L'appariement temporel d'événements conditionne leur lien mnésique, ce qui permet d'agir en conséquence au bon moment. L'équipe de Valérie Doyère à l'Institut des neurosciences de Paris-Saclay, en collaboration avec des chercheurs de la
New York (New York , en anglais New York City (officiellement, City of New York) pour la distinguer de...) University (USA), révèle l'implication d'un
réseau (Un réseau informatique est un ensemble d'équipements reliés entre eux pour échanger des...) neuronal dans la mise en place d'une plasticité synaptique sous-tendant la
mémoire (D'une manière générale, la mémoire est le stockage de l'information. C'est aussi le souvenir...) de l'intervalle et l'adaptation de l'attente qui en résulte. Cette étude a été publiée le 9 janvier 2017 dans la revue
Nature Communications.
Figure: Illustration du modèle d'interaction entre l'amygdale et le striatum pour l'adaptation du comportement à de nouvelles règles temporelles d'arrivée d'un stimulus aversif. L'attente d'un stimulus aversif s'accompagne d'une augmentation de la synchronisation des oscillations d'activités neuronales entre le striatum et l'amygdale qui est maximale au moment attendu de son arrivée (30s ou 10s, couleur (La couleur est la perception subjective qu'a l'œil d'une ou plusieurs fréquences d'ondes...) rouge dans les graphes 3D). L'amygdale contrôle (Le mot contrôle peut avoir plusieurs sens. Il peut être employé comme synonyme d'examen, de...) la plasticité synaptique cortico-striatale (représentée par des signes + dans les boutons synaptiques) lors d'un changement du moment d'arrivée d'un stimulus aversif, révélant l'interaction entre ces deux structures dans le processus d'adaptation du comportement à un nouvel intervalle (schéma d'une coupe de cerveau (Le cerveau est le principal organe du système nerveux central des animaux. Le cerveau traite...) de rat).
© Glenn Dallérac.
Le temps ou l'intervalle entre deux événements est un élément crucial dans notre vie de tous les jours, même si nous n'en sommes pas conscients. Nous le mémorisons en général très rapidement, en particulier s'il implique un événement aversif ou dangereux. Un exemple facile que nous connaissons tous est l'estimation temporelle que nous faisons lorsqu'un éclair apparaît dans le ciel et que nous attendons le coup de tonnerre qui va suivre. De même, dans des situations plus dramatiques, une estimation temporelle est mémorisée en temps de guerre entre la perception de la sirène d'alerte et celle du bruit de moteur des avions à l'attaque. Même s'ils sont stressants ou douloureux, la prédictibilité de tels événements donne la possibilité de mettre en place des comportements adaptés pour en minimiser l'impact négatif ou même les éviter. Le moment attendu de leur arrivée est un élément crucial de cette prédictibilité, car il permet d'agir au bon moment, et non trop tard ou trop tôt. Cet intervalle de temps entre un signal annonciateur et l'événement négatif doit donc être mémorisé pour qu'à l'occasion suivante, on puisse juger du temps en cours et mettre en oeuvre le comportement adapté au moment approprié. En fait, l'appariement temporel d'événements conditionne leur lien mnésique et la mémoire permet de suivre le temps qui passe et prédire les événements futurs. Les mécanismes cérébraux qui sous-tendent cette mémoire de la durée ou de l'intervalle et les processus d'attente temporelle restent peu connus et la majorité des études chez l'Homme ne donne pas accès à une analyse à haute résolution temporelle de réseaux neuronaux profonds.
Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés au rôle du réseau neuronal que forment le striatum dorsomédian, structure connue pour son implication dans le jugement temporel, et l'amygdale basolatérale, structure essentielle dans le traitement de l'aspect émotionnel des événements. Ils ont utilisé un protocole de conditionnement Pavlovien aversif chez le rat, dans lequel un son prédit l'arrivée d'un léger choc électrique sur les pattes 30 secondes après le début du son, de telle sorte qu'il se forme un comportement d'attente maximal du choc vers les 30 secondes.
Au travers de l'analyse de la synchronisation des oscillations d'activité neuronale, un changement
dynamique (Le mot dynamique est souvent employé désigner ou qualifier ce qui est relatif au mouvement. Il...) au sein de ce réseau a été mis en évidence, avec une synchronisation maximale à l'approche du moment d'arrivée du choc, similaire au comportement d'
anticipation (Au sens général du terme, une anticipation correspond à une phase où sont...). De plus, l'utilisation d'outils pharmacologiques locaux, d'électrophysiologie in vivo et d'
imagerie (L’imagerie consiste d'abord en la fabrication et le commerce des images physiques qui...) cellulaire a permis de révéler la mise en jeu d'une plasticité synaptique au sein du striatum dorsomédian qui accompagne l'adaptation de l'anticipation à une nouvelle durée (changement de l'intervalle à 10 secondes, au lieu de 30 secondes), sous contrôle de la détection du changement par l'amygdale basolatérale. L'analyse fine des
données (Dans les technologies de l'information (TI), une donnée est une description élémentaire, souvent...) a mis en évidence l'implication différentielle de ce réseau dans l'adaptation à la nouvelle durée et l'élimination de la durée initiale.
Cette étude, réalisée en collaboration avec des chercheurs de la New York University (NYU, New York, USA), dans le cadre du Laboratoire International Associé 'EmoTime' et du Partner University Fund 'Emotion & Time', apporte la première démonstration de l'importance de l'interaction entre structures au sein d'un réseau dans le contrôle d'une plasticité synaptique associée à l'adaptation à de nouvelles contraintes temporelles, en particulier en freinant l'élimination des acquis temporels. Le
paramètre (Un paramètre est au sens large un élément d'information à prendre en compte...) 'temps' étant à la clef de tout
apprentissage (L’apprentissage est l'acquisition de savoir-faire, c'est-à-dire le processus...) associatif, cette étude enrichit notre compréhension des mécanismes sous-tendant l'apprentissage et les capacités de flexibilité comportementale lors de changements de l'
environnement (L'environnement est tout ce qui nous entoure. C'est l'ensemble des éléments naturels et...), capacités sans cesse mises en jeu dans la vie de tous les jours.