L'antimatière contre le cancer

Publié par Michel le 07/11/2006 à 00:00
Source et illustration: Copyright CERN
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Au CERN, une expérience inédite, susceptible de trouver des applications dans le traitement du cancer, a donné ses premiers résultats: les antiprotons sont quatre fois plus efficaces que les protons pour irradier les cellules.


De gauche à droite: Michael Holzscheiter avec ses collaborateurs
Niels Bassler et Helge Knudsen devant l'expérience ACE.
Le faisceau de particules pénètre dans un tube de cellules au coeur d'un récipient
contenant une solution de glycérol et d'eau

ACE (Antiproton Cell Experiment), également connue sous le nom d'AD-4, est une petite expérience dont les retombées pourraient s'avérer gigantesques. Son appareillage, qui ressemble à un petit aquarium, ne laisse pourtant pas présager qu'elle va déterminer si l'antimatière pourrait être utilisée pour traiter le cancer.

L'expérience ACE, lancée en 2003, est la première à étudier les effets biologiques des antiprotons. Elle rassemble des spécialistes de la physique, la biologie (La biologie, appelée couramment la « bio », est la science du vivant....) et la médecine (La médecine (du latin medicus, « qui guérit ») est la science et la...), provenant de dix instituts du monde entier. L'équipe a publié récemment ses premiers résultats et certaines de ses découvertes sont impressionnantes.

Actuellement, les traitements faisant intervenir des faisceaux de particules utilisent en général des protons pour détruire les cellules tumorales d'un patient. Lorsqu'un faisceau de particules lourdes et chargées pénètre dans le corps humain, il cause très peu de dommage aux tissus en début de parcours. C'est seulement dans le dernier millimètre du trajet, lorsque, après avoir progressivement ralenti, il s'arrête subitement à une profondeur précise (fonction de son énergie (Dans le sens commun l'énergie désigne tout ce qui permet d'effectuer un travail, fabriquer de la...) initiale), qu'il entraîne une lésion importante. "Un peu comme une voiture qui roulerait doucement, puis freinerait brutalement une fois arrivée au stop", explique Michael Doser du CERN, l'un des collaborateurs d'ACE.

L'expérience a mis à l'épreuve le principe d'un traitement utilisant des antiprotons comme variante en comparant directement l'efficacité d'une irradiation cellulaire avec des protons et avec des antiprotons. Pour simuler une coupe transversale de tissu dans un corps humain, des tubes ont été remplis de cellules vivantes de hamster en suspension ( Le fait de suspendre des particules En chimie, la suspension désigne une dispersion de...) dans de la gélatine (La gélatine est une substance solide translucide, transparente ou légèrement jaune,...). Les scientifiques ont irradié l'une des extrémités du tube à l'aide d'un faisceau tantôt de protons et tantôt d'antiprotons, ayant une portée de 2 cm dans l'eau, et évalué la proportion de cellules encore en vie après irradiation en fonction de la profondeur dans la cible.

La comparaison des effets des faisceaux de protons et d'antiprotons entraînant des lésions identiques à l'entrée de la cible a montré que les dommages aux cellules situées à la fin du trajet du faisceau étaient quatre fois supérieurs avec le faisceau d'antiprotons.

Michael Holzscheiter, porte-parole de l'expérience ACE, explique la portée de cette découverte: "Pour obtenir le même degré de dommage dans les cellules de la zone visée, il faut quatre fois moins d'antiprotons que de protons. L'utilisation des antiprotons réduirait sensiblement les dommages aux cellules le long du trajet suivi par le faisceau. Comme ils ont une capacité inégalée à préserver les tissus sains, les antiprotons pourraient s'avérer particulièrement utiles dans le traitement des récidives cancéreuses où cette caractéristique est essentielle".

Les antiprotons sont des particules d'antimatière. Ils doivent être produits en petites quantités dans un laboratoire à l'aide d'un accélérateur de particules. "Le CERN est le seul endroit du monde où l'on peut disposer d'un faisceau d'antiprotons de qualité, ayant une énergie suffisamment basse. Sans le décélérateur d'antiprotons du CERN, ces expériences n'auraient pas vu le jour", indique Niels Bassler, autre porte-parole d'ACE. Lorsque des particules de matière (La matière est la substance qui compose tout corps ayant une réalité tangible. Ses...) et d'antimatière se rencontrent, elles s'annihilent, transformant ainsi leur masse en énergie. ACE se sert de cette propriété, car l'antiproton pourrait s'annihiler avec une partie du noyau d'un atome de cellule cancéreuse. Les fragments produits par l'énergie émise lors de l'annihilation seraient projetés sur des cellules cancéreuses voisines, détruites à leur tour.

D'autres essais sont en cours afin d'irradier des cellules plus profondes (à environ 15 cm de la surface). Des expériences destinées à comparer l'efficacité des antiprotons avec un autre type de traitement utilisant des ions carbone commenceront le mois prochain, au GSI (Gesellschaft für Schwerionenforschung), en Allemagne.

"A première vue, les antiprotons semblaient des candidats peu probables pour le traitement du cancer. Pourtant, nos résultats montrent que ces particules d'antimatière offrent les avantages tant de la thérapie par les protons que de celle par les ions carbone. Elles permettraient d'améliorer l'efficacité de la radiothérapie (La radiothérapie est une méthode de traitement locorégional des cancers, utilisant...)", explique Michael Holzscheiter.

D'autres tests sont prévus pour évaluer pleinement l'efficacité et l'opportunité des antiprotons pour le traitement du cancer et s'assurer qu'ils entraînent moins de lésions des tissus sains que d'autres méthodes. Une attention particulière sera accordée à l'étude d'éventuelles séquelles dues à l'irradiation. C'est un aspect important, dans la mesure où les antiprotons créent un champ de rayonnements particulièrement complexe et des particules secondaires de portées très diverses dans les tissus.

ACE est un merveilleux exemple de l'utilisation de la recherche en physique des particules (La physique des particules est la branche de la physique qui étudie les constituants...) pour trouver des solutions novatrices en médecine. Toutefois, la procédure de validation de tout nouveau traitement médical est longue. Si tout va bien, la première application clinique verra le jour d'ici à une dizaine d'années.

Le saviez-vous?

Le traitement du cancer par faisceaux de particules a été proposé en 1946 dans un article fondateur de R.R. Wilson ('Radiological Use of Fast Protons'). Cet article montrait que les protons et d'autres particules chargées lourdes possèdent une propriété unique, le "profil de dose inversé": en entrant dans un corps humain, ils abandonnent l'essentiel de leur énergie à une profondeur déterminée par l'énergie initiale des particules. D'où une diminution importante de l'énergie déposée dans le tissu sain situé en amont de la tumeur visée par rapport à la radiothérapie classique par rayon X (Les rayons X sont une forme de rayonnement électromagnétique à haute fréquence...). Lorsque les particules s'arrêtent, aucune énergie n'est déposée au-delà de la cible. Cet article et les travaux expérimentaux qui ont suivi au Laboratoire Lawrence de Berkeley ont conduit au développement du traitement du cancer par les protons et, plus récemment, par les ions carbone, ainsi qu'à la création d'une quarantaine (La quarantaine (venant de l'italien : quaranta giorni, qui signifie 40 jours, ou bien du...) de centres dans le monde qui, à ce jour, ont traité environ 50000 patients.

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