Futures missions lunaires: éviter le piège de bien étranges orbites...

Publié par Michel le 08/11/2006 à 00:00
Source: Space Daily / Science@Nasa
Illustration: NASA / Konopliv et al, Icarus 150 (2001)
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Vers la fin de la mission d'Apollo 16, le 24 avril 1972, juste avant de revenir sur Terre, les trois astronautes ont lancé une dernière expérience scientifique: un petit "sous-satellite" appelé PFS-2 qui devait graviter autour de la Lune et accomplir une orbite environ toutes les 2 heures. Sa mission ? En compagnie de PFS-1, lancé par les astronautes d'Apollo 15 huit mois plus tôt, PFS-2 devait mesurer les particules chargées et les champs magnétiques au voisinage de la Lune en fonction de sa position par rapport à le Terre. Mais quelque chose de bizarre se produisit.


Vue d'artiste d'Apollo 16 et du petit satellite PFS-2

Les orbites des deux petits satellites auraient dues être des ellipses semblables, variant entre 89 et 122 kilomètres au-dessus de la surface lunaire. Mais l'orbite de PFS-2 s'est rapidement déformée. En deux semaines et demie le satellite a littéralement piqué vers la surface pour atteindre une ellipse ne passant plus qu'à 10 kilomètres du sol lunaire au point le plus bas de son orbite. Alors que son orbite continuait à changer, PFS-2 s'est dégagé jusqu'à atteindre une altitude un peu plus sereine à 50 kilomètres d'altitude. Mais pas pour longtemps: inexorablement, l'orbite du satellite le rapprochait de la Lune. Et le 29 mai 1972, soit seulement 35 jours et 425 orbites après son lancement, PFS-2 s'est crashé à la surface.

Que s'était-il passé ? C'est la lune elle-même qui a précipité le petit engin vers son destin. Telle est la conclusion d'Alex S. Konopliv, scientifique planétaire au JPL à Pasadena. Avec plusieurs de ses collègues il a analysé les orbites de divers satellites gravitant autour de la Lune depuis PFS-2, notamment la mission de Lunar Prospector qui s'est déroulée en 1988-1989.

"Si la Lune état une sphère uniforme, on pourrait avoir une orbite en ellipse ou en cercle parfaite", explique Konopliv. "La Lune n'a aucune atmosphère pouvant générer des frottements ou de la chaleur sur les vaisseaux spatiaux, aussi ceux-ci devraient pouvoir descendre très bas: Lunar Prospector a passé six mois à seulement 30 kilomètres au-dessus de la surface". Alors pourquoi PFS-2, inséré dans une orbite elliptique relativement haute, s'est-il conduit comme un kamikaze ?

"La lune est extraordinairement irrégulière d'un point de vue gravitationnel", continue Konopliv. "Je ne parle pas de ses montagnes ou de sa topographie physique. Je parle de sa masse. Les grandes et plates "Mers" de lave lunaire présentent d'importantes anomalies gravitationnelles en ce sens que leur masse et donc leur champ de gravitation sont sensiblement plus intenses qu'ailleurs dans le reste de la croûte lunaire". Connus sous le nom de "mascons" ou concentrations de masse, on en compte cinq sur la face visible de la Lune, tous situés dans des Mers lunaires observables avec des jumelles depuis la Terre.


Les mascons ou concentrations de masse lunaires sont
des irrégularités gravitationnelles de la croûte.
Les cinq plus grands correspondent à de grands cratères de lave
de la face visible de la Lune (à gauche): la Mer des Pluies, la Mer de la Sérénité,
la Mer des Crises, la Mer des Humeurs et la Mer du Nectar

L'anomalie de gravité des mascons est si importante (un demi pour cent), qu'elle serait mesurable par des astronautes sur la surface lunaire. "Au bord d'une de ces mers, un fil à plomb serait incliné d'un tiers de degré par rapport à la verticale, en direction du mascon", indique Konopliv. Un astronaute avec son équipement pesant 20 kg verrait son poids lunaire augmenter de 100 g au centre du mascon.

"Les mascons lunaires rendent la plupart des orbites basses lunaires instables", dit Konopliv. Lorsqu'un satellite passe à 80 ou 100 kilomètres au-dessus de l'un d'eux, celui-ci le fait, en fonction de sa trajectoire, dévier vers l'avant, l'arrière, la gauche, la droite, ou vers le bas. Sans des moteurs pour effectuer des poussées périodiques afin de rectifier l'orbite, la plupart des satellites en orbites basses (moins de 100 kilomètres) finiront par s'écraser. PFS-2 ne fut que l'exemple spectaculaire d'un des pires cas envisageable. Mais même son prédécesseur PFS-1 a littéralement mordu la poussière en janvier 1973 après moins d'un an et demi en orbite.

Les conséquences pour l'exploration lunaire future

Il faudra être attentif au choix de l'orbite pour un satellite lunaire gravitant à faible altitude. "L'important, c'est l'inclinaison de l'orbite", c'est-à-dire l'angle entre son plan et le plan équatorial lunaire. "Il existe en fait un certain nombre d'orbites 'verrouillées' pour lesquelles un vaisseau spatial peut rester indéfiniment en orbite basse stable. Elles surviennent pour quatre angles: 27º, 50º, 76º, et 86º", la dernière étant pratiquement une orbite polaire. L'orbite de PFS-1 d'Apollo 15 avait une inclinaison de 28º, qui s'avéra proche d'un des angles verrouillés, ce qui explique sa relative longévité. Mais le malheureux PFS-2, avec une inclinaison de 11º ne pouvait survivre longtemps.

Mais si les impératifs d'une mission imposent de choisir une orbite non stable, il sera alors nécessaire de procéder à des corrections fréquentes de trajectoire. Lunar Prospector devait effectuer une manoeuvre tous les deux mois pour se maintenir sur son orbite circulaire initiale à 100 kilomètres et plusieurs fois par mois lorsqu'il survola la surface à 30 kilomètres d'altitude. Lorsqu'il se trouva presque à court de combustible, les scientifiques ont su que sa fin était proche, aussi l'ont-ils délibérément fait s'écraser le 30 juillet 1999, près du pôle Sud de la lune afin de tenter d'observer le panache de poussière lunaire provoqué par le crash. Les futures missions lunaires de ce type devront emporter beaucoup de carburant, recommande Konopliv en conclusion.

Page générée en 0.315 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise