Sécuriser le stockage de bits quantiques

Publié par Redbran le 17/04/2018 à 00:00
Source: CNRS-INP
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Des physiciens ont stocké des photons avec une efficacité record au sein d'un nuage allongé d'atomes froids. Cela permet pour la première fois de sécuriser le stockage et la relecture de bits quantiques.


Stocker efficacament des bits quantiques au sein d'un large ensemble d'atomes froids. Un bit quantique est encodé dans l'état de polarisation d'un photon par des lames à retard de phase. Le signal est ensuite séparé en deux canaux de polarisations orthogonales qui traversent tous deux un ensemble d'atomes froids très allongé. Un faisceau laser additionnel permet de contrôler le stockage et la relecture. Par rapport aux expériences jusqu'alors réalisées, l'expérience du LKB combine une très large absorption du milieu d'atomes froids, un multiplexage efficace et un bruit très faible. © Laboratoire Kastler Brossel (CNRS/Sorbonne Université/ENS Paris/Collège de France)

Être capable de stocker l'information quantique dans des mémoires et la relire à la demande est une étape clé pour les futurs réseaux quantiques. Ces mémoires permettent de synchroniser des bits quantiques, pour leur utilisation par exemple dans des protocoles de communication quantique à grande distance ou des algorithmes de calcul. Ces dispositifs sont réalisés aujourd'hui dans diverses plateformes qui permettent le contrôle de l'interaction entre le porteur de l'information, généralement un photon, et un support matériel de stockage.

On compte parmi ces plateformes des atomes et ions uniques, piégés dans des cavités optiques, ou bien de grands ensembles d'atomes identiques, dans des vapeurs chaudes ou sous forme de nuages refroidis par des lasers. Il existe également des mémoires basées sur des cristaux solides dopés par des ions figés en leur sein.

Cependant, jusqu'à présent, aucune mémoire n'avait permis de stocker puis de récupérer un bit quantique plus de 30 % du temps. Cette efficacité limitée réduisait la performance des dispositifs quantiques développés, mais surtout, puisque c'est moins d'une fois sur deux, cela empêchait de prouver la confidentialité de l'information stockée et la sécurité des protocoles. Pour la première fois, des chercheurs du Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/ Sorbonne Université/ENS/Collège de France) viennent de réaliser un tel stockage avec une efficacité record de 70 %, ce qui rend possible le stockage quantique sécurisé.

Dans cette expérience, la mémoire quantique repose sur la conversion du qubit photonique en une excitation atomique dans un ensemble d'atomes de césium refroidis par laser. Un faisceau laser de contrôle rend le milieu transparent, tout en ralentissant la lumière les traversant ; lorsque la lumière est contenue dans l'ensemble et le faisceau de contrôle éteint, l'information est convertie en une excitation collective, stockée jusqu'au rallumage du faisceau de contrôle. Cette technique maitrisée au LKB avait déjà permis plusieurs démonstrations ces dernières années, mais son efficacité dépend du nombre d'atomes mis en jeu. Les chercheurs du LKB ont ainsi réalisé un nuage très allongé d'atomes froids, de près de 3 cm de long, permettant cette forte interaction. Cependant, une telle compression du nuage rend généralement difficile le stockage de bits quantiques qui nécessite, par exemple, de définir plusieurs chemins au sein du nuage. Dans un nouveau dispositif, les physiciens ont réussi à combiner ces différents ingrédients, tout en conservant un niveau de bruit très faible.

L'information correspondant à un bit quantique est encodée dans la polarisation d'un photon. Les polarisations horizontale et verticale, qui forment une base orthogonale des états de polarisation, sont alors séparés, via un diviseur de faisceau en calcite, en deux chemins espacés de 4 millimètres puis focalisés sur le nuage atomique où l'information est ralentie et stockée. Après un temps de stockage réglable jusqu'à une vingtaine de microsecondes, la lumière récupérée à chaque bras de la mémoire est recombinée en un unique faisceau. Une efficacité record de 70 % a été obtenue tout en préservant une fidélité avec le bit quantique initial au-delà de 99 %. Ce travail a été publié le 25 janvier 2018 dans la revue Nature Communications.


Vue d'artiste. © Laboratoire Kastler Brossel (CNRS/Sorbonne Université/ENS Paris/Collège de France)

Référence publication:
Highly-efficient quantum memory for polarization qubits in a spatially-multiplexed cold atomic ensemble
P. Vernaz-Gris, K. Huang, M. Cao, A. S. Sheremet et J. Laurat
Nature Communications (2018), doi:10.1038/s41467-017-02775-8
Retrouvez l'article sur les bases d'archives ouvertes arXiv

Contact chercheur:
Julien Laurat, Professeur à Sorbonne Université

Informations complémentaires:
Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Sorbonne Université/ENS Paris/Collège de France)
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