Il y a 10.000 ans l'homme modifiait le climat de la Terre

Publié par Isabelle le 22/01/2017 à 12:00
Source: CORDIS-Europa
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Comment, il y a plus de 10 000 ans, les feux de forêt causés par l'homme pourraient avoir eu un impact sur le climat de la Terre.

William Ruddiman, paléoclimatologue, a récemment suggéré que l'impact des humains sur le climat de la Terre, il y a déjà des milliers d'années de cela, aurait déjà été important, en raison des émissions de carbone et de méthane générées par la combustion de biomasse et la déforestation associée aux débuts de l'agriculture. Le projet EARLYHUMANIMPACT a entrepris de vérifier cette hypothèse.

Si le réchauffement climatique entraîne une augmentation des feux de forêt, l'inverse est également vrai. Les forêts stockent environ 30 % du carbone présent à la surface de la planète et, en cas de feu de forêt, le carbone n'est pas la seule substance à avoir un impact sur le climat à être dégagée dans l'atmosphère (Le mot atmosphère peut avoir plusieurs significations :), il y a également les aérosols. Toutefois, on ne comprend encore pas complètement (Le complètement ou complètement automatique, ou encore par anglicisme complétion ou...) l'impact de ces aérosols sur le changement climatique.

Le projet EARLYHUMANIMPACT s'appuie sur l'idée que la réponse pourrait se trouver dans les livres d'histoire de la Terre. Il y a plus de 10 000 ans, l'agriculture a commencé à prospérer aux dépens des forêts, et l'équipe de projet pense que les aérosols anthropiques résultant (En mathématiques, le résultant est une notion qui s'applique à deux polynômes....) de ce processus pourraient avoir modifié le système climatique (Le système climatique est l'ensemble des interactions entre l'atmosphère, les eaux de...) mondial pour des milliers d'années.

Pour vérifier cette hypothèse, le professeur Carlo Barbante et d'autres chercheurs de l'Université de Venise ont examiné des données issues de relevés climatologiques de carottes réalisées dans les glaces et sédiments lacustres de sept continents et les a comparées avec les historiques parallèles des régimes de feu. Grâce à une nouvelle technique, ils ont identifié un marqueur moléculaire spécifique de la combustion de la biomasse, appelé lévoglucosan, capable d'enregistrer les incendies passés dans les carottes de glace et sédiments lacustres. Alors que le projet arrive bientôt à sa fin, le professeur Barbante parle du processus et des principaux résultats de ses travaux.

Pourquoi avez-vous choisi d'axer vos recherches sur la reconstitution des feux ?

Le rôle des aérosols dans le système climatique est encore mal compris, et on en sait encore moins sur le rôle relatif de la combustion de biomasse.

Le feu affecte le système climatique en libérant du carbone qui, sinon, serait stocké dans la végétation ligneuse. Il contribue aux niveaux de plusieurs aérosols et gaz atmosphériques dans l'air et est une cause importante de leur variabilité au fil des ans. Il a également un impact sur le climat régional et mondial, par le biais d'émissions de gaz à effet de serre (L'effet de serre est un processus naturel qui, pour une absorption donnée d'énergie...), principalement le dioxyde de carbone (Le dioxyde de carbone, communément appelé gaz carbonique ou anhydride carbonique, est un...) et le méthane.

La diminution de la couverture des forêts, qui a commencé autour de 7 000 à 5 000 ans avant le présent, peut être liée aux premières activités agricoles, y compris au défrichement des forêts par le feu, qui devrait laisser un signal quantifiable dans les proxies climatiques. Grâce à cette subvention avancée du CER, notre but est d'apporter un aperçu général de l'interaction (Une interaction est un échange d'information, d'affects ou d'énergie entre deux agents au sein...) entre le climat et les activités humaines, en particulier avec l'essor de l'agriculture, ainsi que le rôle des aérosols dans le temps.

Comment expliquez-vous que nous en sachions si peu sur l'influence passée des aérosols sur le changement climatique ?

Il est possible que les aérosols naturels et produits par l'homme aient modifié le système climatique mondial pour des milliers d'années, comme le suggère la comparaison entre les concentrations de gaz à effet de serre de la fin de l'Holocène à celles des précédentes périodes interglaciaires. Aujourd'hui, les activités humaines, y compris la combustion de carburants fossiles, modifient la composition de l'atmosphère et le système climatique mondial à une vitesse supérieure à ce qui a jamais été enregistré au cours des temps géologiques.

Le problème est que, dans la plupart des archives climatiques et environnementales étudiées par les paléoclimatologues (par exemple, les anneaux de croissance des arbres et les enregistrements marins et terrestres), il est difficile d'identifier les fonctions de transfert qui relient de manière pertinente la concentration d'un marqueur spécifique présent dans l'enregistrement à son occurrence atmosphérique dans le passé. Il est donc essentiel d'examiner la composition atmosphérique passée en utilisant des enregistrements paléoclimatiques et de proxies adaptés dont on connaît les relations de cause à effet.

Comment avez-vous fait pour vérifier l'hypothèse de M. Ruddiman ?

Son hypothèse est centrée sur l'observation (L’observation est l’action de suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les...) du fait que les niveaux de dioxyde de carbone et de méthane dans l'atmosphère étaient à leur minima autour de 7 000 à 5 000 ans avant nos jours, respectivement, avant d'augmenter lentement jusqu'à l'élévation soudaine d'émissions de gaz à effet de serre causée par la révolution industrielle. L'augmentation des émissions de méthane est attribuée à la combustion de biomasse et à la culture (La Culture est une civilisation pan-galactique inventée par Iain M. Banks au travers de ses...) du riz dans les régions tropicales. L'augmentation du dioxyde de carbone est plus difficile à attribuer à l'activité (Le terme d'activité peut désigner une profession.) humaine, mais M. Ruddiman soutient que la déforestation et la combustion de la biomasse peuvent constituer un facteur clé.

Les enregistrements de proxies effectués par le biais de carottes de glace et de sédiments lacustres apportent des données quantifiables sur les régimes de feu passés sur toutes les échelles spatiales et temporelles possibles. Notre objectif est de quantifier les changements temporels et spatiaux dans la combustion de biomasse de l'Holocène dans les enregistrements de carottes de glace et de sédiments lacustres de sept continents, qui correspondent aux lieux d'apparition des premières activités agricoles. Pour cela, nous avons développé une nouvelle technique permettant de mesurer un marqueur moléculaire de la combustion de la biomasse (lévoglucosan, 1,6-anhydro-ß-D-glucopyranose), présent partout dans le monde, dans les carottes de glace et les sédiments lacustres. Nous avons complété ces analyses pyrochimiques par une preuve palynologique de l'impact des régimes de feu passés.

Quelles sont les principales conclusions du projet jusqu'à présent ?

Par exemple, des études récentes de la calotte glaciaire du Groenland ont montré que les changements climatiques, y compris l'ensoleillement et la température (La température est une grandeur physique mesurée à l'aide d'un thermomètre et...) estivaux dans l'hémisphère Nord, ont un impact sur l'activité des feux en zone boréale sur des milliers d'années.

Les résultats de notre reconstitution des feux durant l'Holocène montrent un important pic d'activité des feux il y a 3000 à 2000 ans. Toutefois, les températures de l'hémisphère Nord notamment pendant la saison des incendies d'été restent stables ou diminuent durant la période comprise entre 3000 et 2000 ans avant nos jours. Par conséquent, les principaux paramètres climatiques et changements environnementaux n'expliquent pas à eux seuls le fait que le flux de lévoglucosan ait atteint le Groenland entre le milieu et la fin de l'Holocène.

Face à l'absence de contrôle climatique plausible de ce schéma, et au manque de preuve paléoclimatique d'un éventuel changement climatique mondial synchrone durant cette période, nous pensons que l'activité humaine associée à l'agriculture et au défrichement constitue l'explication la plus probable des tendances observées dans l'activité des feux pendant la fin de l'Holocène. Le fait que la déforestation étendue en Europe il y a 2500 à 2000 ans corresponde au pic de feu décelé par le lévoglucosan au Groenland témoigne du fait que la présence de l'homme avait déjà un impact quantifiable sur l'environnement (L'environnement est tout ce qui nous entoure. C'est l'ensemble des éléments naturels et...) dès 4000 ans avant le présent.

Avez-vous réussi à différencier les incendies naturels et dus à l'homme ?

Il s'agit certainement de l'une des tâches les plus difficiles du projet de recherche, et nous y travaillons encore. Les liens entre la combustion de biomasse et l'intensification de l'agriculture (et donc l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre tels que dioxyde de carbone et méthane), et la prolongation du climat interglaciaire, ne sont valables que si les augmentations de combustion mesurées démontrent une relation quantifiable avec une élévation la température, telle qu'on peut la mesurer dans les carottes de glace. En outre, les carottes de sédiments lacustres contiennent des éléments palynologiques qui prouvent l'existence de feux d'origine humaine, avec un indice de pollen anthropologique et des indicateurs de pollen de culture sur brûlis, et la présence d'espèces tolérantes au feu suggère des incendies fréquents et des changements dans l'influx de pollen arboricole.

De par leur nature multi-proxies, les carottes de glace et de sédiments lacustres constituent le matériau idéal pour étudier les liens entre les premières activités agricoles et le changement climatique puisque la température, les preuves palynologiques et le lévoglucosan sont mesurés simultanément et à la même profondeur dans la matrice environnante.

Quelles sont les activités prévues jusqu'à la fin du projet et après ?

Nos activités actuelles portent sur un aspect du projet qui n'était pas prévu initialement dans la mise en œuvre de la proposition. Nous proposons de nouveaux proxies moléculaires organiques pour reconstituer les évènements d'incendie liés à l'activité de l'homme. Des stérols fécaux et un ensemble d'hydrocarbures aromatiques polycycliques ont été individualisés et testés comme marqueurs moléculaires de la présence de l'homme et des feux, en complément du lévoglucosan que nous utilisons déjà. Ces proxies offrent un fort potentiel pour les reconstitutions paléoclimatiques et nous projetons de poursuivre cet axe de recherche. Cette subvention du CER a offert une excellente opportunité d'étudier un pan mal compris et souvent négligé du système climatique.

Pour plus d'information voir: projet EARLYHUMANIMPACT
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