Une description unifiée de l'énergie sombre et de la matière noire ?

Publié par Michel le 26/03/2007 à 00:00
Source: Observatoire de Paris
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La cosmologie, en se basant sur plusieurs faits expérimentaux, a établi que la matière ordinaire, constituée de protons et de neutrons, constitue seulement 4% du contenu total en énergie de l'Univers. Les quelques 96% restant nous sont invisibles et encore méconnus et se répartissent entre la fameuse matière noire (En astrophysique, la matière noire (ou matière sombre), traduction de l’anglais...) et la tout aussi énigmatique énergie sombre (En cosmologie, l'énergie sombre est une forme d'énergie hypothétique remplissant tout l'Univers...). Des chercheurs du Laboratoire Univers et Théories (LUTh) de l'Observatoire de Paris (L'Observatoire de Paris est né du projet, en 1667, de créer un observatoire astronomique...), et du Fonds belge de la Recherche Scientifique (La recherche scientifique désigne en premier lieu l’ensemble des actions entreprises en vue...) ont proposé récemment l'hypothèse de pesanteur anormale ("Abnormally Weighting Energy" ou AWE) qui permet de décrire tout le côté obscur de l'Univers par une physique gravitationnelle révolutionnaire.


Figure 1: Diagramme de Hubble des supernovae lointaines et prédictions théoriques
pour le modèle de concordance (Ωm=0.3, ΩΛ=0.7; pointillés)
et le modèle de matière noire anormalement pesante (trait plein).
Les deux modèles rendent compte du diagramme de Hubble des supernovae lointaines
avec une précision remarquable.
(En bleu, les données de la collaboration SNLS et en rouge les données du HST)

Au cours de la dernière décennie, la cosmologie est entrée dans une ère de grande précision, et constitue désormais un champ d'expérimentation précieux et unique pour tester les théories de la physique fondamentale (En musique, le mot fondamentale peut renvoyer à plusieurs sens.), depuis la théorie de la gravitation (La gravitation est le phénomène d'interaction physique qui cause l'attraction...) jusqu'aux lois de la physique microscopique. Parmi les questions auxquelles cette science est confrontée, une des plus importantes est celle du contenu énergétique de l'Univers. Savoir exactement de quoi est composé l'Univers et en quelles proportions permet non seulement de lui donner un âge, de décrire son évolution passée et future, mais également de trancher scientifiquement la question de sa finitude ou celle de sa fin. Et inversement, une évolution supposée d'un Univers à géométrie (La géométrie est la partie des mathématiques qui étudie les figures de l'espace...) donnée n'admet qu'un contenu énergétique fixé. C'est cette équivalence entre contenu énergétique et propriétés spatio-temporelles de l'Univers qui a conduit les cosmologistes aux deux découvertes parmi les plus mystérieuses et les plus prometteuses de l'histoire de la physique (L'histoire de la physique essaie de retracer l'origine et l'évolution des idées, des...) moderne: l'existence de la matière noire et de l'énergie sombre.

Alors que la matière noire est inévitable pour expliquer à la fois les fluctuations angulaires du rayonnement fossile, la formation et les propriétés des galaxies, l'énergie sombre a quant à elle été invoquée originellement pour rendre compte de l'accélération de l'expansion cosmique observée dans les derniers milliards d'années de son histoire. Le modèle de concordance de la cosmologie avance que cette énergie sombre est l'oeuvre de la constante cosmologique (La constante cosmologique est un paramètre rajouté par Einstein en février 1917...) introduite par Einstein pour tenter d'incorporer le principe de Mach en relativité générale (La relativité générale, fondée sur le principe de covariance générale...). Or l'interprétation habituelle de la constante cosmologique comme énergie du vide quantique conduit à un désaccord historique entre la théorie et l'expérience de plusieurs dizaines d'ordres de grandeur! De plus, l'énergie du vide est supposée constante partout et toujours. Dès lors, comment se fait-il qu'elle devienne observable précisément aujourd'hui? Ceci laisserait croire que nous vivons à une époque fort particulière, voire privilégiée, de l'histoire cosmique. Est-ce une formidable coïncidence ou est-ce autre chose ?

En vue de surmonter ces difficultés, les auteurs de cette recherche ont proposé l'hypothèse AWE (pour "Abnormally Weighting Energy") dans laquelle le secteur sombre de la matière cosmique viole le principe d'équivalence aux échelles cosmologiques. Ce principe, également introduit par Einstein, suppose que toutes les formes d'énergie produisent et subissent la gravitation de la même manière. Il est très précisément satisfait (à une précision de 1 pour 1000 milliards) en laboratoire, c'est-à-dire aux échelles locales. Que se passerait-il si, toutefois, la validité du principe d'équivalence dépendait de l'échelle considérée ? En d'autres termes, qu'adviendrait-il si le principe d'équivalence pouvait être rigoureusement vérifié aux échelles locales où justement matière noire et énergie sombre sont fort peu présentes et si au contraire il était violé aux échelles cosmologiques où matière noire et énergie sombre dominent. Les auteurs ont précisément montré que ceci pouvait naturellement apparaître, si un ensemble de particules, la matière noire par exemple, ne couplait pas à la gravitation de la même manière que la matière ordinaire. Ces particules de fait admettraient alors une nouvelle constante de la gravitation de Newton alors que la constante de gravitation de Newton associée à la matière ordinaire, celle qui est observée, deviendrait dépendante de la concentration en matière noire à l'échelle considérée.


Figure 2: Vraisemblance de divers paramètres cosmologiques
pour le modèle de matière noire anormalement pesante (à partir des données de SNLS).
Le maximum de vraisemblance est obtenu pour un âge d'environ 16 milliards d'années
(contre 13 milliards d'années pour le modèle de concordance),
Ωm=0.05, ΩAWE=0.14 et ΩDE=0.76.
Ce résultat permet d'identifier a posteriori, et avec l'analyse des supernovae seulement,
la matière ordinaire aux baryons, la matière AWE à la matière noire froide
et l'énergie noire aux termes dus à la variation du couplage gravitationnel

Nous savons que la concentration en matière noire est infime aux échelles sub-galactiques. La violation du principe d'équivalence attendue à cette échelle y est donc extrêmement ténue. Toutefois, il n'en sera pas de même aux échelles cosmologiques où la matière noire domine le contenu énergétique de l'Univers. A ces échelles, la matière ordinaire ressent alors une expansion cosmique de plus en plus importante, au fur et à mesure que sa constante de gravitation s'adapte à la domination de la matière noire. L'expansion cosmique résultante est donc accélérée jusqu'à ce qu'un équilibre soit atteint où la constante de gravitation aux échelles cosmologiques est différente de sa valeur dans le système solaire. Le mécanisme d'énergie sombre ainsi construit possède des propriétés remarquables et très prometteuses:

(i) Il ne nécessite pas de pressions négatives comme c'est le cas avec la constante cosmologique ou toute autre généralisation comme par exemple la quintessence.
(ii) Il permet d'expliquer naturellement la coïncidence cosmique grâce au mécanisme de stabilisation de la constante de gravitation durant l'ère cosmique dominée par la matière.
(iii) Il rend compte des données observationnelles sur les supernovae lointaines (cf. Figure 1) en prédisant indépendamment la proportion de matière ordinaire et de matière noire telle qu'elle est donnée par ailleurs en analysant le rayonnement fossile. Ceci suggère une explication à la remarquable adéquation du modèle de concordance tout en prédisant également un âge de l'Univers en accord avec les observations (voir Figure 2).
(iv) Enfin, ce mécanisme se termine de lui-même dans le futur par une expansion cosmique décélérée décrite par le traditionnel modèle cosmologique d'Einstein-de Sitter (Figure 3).

Mais, avant tout, cette hypothèse permet de réduire l'énergie sombre à une nouvelle propriété de la gravitation: la pesanteur anormale induite par la matière noire.


Figure 3: Evolution passée et future de l'expansion cosmique
dans les deux modèles de la figure 1.
Alors que la constante cosmologique conduit à une expansion exponentielle
jamais décélérée dans l'avenir, le modèle AWE conduit à un Univers purement matériel
en expansion décélérée après un rééquilibrage de la constante de gravitation
aux échelles cosmologiques. Ce rééquilibrage est visible dans le facteur d'expansion
par les oscillations dans la courbe en trait plein.
La pesanteur anormale de la matière noire allonge d'environ 2 milliards d'années
l'âge de l'Univers par rapport à une constante cosmologique.

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