Quand le cerf porte ombrage au trille

Publié par Adrien le 26/04/2017 à 00:00
Source: Jean Hamann - Université Laval
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Photo: Trille blanc par Charles de Mille-Isles
Au Québec, les trilles blancs se font plus rares et plus petits dans les régions où le cerf de Virginie est abondant.
Le trille blanc se fait petit en présence du cerf de Virginie

Le trille blanc ne fait pas bon ménage avec le cerf de Virginie. En effet, selon une étude publiée récemment dans Botany, les trilles auraient une plus petite surface foliaire dans les milieux où la densité de cerfs est élevée. Cette réduction, qui témoigne d'une diminution de la taille générale des plants, pourrait menacer la survie de certaines populations de trilles blancs, avancent les auteurs de l'étude.

Jean Dubé et Claude Lavoie, de l'École supérieure d'aménagement du territoire et de développement régional et du CRAD, et leurs collègues Marie-Pierre Beauvais et Stéphanie Pellerin, de l'Institut de recherche en biologie végétale de l'Université de Montréal, arrivent à ce constat après avoir mesuré la surface foliaire de près de 2 800 spécimens de trilles blancs. "La superficie des feuilles d'un trille constitue un bon indice de sa taille globale, explique Claude Lavoie. Il s'agit d'une caractéristique importante parce que plus la surface foliaire est grande, plus une plante est en mesure de faire de la photosynthèse pour répondre à ses besoins liés à la croissance et à la reproduction. De plus, le nombre de graines produites par un trille est proportionnel à sa taille."

Au Québec, le trille blanc se retrouve exclusivement dans les érablières du sud de la province. Cette plante printanière, qui met 17 ans avant de commencer à se reproduire, a été désignée "espèce vulnérable" en raison de sa raréfaction attribuable en partie au broutage par le cerf. "Un broutage unique ne tue pas la plante, mais il en stoppe la croissance et il l'empêche de se reproduire cette année-là. Un broutage qui se répète d'année en année affaiblit la plante et peut conduire à sa mort", souligne le professeur Lavoie.

Pour mieux documenter le lien entre la taille des trilles et l'abondance des cerfs, les chercheurs ont d'abord mesuré la surface foliaire de quelque 700 spécimens d'herbier collectionnés au cours de 170 dernières années. "Environ 85% de ces spécimens ont été récoltés avant 1980, soit lorsque le cerf était encore rare dans le sud du Québec. Ceci nous permet d'étudier la surface foliaire des trilles lorsque le cerf était rare ou peu abondant", précise Claude Lavoie. Les chercheurs se sont aussi rendus sur le terrain en 2013 et 2014 pour mesurer la surface foliaire de quelque 2 100 trilles vivant dans des milieux naturels où le cerf était abondant - plus de 8 individus/km2 - ainsi que dans des parcs urbains de Montréal où il était absent.

Les analyses montrent que, dans les milieux avec cerfs, 90% des plants ont une surface foliaire inférieure à 90 cm2. Du côté des spécimens d'herbier et des trilles de milieux urbains, ce taux est nettement plus bas: il s'établit à 60% et à 40% respectivement. De plus, dans les milieux avec cerfs, les chercheurs n'ont observé aucun spécimen ayant une surface foliaire de plus de 200 cm2, alors qu'il est courant d'en trouver dans les herbiers. Certains spécimens conservés dans les collections font même plus de 300 cm2. "On ne connaît pas l'importance des spécimens de grande taille dans le maintien à long terme des populations de trilles blancs, mais leur disparition, qui semble attribuable aux cerfs, cause un appauvrissement de la diversité naturelle de cette espèce au Québec, souligne le professeur Lavoie. On se retrouve maintenant avec des populations dominées par des trilles de petite taille, qui produisent moins de graines et dont la survie pourrait être compromise."

L'originalité de cette étude sur le trille blanc est qu'elle repose en partie sur des spécimens d'herbier, fait valoir le professeur Lavoie. "Bien des gens croient que les herbiers ne servent qu'à identifier des plantes, mais comme le démontrent nos travaux, ils permettent aussi d'étudier des questions très actuelles en écologie végétale." Malheureusement, déplore-t-il, depuis une quarantaine d'années, l'herborisation est en perte de vitesse et peu de nouveaux spécimens s'ajoutent aux collections. "Les herbiers sont dans une situation comparable à une bibliothèque qui aurait cessé de faire des acquisitions. Si des spécimens contemporains ne sont pas ajoutés aux collections existantes, les herbiers ne pourront pas maintenir leur valeur comme outil de recherche."
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