Près de six ans après sa découverte par les expériences ATLAS et CMS auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, le boson de Higgs reste sous les feux de l'actualité dans les conférences de physique des particules. Lors des 53e Rencontres de Moriond, qui ont eu lieu du 10 au 24 mars 2018 à La Thuile, en Val d'Aoste, en Italie, ATLAS et CMS ont présenté une série de nouvelles mesures des propriétés du boson
scalaire (Un vrai scalaire est un nombre qui est indépendant du choix de la base choisie pour exprimer les...) associé au champ de Brout-Englert-Higgs. Ces résultats sont le produit de l'examen des données issues des collisions proton-proton à une
énergie (Dans le sens commun l'énergie désigne tout ce qui permet d'effectuer un travail, fabriquer de la...) de 13 TeV, réalisées au LHC en 2015 et 2016. Les ensembles de données utilisés par ATLAS et CMS contiennent chacun environ deux millions de bosons de Higgs, dont environ 10 000 étaient accessibles pour les détecteurs.
Événements de collision* enregistrés par ATLAS (à gauche) et par CMS (à droite), présentant les caractéristiques d'un Higgs produit dans les collisions proton-proton à 13 TeV (Image: à gauche - ATLAS/CERN, à droite - Tom McCauley/CMS/CERN)
Dans la mesure où toutes les particules élémentaires reçoivent leur masse par des interactions avec le champ de Brout-Englert-Higgs, étudier comment ces particules interagissent avec le boson de Higgs lui-même est de la plus haute importance. CMS et ATLAS ont étudié les différents processus de production des bosons de Higgs dans les collisions proton-proton et les différentes transformations subies ultérieurement. Leurs
observations (L’observation est l’action de suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les...) expérimentales ont présenté une bonne concordance avec les prédictions théoriques du Modèle standard de la
physique des particules (La physique des particules est la branche de la physique qui étudie les constituants...).
Quand un boson de Higgs - particule lourde et instable - est produit dans des interactions entre protons, il se transforme presque instantanément en particules plus légères et plus stables ; ces transformations peuvent faire intervenir des particules intermédiaires. Chaque mode de transformation est appelé " canal de désintégration ". Cependant, ces particules plus légères peuvent également avoir été produites par des processus connus et bien compris, qui constituent le bruit de fond sur lequel on
recherche (La recherche scientifique désigne en premier lieu l’ensemble des actions entreprises en vue...) des particules plus rares comme le boson de Higgs. Les détecteurs tels qu'ATLAS et CMS sont conçus pour identifier les produits finaux de ces désintégrations, utiliser cette information pour déterminer la particule source, produite lors des collisions, et distinguer le signal correspondant à cette particule source par rapport au bruit de fond des processus connus.
Les nouvelles données permettent aux physiciens d'examiner certains canaux de désintégration d'encore plus près, afin de mieux comprendre les lois fondamentales de l'Univers et de chercher des signes de la
physique (La physique (du grec φυσις, la nature) est étymologiquement la...) au-delà du Modèle standard. Pour cela, une voie de recherche possible consiste à s'efforcer de trouver de subtils écarts par rapport aux prédictions théoriques ; ces écarts pourraient s'expliquer, par exemple, par la présence invisible de particules de
matière noire (En astrophysique, la matière noire (ou matière sombre), traduction de l’anglais...). Pour rechercher de tels écarts, les physiciens s'attachent à deux paramètres pour les différents canaux de désintégration. Le premier est la
probabilité (La probabilité (du latin probabilitas) est une évaluation du caractère probable d'un...) qu'une particule lourde
donnée (Dans les technologies de l'information (TI), une donnée est une description élémentaire, souvent...) se désintègre en suivant un canal déterminé, plutôt qu'un autre. Ainsi, par exemple, un cinquième environ des bosons de Higgs se transforment en une paire de bosons W. Le deuxième
paramètre (Un paramètre est au sens large un élément d'information à prendre en compte...) est le
nombre (La notion de nombre en linguistique est traitée à l’article « Nombre...) même de bosons de Higgs produits dans certaines interactions entre protons ; ce paramètre est déterminé par l'étude de propriétés telles que l'impulsion et l'angle de vol des particules détectées ou par l'étude de cas où des particules supplémentaires sont produites en même temps que le boson de Higgs.
S'agissant de ces deux paramètres, ATLAS a présenté un résultat important pour deux modes de production particuliers, dont chacun concerne des désintégrations en paires de bosons W. Le nombre de bosons de Higgs comptés par ATLAS issus de ces deux modes particuliers présente une bonne conformité avec le nombre attendu d'après le Modèle standard. ATLAS a combiné ces données avec celles des deux canaux de désintégration du Higgs les plus " nets " (désintégration en paires de photons et en paires de bosons Z) et a mesuré avec une précision inédite les variations des taux de production du Higgs dans ces canaux, en mettant ceux-ci en regard de propriétés telles que l'impulsion de produits de désintégration finaux. De plus, ATLAS a présenté des résultats concernant la recherche de désintégrations de bosons de Higgs en particules hors Modèle standard - par exemple les bosons Z " sombres " - qui pourraient annoncer la découverte de particules de
matière (La matière est la substance qui compose tout corps ayant une réalité tangible. Ses...) noire. Aucun indice de désintégration en bosons Z " sombres " n'a été trouvé dans les données actuelles.
De même, CMS a examiné cinq canaux de désintégration importants (à savoir la transformation du boson de Higgs en paires de bosons W, de bosons Z, de photons, de leptons tau (τ) ou de quarks b), et a comparé les taux de production et les probabilités de désintégration suivant certains canaux aux prédictions du Modèle standard. CMS a obtenu un résultat d'environ 17 % supérieur aux prédictions, ce qui est compatible avec le Modèle standard, mais ne concorde pas parfaitement avec celui-ci ; il faudra examiner ces données de plus près et les compléter par des données supplémentaires avant de pouvoir tirer des conclusions. CMS a également effectué une recherche des désintégrations de Higgs produisant une matière " invisible ", mais n'a trouvé aucun indice de tels processus au niveau de sensibilité actuel des détecteurs.
Les deux expériences présentent des indices forts de cas où un boson de Higgs est produit en même temps qu'une paire de quarks top. L'étude de ces cas permet d'observer les interactions entre les deux particules élémentaires les plus lourdes connues à ce jour.
ATLAS et CMS ont également mesuré la masse du boson de Higgs avec une précision améliorée dans une mesure allant jusqu'à 12 %, en tirant parti du progrès des techniques d'analyse ainsi que d'ensembles de données plus volumineux, grâce à la performance exceptionnelle du LHC ces dernières années. Leurs mesures de la masse du Higgs sont respectivement 124,98 ± 0,28 GeV et 125,26 ± 0,21 GeV.
D'autres résultats provenant d'ATLAS et de CMS, ainsi que des présentations faites par ALICE et LHCb sont présentés sur les sites web de la conférence de Moriond :
Electroweak physics et
QCD physics. Les expériences du LHC préparent actuellement les détecteurs en vue des premières collisions de 2018, attendues en avril.
*Voir les images haute résolution d'ATLAS (http://cds.cern.ch/record/2309698) et CMS (https://cds.cern.ch/record/2210658).