ALMA découvre un ingrédient de la vie autour de jeunes Soleils

Publié par Adrien le 12/06/2017 à 00:00
Source: ESO
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ALMA a observé des étoiles de type Soleil au tout premier stade de leur existence et découvert des traces d'isocyanate de méthyle - un élément chimique nécessaire à la vie. Il s'agit de la toute première détection de cette molécule prébiotique à proximité de protoétoiles de type solaire, semblables à celle à partir de laquelle notre Système Solaire a évolué. Cette découverte pourrait permettre aux astronomes de mieux comprendre les conditions d'émergence de la vie sur Terre.


Deux équipes d'astronomes ont exploité le potentiel du Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA) au Chili pour détecter une molécule organique complexe prébiotique, l'isocyanate de méthyle (1) au sein du système d'étoiles multiples baptisé IRAS 16293-2422. L'une des deux équipes était menée par Rafael Martín-Doménech du Centre d'Astrobiologie de Madrid en Espagne et Víctor M. Rivilla de l'INAF-Observatoire Astrophysique d'Arcetri à Florence en Italie ; la seconde équipe était emmenée par Niels Ligterink de l'Observatoire de Leiden aux Pays-Bas et Audrey Coutens de l'University College de Londres au Royaume-Uni.

"Ce système d'étoiles semble riche de découvertes ! Après y avoir détecté des sucres, nous venons d'y trouver de l'isocyanate de méthyle. Cette famille de molécules organiques est impliquée dans la synthèse de peptides et d'acides aminés qui, sous la forme de protéines, constituent les éléments de base de la vie telle que nous la connaissons", précisent Niels Ligterink et Audrey Coutens (2).

L'énorme potentiel d'ALMA a permis aux deux équipes d'observer la molécule à plusieurs longueurs d'ondes caractéristiques et différentes du spectre radio (3). Les seules et uniques traces de cet élément chimique ont été localisées au sein des régions internes, denses et chaudes, du cocon de gaz et de poussière qui entoure les jeunes étoiles au tout premier stade de leur existence. Chaque équipe a identifié et isolé les signatures de la molécule organique complexe d'isocyanate de méthyle (4). Puis, la modélisation numérique chimique et diverses expériences de laboratoire leur ont permis d'affiner notre compréhension de l'origine de la molécule (5).

IRAS 16293-2422 est un système multiple composé de très jeunes étoiles, situé à quelque 400 années-lumière de la Terre dans une vaste région de formation stellaire baptisée Rho Ophiuchi dans la constellation d'Ophiuchus (Le Serpentaire). Les résultats nouvellement acquis par ALMA indiquent que du gaz d'isocyanate de méthyle entoure chacune de ces jeunes étoiles.

La Terre et les autres planètes du Système Solaire se sont constituées à partir des restes de la nébuleuse solaire. L'étude des protoétoiles de type solaire est donc susceptible de renseigner les astronomes su lers conditions ayant prévalu à la formation notre Système Solaire, voici plus de 4,5 milliards d'années.

Rafael Martín-Doménech et Víctor M. Rivilla, auteurs principaux de l'un des articles, ajoutent: "Nous sommes particulièrement enthousiasmés du résultat obtenu: ces protoétoiles sont en de nombreux points semblables au jeune Soleil, en effet, et les conditions semblent réunies pour que des planètes de type Terre se forment. La détection de ces molécules prébiotiques apporte un nouvel élément de compréhension des conditions d'émergence de la vie sur notre planète".

Niels Ligterink se réjouit des résultats obtenus en laboratoire. "Détecter ces molécules constitue une première étape. Comprendre leur processus de formation, un pas supplémentaire. Nos expériences de laboratoire indiquent que l'isocyanate de méthyle peut se former sur des particules de glace à des températures très basses, semblables à celles qui règnent au sein du milieu interstellaire. Ce résultat laisse à penser que cette molécule - et donc la base des liaisons peptidiques - est certainement présente dans l'environnement proche de la plupart des jeunes étoiles de type solaire."

Notes

(1) En astrochimie, une molécule organique complexe se compose d'au moins six atomes, dont un atome de carbone. L'isocyanate de méthyle renferme des atomes de carbone, d'hydrogène, d'azote et d'oxygène, et adopte la configuration chimique suivante: CH3NCO. Très toxique, cette substance fut la cause principale de décès après le tragique accident chimique de Bhopal survenu en 1984.

(2) Ce système avait fait l'objet d'observations antérieures au moyen d'ALMA en 2012. Des molécules de sucre, ou glycolaldehyde, un autre ingrédient de la vie, avaient alors été détectées.

(3) L'équipe emmenée par  Rafael Martín-Doménech a utilisé des données d'archive ainsi que de nouvelles données concernant la protoétoile, étendues sur une vaste gamme de longueurs d'ondes - les bandes réceptrices 3, 4 et 6 d'ALMA. Niels Ligterink et ses collègues ont utilisé des données du Sondage Interférométrique Protostellaire (PILS) effectué au moyen d'ALMA et destiné à cartographier la complexité chimique du système IRAS 16293-2422 en imageant le domaine de longueurs d'onde couvert par la bande 7 d'ALMA à de très petites échelles, équivalentes à la taille de notre Système Solaire.

(4) Les équipes ont effectué des analyses spectrographiques de la lumière émise par la protoétoile afin d'en déterminer les composants chimiques. La quantité - ou abondance - d'isocyanate de méthyle détectée - comparée à l'abondance en hydrogène moléculaire ou en d'autres éléments traceurs est comparable à celle ayant fait l'objet de détections antérieures autour de protoétoiles massives - au sein des noyaux moléculaires massifs de Orion KL et Sagittarius B2 Nord, en l'occurrence.

(5) L'équipe de Martín-Doménech a modélisé la formation gaz-grain chimique d'isocyanate de méthyle. L'abondance observée de la molécule pourrait s'expliquer par la chimie s'opérant à la surface des grains de poussière dans l'espace, suivie de réactions chimiques en phase gazeuse. En outre, l'équipe de Ligterink a démontré que la molécule peut se former à des températures extrêmement basses, typiques du milieu interstellaire, jusqu'à 15 Kelvin (-258 degrés Celsius), au moyen d'expériences cryogéniques réalisées dans un vide quasi parfait dans leur laboratoire de Leiden.
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