Onde ou particule ? Des précisions sur "l'expérience de Wheeler"

Publié par Michel le 23/02/2007 à 00:00
Source: PhysicsWeb
Illustrations: CNRS / ENS. Vincent Jacques
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Nous vous avons récemment parlé de l'expérience du laboratoire de Photonique quantique et moléculaire (CNRS/Ecole Normale Supérieure de Cachan) par laquelle les chercheurs tentaient de déterminer à quel moment un photon "décidait" de se comporter soit comme une onde, soit comme une particule (voir notre news: "Onde ou particule ? Une décision prise à la dernière nanoseconde"). Nous revenons ici plus en détail sur l'historique, le principe et le mode opératoire de cette expérience.


Source à photon unique utilisée dans l'expérience de l'ENS

Les photons sont-ils capables de "savoir" qu'ils sont sur le point d'être observés ? John Wheeler avait proposé il y a presque 30 ans une façon de résoudre cette énigme bizarre en proposant une nouvelle mouture de l'expérience des fentes doubles. c'est cette expérience qu'ont réalisée les physiciens français.

La célèbre expérience des fentes doubles d'Young appliquée aux photons montre clairement l'influence de l'observateur en mécanique quantique. Dans cette expérience, des photons uniques sont envoyés sur un écran, partiellement obstrué en chemin par un mur contenant deux fentes. Si l'observateur ne vérifie pas par quelle fente le photon est passé, celui-ci semble interférer avec lui-même, suggérant qu'il se comporte comme une onde en passant par les deux fentes à la fois. Mais si l'expérimentateur surveille les fentes soigneusement (c.-à-d. les observe), l'interférence disparaît, et chaque photon traverse une des fentes à la façon d'une particule.

En 1978, John Wheeler faisait remarquer qu'un photon pourrait bien d'une façon ou d'une autre savoir à l'avance si une observation allait être faite ou non, et modifier son comportement en conséquence. Pour tester cette hypothèse il proposait une expérience de pensée dans laquelle la décision d'observer les photons était prise seulement après qu'ils aient été émis.

Jean-François Roch et ses collègues de l'École Normale Supérieure ont, pour la première fois, fidèlement réalisé cette expérience. L'équipe a substitué les deux fentes dans l'appareil de Young (l'expérience étant infaisable sinon) par deux chemins différents dans un interféromètre (voir la figure ci-dessous). Les chemins mènent directement à deux détecteurs différents, permettant d'observer clairement le chemin que chaque photon a emprunté. Cependant, les physiciens ont également conçu un système automatique qui insère aléatoirement un miroir semi-réfléchissant au dernier moment. Lorsque ce miroir est en place, il est impossible pour l'observateur de connaître le chemin pris par le photon.

En l'absence de miroir semi-réfléchissant, le photon emprunte soit un chemin soit l'autre, et se comporte comme une particule. Mais en sa présence, les détecteurs enregistrent l'interférence (comme si le photon se comportait comme une onde et parcourait les deux chemins simultanément). Cependant, à la différence de toutes les expériences à doubles fentes antérieures, le système ne prend la décision d'observer ou non le photon qu'une fois celui-ci déjà engagé sur un chemin, ou sur l'autre, ou sur les deux. Par conséquent si une quelconque "source imaginaire" informait secrètement le photon, elle devrait envoyer ce message informatif à une vitesse supérieure à celle de la lumière, chose que naturellement, la relativité interdit.

"En raison de cette contrainte, nous pouvons être sûrs que le photon ne 'connaît' pas, au moment où il y pénètre, ce qu'il y aura à l'autre extrémité de l'interféromètre ", indique Roch. "Cela souligne réellement la 'rivalité' qui existe entre la mécanique quantique et la relativité."


Choisir le bon chemin

Dans l'expérience de Roch, des impulsions de photons uniques sont émises une par une dans un interféromètre. Lorsqu'elles quittent le premier miroir semi-réfléchissant (BS1), elles ont le choix, avec une probabilité égale, entre deux chemins longs de 48 mètres, qui mènent par la suite jusqu'à deux détecteurs différents. Juste avant les détecteurs, un deuxième miroir semi-réfléchissant (BS2) est aléatoirement inséré ou enlevé par un système synchronisé avec l'émetteur. Quand ce miroir est en place, un photon peut atteindre l'un ou l'autre détecteur, ce qui interdit la détermination de son parcours. Quand ce miroir est absent, les détecteurs permettent de déterminer (d'observer) le chemin suivi par le photon.

Les scientifiques ont répété de nombreuses fois l'expérience jusqu'à ce qu'ils puissent confirmer avec certitude que les photons non observés se comportaient comme des ondes (c.-à-d. interféraient), et que les photons observés se comportaient comme des particules (c.-à-d. n'interféraient pas). Crucialement, ils ont éliminé la possibilité que les photons puissent être au courant de quelque manière que ce soit de la décision du système, car cette décision n'était prise qu'après que les photons soient entrés dans l'interféromètre.


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