Le CEA et ses partenaires ont mis au point un procédé pour obtenir des galettes de silicium enrichi en silicium 28 qui peuvent servir de support en vue de produire, en série, des milliers de boites quantiques. Cette étape esquisse un procédé compatible avec les chaînes de production industrielles aux normes CMOS.
Le CEA-Leti et l'Institut Nanosciences et cryogénie (Inac, CEA/UGA) ont franchi une étape importante vers la fabrication à
grande échelle (La grande échelle, aussi appelée échelle aérienne ou auto échelle, est un...) de boites quantiques (qubits), briques élémentaires des futurs processeurs de calcul quantique.
Les chercheurs ont réussi à obtenir, sur des plaques (ou galettes) de silicium, une fine couche d'isotope 28 du silicium (28Si) dont le degré de pureté est très élevé et dont la structure cristalline est d'une qualité comparable à celle des films minces généralement fabriqués à partir de silicium naturel.
Les chercheurs du CEA franchissent une étape clef pour la réalisation de bits quantiques silicium, composants élémentaires d'un processeur quantique, en série et aux standards de l'industrie microélectronique. © Jayet/CEA
Un isotope du silicium pour augmenter la fidélité des qubits
Le silicium naturel, très majoritairement composé de Si28, est couramment utilisé dans l'industrie électronique. Il contient cependant 4,67 % d'isotope 29. Or, cet isotope présente un spin
nucléaire (Le terme d'énergie nucléaire recouvre deux sens selon le contexte :) qui limite la cohérence des bits quantiques (qubits) codés sur les spins électroniques, générant des erreurs de calcul.
"C'est pour éviter les pertes de cohérence que nous mettons en œuvre nos technologies sur un silicium appauvri en 29Si. Nous avons ainsi créé, sur des plaques de silicium de 300 mm, une couche de l'ordre de 30 nm d'épaisseur dont la teneur en 29Si est inférieure à 0,006 % et dont la surface est suffisamment lisse pour subir dans de bonnes conditions les étapes successives de dépôts de matériaux, nécessaires à la fabrication de composants", explique Marc Sanquer (Inac).
Une production massive de qubit nécessaire pour les futurs processeurs
Ce résultat a été obtenu par un procédé de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) sur une plateforme pré-industrielle utilisant des galettes de silicium de
diamètre (Dans un cercle ou une sphère, le diamètre est un segment de droite passant par le centre...) 300 mm, standard largement utilisé sur les lignes de production de masse de l'industrie microélectronique. Le gaz de silicium enrichi en isotope 28 utilisé en CVD a été fourni par l'institut de chimie des substances de haute pureté de l'
Académie des sciences (Une académie des sciences est une société savante dont le rôle est de promouvoir la recherche...) de Russie, avec le soutien de la société
Air liquide (Air liquide est un groupe industriel français d'envergure internationale, leader mondial des...).
"La prochaine étape consistera à réaliser sur de tels substrats des qubits dont la fidélité devrait être nettement supérieure à celle de qubits que nous avons déjà obtenus précédemment sur silicium naturel. Et toujours au plus près du standard industriel", souligne Louis Hutin (CEA Leti). "La production massive de qubits est indispensable car un processeur électronique quantique devra intégrer de très nombreux qubits pour dépasser la performance des calculateurs classiques disponibles actuellement", poursuit M. Hutin.
Une R&D désormais européenne
Ce résultat doit faire partie des contributions du CEA au vaste programme européen Flagship On Quantum Technology (H2020), notamment grâce à son expertise
scientifique (Un scientifique est une personne qui se consacre à l'étude d'une science ou des sciences et qui...) et technologique, à ses partenariats industriels et académiques associées à sa plateforme silicium 300 mm, en cours d'installation dans les salles blanches du Leti, à Grenoble.
La fidélité d'une boite de calcul quantique
Alors que dans un calculateur classique, les bits ne peuvent prendre qu'une valeur parmi deux (soit 0 soit 1), les bits quantiques (qubits) peuvent prendre un ensemble continu de valeurs, et même plusieurs valeurs en même temps. Un
ordinateur (Un ordinateur est une machine dotée d'une unité de traitement lui permettant...) exploitant cette possibilité, offerte par les lois de la
physique quantique (La physique quantique est l'appellation générale d'un ensemble de théories physiques...), pourrait calculer de façon massivement parallèle, c'est à dire simultanément pour l'ensemble des valeurs des qubits, et ainsi surpasser considérablement la
puissance (Le mot puissance est employé dans plusieurs domaines avec une signification particulière :) de l'ordinateur classique.
Les qubits sont les unités de construction des calculateurs quantiques. Ils peuvent être mis en œuvre dans une large variété de matériaux à l'échelle du laboratoire. Mais les possibilités sont plus limitées lorsqu'on veut les produire en série car il faut utiliser des matériaux compatibles avec les standards industriels. Les qubits de spin pour le silicium sont de petite taille (typiquement 30 nm) et sont compatibles avec les technologies CMOS, largement utilisées dans l'industrie microélectronique. Ils présentent donc des avantages pour la production en série par rapport aux autres types de qubits. Depuis 2012, où ont été mis au point les premiers qubits basés sur des spins d'électrons confinés, le 28Si purifié isotopiquement a permis d'améliorer significativement le temps de cohérence du spin quantique. Plus le temps de cohérence du spin augmente, plus la fidélité des opérations de calcul quantique s'améliore.
Une R&D amont et aval
Les équipes grenobloises du CEA avait déjà la
maîtrise (La maîtrise est un grade ou un diplôme universitaire correspondant au grade ou titre de...) de la fabrication de qubits dans un procédé utilisant une plateforme silicium sur isolant CMOS 300 mm (b). Dans un article publié dans Nature PJ Quantum Information (b), elles démontrent qu'un spin électronique dans un transistor peut être manipulé par des signaux électriques. En amont, les physiciens du CEA à Saclay avaient déjà annoncé la mise au point d'un qubit dans un
circuit électrique (Un circuit électrique est un ensemble simple ou complexe de conducteurs et de composants...) (c) dès 2002, ainsi que celle d'un dispositif de lecture fiable des qubits (d) en 2009.
- (a) A CMOS silicon spin qubit”, arXiv:1605.07599 Nature Communications 7, Article numéro: 13575 (2016) doi:10.1038/ncomms13575
- (b) Electrically driven electron spin resonance mediated by spin-valley-orbit coupling in a silicon quantum dot", Nature JP Quantum Information (2018) 4:6; doi:10.1038/s41534-018-0059-1
- (c) D. Vion,* A. Aassime, A. Cottet, P. Joyez, H. Pothier, C. Urbina, D. Esteve, M. H. Devoret Science, 296 (2002) 886
Single-shot qubit readout in circuit quantum electrodynamics, François Mallet, Florian R. Ong, Agustin Palacios-Laloy, François Nguyen, Patrice Bertet, Denis Vion & Daniel Esteve, Nature Physics (2009), published online: 27 September 2009
Références publication:
Electrically driven electron spin resonance mediated by spin-valley-orbit coupling in a silicon quantum dot", Nature JP Quantum Information (2018) 4:6; doi:10.1038/s41534-018-0059-1