Libérer l'électron pour mieux le piéger

Publié par Redbran le 19/04/2018 à 12:00
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Des chercheurs de l'UNIGE et du MBI de Berlin ont pour la première fois placé un électron dans un double état – ni libéré ni lié–, confirmant une hypothèse des années 70.


Représentation schématique du potentiel de Kramers Henneberger formé par la juxtaposition du potentiel atomique et d'un puissant faisceau laser. © UNIGE - Xavier Ravinet

Les atomes sont formés d'électrons autour d'un noyau central auquel ils sont liés. Les électrons peuvent aussi être arrachés –ionisés– de leur noyau à l'aide du champ électrique (En physique, on désigne par champ électrique un champ créé par des particules...) puissant d'un laser. Dans les années 70, deux théoriciens, Kramers et Henneberger, se sont demandés s'il était possible de libérer l'électron (L'électron est une particule élémentaire de la famille des leptons, et possèdant une charge...) de son noyau tout en le gardant captif du rayon laser. Cette hypothèse, jugée impossible par bon nombre (La notion de nombre en linguistique est traitée à l’article « Nombre...) de scientifiques, vient d'être confirmée avec succès par des physiciens de l'Université de Genève (L'université de Genève (UNIGE) est l'université publique du canton de Genève en...) (UNIGE) et du Max Born (Max Born (11 décembre 1882 à Breslau, Empire allemand -...) Institut (Un institut est une organisation permanente créée dans un certain but. C'est...) (MBI) de Berlin. Pour la première fois, ils ont réussi non seulement à contrôler la forme de l'impulsion laser afin d'y maintenir l'électron libéré de son noyau, mais aussi à réguler à leur guise la structure électronique de cet atome (Un atome (du grec ατομος, atomos, « que l'on ne peut...) habillé par le laser. Ils ont également identifié une zone de non droit, surnommée "Vallée (Une vallée est une dépression géographique généralement de forme...) de la mort", dans laquelle les physiciens perdent tout pouvoir sur l'électron. Ces résultats, à lire dans la revue Nature Physics, bouleversent les théories et prédictions touchant à l'ionisation (L'ionisation est l'action qui consiste à enlever ou ajouter des charges à un atome ou une...) de la matière (La matière est la substance qui compose tout corps ayant une réalité tangible. Ses...).

Depuis les années 70, plusieurs expériences tentent de confirmer l'hypothèse avancée par les théoriciens Kramers et Henneberger: on peut placer un électron dans un double état, ni libéré ni lié. Piégé dans le laser, l'électron serait forcé de passer et repasser devant son noyau et subirait ainsi le champ électrique du laser combiné à celui du noyau. Ce double état permettrait de contrôler les électrons soumis à la fois au champ électrique du noyau et du laser et ouvrirait la voie à la création de "nouveaux atomes", du point de vue de leur structure électronique, par les physiciens. Mais est-ce possible ?

Agir sur les oscillations naturelles de l'électron

Les théories actuelles déclarent que plus le laser est intense, plus il est facile de ioniser l'atome, c'est-à-dire d'arracher les électrons au champ électrique de leur noyau et de les libérer dans l'espace. "Mais une fois l'atome ionisé, les électrons quittent non seulement le champ électrique du noyau de l'atome, mais aussi celui du laser", explique Jean-Pierre Wolf, professeur à la Section de physique (La physique (du grec φυσις, la nature) est étymologiquement la...) de la Faculté des sciences de l'UNIGE. "Nous avons alors voulu savoir s'il était possible de les piéger dans le laser, une fois libérés de leur noyau, comme le suggère l'hypothèse de Kramers et Henneberger", ajoute-t-il.

Le seul moyen d'y parvenir est de trouver la bonne forme de l'impulsion du laser à appliquer, afin d'imposer à l'électron des oscillations parfaitement semblables pour que son énergie et son état restent stables. "En effet, l'électron oscille naturellement dans le champ du laser, mais ces oscillations ne sont pas régulières et poussent l'électron à changer sans cesse son niveau d'énergie et donc son état, c'est pourquoi il s'échappe du champ électrique du laser", complète Mikhail Ivanov, professeur au Département théorique du MBI de Berlin.

Moduler l'intensité du laser pour éviter la Vallée de la mort

Les physiciens ont testé plusieurs intensités de laser pour d'obtenir la régularité des oscillations de l'électron libéré de son noyau. Ils ont alors fait une découverte surprenante. "Contrairement aux théories actuelles qui suggèrent que plus le laser est intense, plus il est facile de ioniser l'électron, nous avons découvert qu'il y a une limite d'intensité où nous ne pouvons plus ioniser l'atome, constate Mikhail Ivanov. Passé ce seuil, nous retrouvons la possibilité de le juguler." Les chercheurs ont ainsi nommé cette limite la "Vallée de la mort", proposition faite par le professeur Joe Eberly de l'Université (Une université est un établissement d'enseignement supérieur dont l'objectif est la...) de Rochester.

Après plusieurs réglages, les physiciens de l'UNIGE et du MBI ont réussi pour la première fois à libérer l'électron de son noyau, puis à le piéger dans le champ électrique du laser, comme le suggéraient Kramers et Henneberger. "En appliquant une intensité de cent mille milliards de Watt par cm2, nous avons pu franchir le seuil de la Vallée de la mort et piéger l'atome dans un cycle d'oscillations régulières au sein du champ électrique du laser", s'enthousiasme Jean-Pierre Wolf. A titre de comparaison, l'intensité du Soleil sur la terre est de l'ordre de 100 Watt par m2.

Confirmer une vieille hypothèse qui révolutionne la théorie physique

En plaçant l'électron dans un double état, ni lié ni libéré, les chercheurs ont trouvé le moyen de manipuler ses oscillations comme ils le souhaitent, ce qui leur permet d'agir directement sur la structure électrique de l'atome. "Ceci nous offre la possibilité de créer de nouveaux atomes habillés par le champ du laser, avec de nouveaux niveaux d'énergie des électrons", explique Jean-Pierre Wolf. "On pensait que ce double état était impossible à réaliser et nous venons de prouver le contraire. Ceci va jouer un rôle fondamental dans les théories et les prédictions sur la propagation des lasers intenses", conclut-il.

Contact chercheur:
Jean-Pierre Wolf - Professeur ordinaire de la Section de physique - Faculté des sciences

Référence publication:
Nature Physics
DOI: 10.1038/s41567-018-0105-0

Source: Université de Genève (UNIGE)
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