très grand respect pour la contribution des techniciens à la physique expérimentale. Ce sont en quelque sorte les héros cachés de notre domaine", poursuit David Francis, responsable du système de déclenchement et d'acquisition de données de l'expérience ATLAS.

Pour Leticia Cunqueiro Mendez, "L'important est de connaître les possibilités de votre détecteur et d'avoir une idée de ce qui peut être intéressant à observer en physique.Pour cela, il est nécessaire d'interagir avec les théoriciens, ce qui signifie, en principe, lire leurs articles et assister à leurs conférences.Ici au CERN, vous pouvez rencontrer vos collègues théoriciens autour d'un café pour discuter de vos idées ".

Am stram gram

Si travailler avec les autres peut aboutir à une collaboration, cela peut aussi donner lieu à de la compétition. Il y a en effet une certaine fierté à faire une découverte avant les autres. 


Sneha Malde dans le couloir, devant la porte de son bureau au CERN. (Photo: Maximilien Brice/CERN)

Si ATLAS et CMS mènent des recherches similaires, LHCb et ALICE s'intéressent à des domaines d'études particuliers ; le travail des physiciens est donc différent.

Les physiciens analysent les données à la recherche de pics statistiques. C'est ce qu'ils appellent " rechercher des bosses ". En effet, la présence d'une " bosse " pourrait indiquer l'existence d'une nouvelle particule. ATLAS et CMS s'efforcent de trouver de nouvelles particules, et donc des bosses inattendues dans leurs graphiques. LHCb et ALICE, de leurs côtés, essaient plutôt de mesurer avec précision le phénomène, plus que les particules.

Je ne pense pas que j'aimerais me trouver devant des graphiques vides, ce qui peut arriver lorsqu'on recherche des bosses et que l'on ne trouve rien de nouveau, plaisante Sneha Malde. J'aime la précision avec laquelle on mesure les données à LHCb ".

Étudier et rechercher des choses différentes signifie que les graphiques de chaque expérience sont très différents. 

"J'aime voir des choses évidentes dans mes graphiques. J'aime y voir de belles et grandes bosses. Nous avons de nombreuses bosses qui ne disparaissent pas et forment de véritables pics. Ce ne sont pas des bosses, ce sont des montagnes !" - Sneha Malde, analyste à LHCb.

Anatoli Romaniouk, physicien à ATLAS, s'émerveille de la variété des expériences LHC qui, selon lui, couvrent un territoire incroyable en physique et s'intéressent à tout.

" C'est de la physique ; si nous savions ce que nous cherchions, nous n'aurions plus besoin d'expériences.Si vous savez exactement ce que vous souhaitez trouver, cela signifie que cela a déjà été trouvé, ou que cela le sera bientôt.Ces expériences couvrent un territoire incroyable en physique, voilà pourquoi elles sont si belles. Le LHC cherche tout ", explique Anatolli.

La beauté de l'inconnu

L'attrait de l'inconnu excite la curiosité des physiciens et les pousse dans leurs analyses.

Lorsque vous avez en tête une théorie et que vous êtes convaincu qu'elle pourrait devenir réalité, alors vous commencez à penser à la meilleure façon de la rechercher et de la trouver ", explique Nadjieh Jafari, physicienne à CMS. " Vous construisez votre expérience sur des théories. Le système à muons de CMS a été conçu pour découvrir le boson de Higgs, mais au moment de sa conception, le Higgs n'était qu'une idée.C'est ce que je trouve de plus beau dans notre profession ".
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