Prévisions météo sur Titan pour les 30 prochaines années

Publié par Michel le 18/01/2006 à 00:00
Source et illustration: CNRS/INSU
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L'année 2005 a été marquée par une forte augmentation du nombre de nuages observés sur Titan. Depuis 2002, où un seul nuage avait été visualisé au pôle sud, les grands télescopes et l'orbiteur Cassini ont réalisé une moisson assez spectaculaire de nouveaux nuages. Des chercheurs du Service d'Aéronomie et du Laboratoire de Météorologie Dynamique (unités mixtes de recherche du CNRS) ont utilisé un modèle climatique, dérivé d'un modèle de climat terrestre, pour étudier la couverture et le cycle des nuages sur Titan. Ce modèle explique non seulement la présence des nuages là où ils sont observés, mais prédit également la couverture nuageuse pour les 30 années à venir du cycle de Titan autour du Soleil. Ce résultat est publié dans le numéro de Science du 13 janvier 2006.

Bien que le méthane soit très abondant sur Titan, les nuages n'avaient été observés ni par les sondes Voyager en 1980 et 1981, ni par les télescopes dans les années qui ont suivi, et leur existence avait donc longtemps été un sujet de débat. Il a fallu attendre les années 1998 pour les détecter dans la basse atmosphère, sans toutefois obtenir d'information sur leurs formes et leurs distributions. A partir de 2002, et surtout en 2005, les observations ont montré qu'en réalité, Titan possède une atmosphère riche en phénomènes météorologiques. Depuis, les observations réalisées d'une part par les télescopes terrestres, d'autres part par des instruments embarqués sur Cassini (VIMS, ISS) permettent une classification et une étude statistique des nuages existant sur Titan.

C'est dans ce contexte qu'une équipe de chercheurs français de deux laboratoires de l'Institut Pierre Simon Laplace (Service d'Aéronomie et Laboratoire de Météorologie Dynamique) a modélisé la microphysique des nuages et le couplage entre les nuages, la brume d'aérosols et la dynamique, dans le cadre d'un modèle de circulation générale de Titan.


Carte des nuages sur Titan
Voir légende en fin

Ces résultats montrent que l'essentiel de la distribution en latitude des nuages telle qu'elle est observée s'explique par l'interaction avec la circulation de l'atmosphère. La circulation méridienne dans la basse atmosphère (là où se forment les nuages) s'effectue dans le cadre d'une cellule de Hadley, qui, durant une grande partie de l'année de Titan, a une branche ascendante entre 30 et 40° dans l'hémisphère d'été (l'hémisphère sud en ce moment), montant jusqu'à 60 km, et replongeant vers +/- 60°. Au delà de 60° S et 60° N, on observe un jeu de petites cellules secondaires allant jusqu'aux pôles. La branche ascendante de cette cellule de Hadley se déplace rapidement d'un hémisphère à l'autre lors des équinoxes. Les nuages de méthane se forment préférentiellement dans la branche ascendante de la cellule de Hadley, située actuellement à 40°S, et dans les branches ascendantes des cellules des régions polaires.

Des nuages, plus modestes, se forment également partout aux latitudes moyennes par des processus de mélange dans l'atmosphère. Les nuages d'éthane (et probablement tous les nuages associés à des espèces stratosphériques qui condensent, comme le C4N2 par exemple qui avait été observé sous forme de glace) se forment dans les régions polaires, aux endroits où les masses d'air de la stratosphère traversent le piège froid de la tropopause.

La distribution en latitude des structures nuageuses de méthane (les seules visibles de l'extérieur) dépend donc d'un mécanisme en réalité assez semblable à celui qui régit les grandes structures nuageuses sur Terre et sur Mars. En revanche la quantité de méthane disponible lors de la condensation produit immédiatement des gouttelettes de grande taille (50-100 µm), formant ainsi des nuages précipitants de courte durée de vie aux latitudes moyennes et aux pôles.

Un modèle prédictif

Ce travail permet de donner une explication simple sur l'origine des principaux nuages observés récemment par diverses équipes. Il prédit l'existence de structures qui ne sont pas encore détectées (par exemple, dans la région polaire d'hiver, au nord) et surtout, il prévoit la distribution des nuages au cours de l'année de Titan (30 années terrestres). En particulier, des changements notables dans la distribution des nuages sont prédits par le modèle pour les 5 années à venir (période d'équinoxe correspondant à un basculement de la circulation de Hadley). Une période pendant laquelle Cassini - si la mission est étendue - fera des observations, ce qui permettra de confronter le modèle à la réalité.

Légende de l'illustration:
Carte des nuages sur Titan: Les niveaux de gris montrent l'épaisseur optique des nuages en fonction de la latitude pendant les 30 ans terrestres que dure l'année de Titan. La date est donnée en ordonnée entre 1977 et 2006, mais cette carte est aussi valable pour la période entre 2007 et 2036.
La ligne en trait épais montre la bordure de la nuit polaire. Pour 2005, la carte montre que les nuages apparaissent à 40°S, au pôle, et un peu partout aux latitudes moyennes. Ces prédictions sont conformes aux observations. On trouve aussi des nuages vers 50°N et dans la région polaire nord (encore dans la nuit polaire). Ces derniers nuages ne sont pas (encore) détectés. Cette carte prévoit aussi
-1- que le nuage polaire sud est déjà en train de disparaître (c'est également observé) et réapparaîtra vers 2010
-2- que le nuage à 40°S doit disparaître dans la période 2008-2010 (même époque que lors des visites faites par les sondes Voyager en 1980 et 1981) et le nuage à 40°N réapparaîtra vers 2015 après l'équinoxe de printemps nord.


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