Pourquoi la chantilly retombe-t-elle ?

Publié par Redbran le 17/12/2017 à 12:00
Source: CNRS-INP
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La crème Chantilly ou la mousse de bitume sont deux exemples de mousses complexes, des mousses d'émulsion, qui ne sont pas stables au cours du temps. Dans ces systèmes, à la fois la mousse et l'émulsion sont susceptibles de vieillir. L'évolution couplée, au cours du temps, a été caractérisée par une équipe du Laboratoire de physique des solides (CNRS, Université (Une université est un établissement d'enseignement supérieur dont l'objectif est la...) Paris-Sud, Université Paris-Saclay). Leurs travaux ont été publiés dans la revue Soft Matter.

Les ingrédients d'une mousse d'émulsion mêlent ceux de l'émulsion, typiquement des gouttes d'huile dispersées dans de l'eau, et ceux de la mousse, typiquement des bulles de gaz entourées de liquide. Dans les deux cas (émulsion et mousse), il y a un autre élément essentiel qui est le produit tensioactif (Un tensioactif ou agent de surface est un composé qui modifie la tension superficielle entre deux...), qui sépare les deux phases et régit la formation des gouttes ou des bulles. Ni une mousse, ni une émulsion ne sont stables au cours du temps et sous l'effet de la gravité (La gravitation est une des quatre interactions fondamentales de la physique.), il y a un mouvement de la phase (Le mot phase peut avoir plusieurs significations, il employé dans plusieurs domaines et...) la plus lourde (l'eau de l'émulsion ou le liquide de la mousse) vers le bas. La crème Chantilly est une mousse d'émulsion car la crème (fraîche) est une émulsion et la crème Chantilly est obtenue en injectant du gaz dans de la crème, par exemple avec un siphon. Il est bien connu qu'elle est instable et tend à retomber: sous l'effet de la gravité, la crème, plus dense que le gaz des bulles, coule (drainage), mais également, au sein de la crème les gouttes d'huile, moins denses que l'eau, ne demandent qu'à remonter (écrémage).

La compréhension d'un tel système commence donc par l'étude de l'évolution couplée de la mousse et de l'émulsion et c'est pour pallier le manque de modèles décrivant ce type d'évolution couplée que des chercheurs du Laboratoire de physique des solides ont étudié des mousses d'émulsion modèles.


Figure 1 – (a) Photo d'une mousse d'émulsion obtenue au microscope confocal avec les gouttes d'huile en rouge et l'eau en bleu. Les bulles sont noires. (b) Schéma du dispositif expérimental: la conductivité de la mousse est mesurée à différentes hauteurs (1, 2) et des photos de la surface (Une surface désigne généralement la couche superficielle d'un objet. Le terme a...) sont prises avec un objectif télécentrique à travers un prisme à ces mêmes hauteurs. La quantification de la fraction liquide de la mousse se fait à partir du traitement des images obtenues.

Ces mousses modèles sont fabriquées à partir d'huile de colza et d'eau avec un tensioactif. Ces systèmes comportent donc trois phases fluides (Figure 1.a) réparties dans d'une part la fraction gazeuse de la mousse (fluide 1) et d'autre part la fraction liquide de la mousse qui comprend l'eau avec le tensioactif (fluide 2) et les gouttes d'huile (fluide 3). Les proportions relatives de ces trois fluides sont obtenues en combinant de l'analyse d'images en surface des mousses et des mesures de conductivité (Figure 1.b) et leur évolution a été suivie pour des mousses préparées à partir des émulsions à différentes fractions d'huile (mousses plus ou moins grasses). Trois étapes ont été mises en évidence (Figure 2). La première étape (T1) correspond à la stabilisation de la mousse avec un fort réarrangement des bulles et un drainage rapide de l'émulsion de façon homogène. La deuxième étape (T2) correspond à un drainage lent avec augmentation de la taille des bulles et diminution de la fraction liquide de la mousse.

Le temps caractéristique de ce drainage varie fortement avec la fraction d'huile: plus la mousse est grasse, plus ce temps est grand car les émulsions plus grasses sont plus visqueuses et coulent plus lentement dans les canaux de la mousse. Le drainage ralentit et finit par cesser en raison des propriétés rhéologiques particulières des émulsions: leur viscosité diminue lorsqu'elles sont soumises au cisaillement. Ici le ralentissement (Le signal de ralentissement (de type SNCF) annonce une aiguille (ou plusieurs) en position déviée...) du liquide diminue le cisaillement et provoque l'augmentation de la viscosité, jusqu'à l'arrêt. Dans la troisième étape (T3), le drainage est stoppé et laisse place à l'écrémage: la fraction liquide est stabilisée alors que la fraction d'huile augmente. Enfin, la mousse s'effondre sous l'effet de la pression (La pression est une notion physique fondamentale. On peut la voir comme une force rapportée...) des gouttes d'huile qui arrivent à percer les parois liquides des bulles.


Figure 2 - Résultats obtenus pour une mousse d'émulsion modèle contenant initialement 30% de matière grasse de manière homogène. Les triangles noirs représentent l'évolution de la fraction liquide dans la mousse tandis que les points rouges représentent l'évolution de la fraction d'huile dans l'émulsion.

Ces travaux novateurs ont permis de discriminer pour chacune de ces trois étapes quels sont les paramètres permettant d'avoir une mousse d'émulsion la plus stable possible. Si l'on revient à la crème Chantilly, on comprend qu'il faille préférer une crème fraîche grasse et visqueuse: l'écoulement est ralenti et la dernière étape de déstabilisation retardé. De telles études permettront à l'avenir de quantifier l'évolution des fractions des trois fluides et ainsi de mieux comprendre le vieillissement des mousses d'émulsion dans différents domaines (produits alimentaires, cosmétiques, matériaux (Un matériau est une matière d'origine naturelle ou artificielle que l'homme façonne pour en...) ...) où ce type de matériau (Un matériau est une matière d'origine naturelle ou artificielle que l'homme façonne...) est essentiel car il permet de stabiliser des mousses à base d'huile et est de plus en plus utilisé.

Référence publication:
Foamed emulsion drainage: flow and trapping of drops
M. Schneider, Z. Zou, D. Langevin et A. Salonen
Soft Matter (2017), doi: 10.1039/C7SM00506G

Contact chercheur:
Anniina Salonen, enseignant-chercheur à l'Université Paris-Sud et au LPS

Informations complémentaires:
Laboratoire de physique des solides (LPS, CNRS/UPSud/Univ. Paris (Paris est une ville française, capitale de la France et le chef-lieu de la région...) Saclay)
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