Les recettes de l'art Levantin en partie dévoilées

Publié par Isabelle le 19/03/2017 à 00:00
Source: CNRS-INEE
1
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Les peintures rupestres en lien avec cette forme d'art préhistorique localisée dans l'est de l'Espagne conservaient jusqu'ici une part de mystère quant aux techniques employées pour les réaliser. Dans une étude publiée récemment dans la revue PLOS ONE, une équipe constituée d'archéologues de l'Unité Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACES, CNRS / Université (Une université est un établissement d'enseignement supérieur dont l'objectif est la...) Toulouse Jean Jaurès / Ministère de la culture (La Culture est une civilisation pan-galactique inventée par Iain M. Banks au travers de ses...) et de la communication) et de l'Université de Valence (Espagne) apportent de nouveaux éléments à ce sujet. En combinant l'analyse physico-chimique, la paléobotanique (La paléobotanique (du grec paleon = ancien et botanikos = relatif aux herbes) est une branche...) et l'archéologie expérimentale ( En art, il s'agit d'approches de création basées sur une remise en question des dogmes...), les chercheurs ont en effet démontré que les peintures de l'abri sous roche de Les Dogues, dans la province de Castellón, étaient constituées d'un mélange (Un mélange est une association de deux ou plusieurs substances solides, liquides ou gazeuses...) de charbon de bois (Le charbon de bois est obtenu en carbonisant du bois en atmosphère contrôlée (en...) provenant de plantes diverses et d'une ou plusieurs substances agglutinantes. Cette démarche scientifique (Un scientifique est une personne qui se consacre à l'étude d'une science ou des sciences et qui...) inédite offre de nouvelles perspectives dans la compréhension du savoir-faire associé à la préparation des pigments levantins et la possibilité d'obtenir leur datation par le radiocarbone.


Scène de guerre associée à l'Art Levantin représentée dans l'abri de Les Dogues.
L'art Levantin regroupe un ensemble (En théorie des ensembles, un ensemble désigne intuitivement une collection...) de représentations rupestres réalisées probablement entre le VIème et le IIIème millénaire (Un millénaire est une période de mille années, c'est-à-dire de dix siècles.) avant le présent dans les abris sous-roche de l'arc méditerranéen ibérique. A ce jour, plus de 700 sites ornés de ce genre ont été répertoriés. Bien que ces scènes de la vie quotidienne des sociétés néolithiques soient étudiées depuis de nombreuses années par les archéologues, la technique d'élaboration des pigments employée fait encore débat. Les préhistoriens ont longtemps pensé que le pigment noir de l'art Levantin était obtenu à partir du manganèse (Le manganèse est un élément chimique, de symbole Mn et de numéro atomique 25.). Une première étude des peintures noires de l'abri sous roche de Cova Remigia (Castellón), menée en 2014 par ces mêmes chercheurs du CNRS et de l'Université de Valence, a toutefois permis de démontrer que les pigments qui les constituaient n'étaient pas d'origine minérale mais organique (La chimie organique est une branche de la chimie concernant la description et l'étude d'une grande...).

Récemment, l'équipe franco-espagnole a pu poursuivre ses investigations à l'aide d'un nouveau protocole multidisciplinaire dédié à l'étude des pigments préhistoriques. La méthodologie en question combine l'analyse physico-chimique (spectrométrie de fluorescence des rayons X, Spectrométrie Raman, microanalyse X EDS associée au microscope électronique (Un microscope électronique est un type de microscope qui utilise un faisceau de particules...) à balayage), la paléobotanique (anthracologie) et l'archéologie expérimentale. Après avoir constaté par spectrométrie que les pigments noirs de l'abri sous roche de Les Dogues étaient constitués de charbon de bois, les chercheurs ont eu l'opportunité d'étudier quelques échantillons de peintures au microscope électronique. L'analyse des structures végétales conservées dans ces échantillons a permis d'identifier des cellules de conifères et de plantes à fleurs qui semblaient remplies d'une substance épaisse. "Cela suggère d'une part que le charbon de bois qui a servi à élaborer ces pigments a subi un processus mécanique intense de transformation et d'autre part qu'une substance agglutinante qui se révèle indétectable au spectromètre (Un spectromètre est un appareil de mesure permettant de décomposer une quantité...) Raman entre dans la composition de ces mêmes pigments", précise Esther López-Montalvo, archéologue dans l'unité TRACES et cosignataire de l'article.

Pour vérifier leurs hypothèses, les chercheurs ont reproduit de façon expérimentale différentes formes de chaînes opératoires. La plus simple a consisté en la fabrication d'un crayon en charbon de bois. La seconde, plus complexe, a débuté par le broyage intense de charbons de bois d'espèces végétales similaires à celles identifiées dans les pigments de Les Dogues. A partir de la poudre ainsi obtenue, les chercheurs ont ensuite élaboré plusieurs "recettes" de pigments en y intégrant différents types de liants susceptibles d'avoir été utilisés par les sociétés néolithiques (oeufs, graisse animale, miel,...) ou en y ajoutant simplement de l'eau. Chacune de ces préparations a ensuite été appliquée sur une paroi calcaire (Les calcaires sont des roches sédimentaires, troisièmes plus abondantes après les...) identique à celle de l'abri sous roche. Résultat: après quelques jours seuls les pigments combinés à des substances agglutinantes graisseuses adhéraient encore à la paroi. La comparaison microscopique de la granulométrie et de l'état des cellules végétales des échantillons expérimentaux avec les échantillons préhistoriques a finalement permis de confirmer que le broyage intense et l'utilisation d'un agglutinant constituaient bien deux étapes clés de l'élaboration des pigments noirs levantins. "En confirmant pour la première fois la présence de charbons de bois et la nature des espèces végétales ayant servies à leur élaboration, nos travaux montrent qu'il est possible de dater les peintures de l'art Levantin à partir du radiocarbone, analyse Esther López-Montalvo. En révélant qu'un agglutinant, sans doute constitué de graisse animale ou végétale, avait été employé par les artistes de l'époque pour améliorer l'adhérence du pigment au support, notre étude remet par ailleurs en question la simplicité technique qui était jusqu'ici associée à l'élaboration de ces pigments."


Analyse par spectrométrie Raman d'un archer figurant sur l'une des scènes de guerre du site de Les Dogues.

Référence:
Identification of plant cells in black pigments of prehistoric Spanish Levantine rock art by means of a multi-analytical approach. A new method for social identity materialization using chaîne opératoire, parEsther López-Montalvo, Clodoaldo Roldán, Ernestina Badal, Sonia Murcia-Mascarós et Valentín Villaverde, publié dans PLOS ONE le 16 février 2017.
DOI: http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0172225

Contact chercheur:
Esther López-Montalvo, Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACES) - CNRS / Université Toulouse Jean Jaurès / Ministère de la culture et de la communication

Contact communication:
Stéphanie Delaguette , Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACES) - CNRS / Université Toulouse Jean Jaurès / Ministère de la culture et de la communication
Page générée en 0.349 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise