Rétro 1906: La traversée de la Manche à pied sec

Publié par Michel le 27/01/2008 à 00:00
Source et illustrations: Almanach Hachette 1906
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La news rétro de ce dimanche nous évoque les projets de traversée de la Manche au début du siècle dernier (voir aussi cette news rétro de 1920).

Avertissement: Cette news rétro retranscrit des connaissances scientifiques, techniques ou autres de 1906, et contient donc volontairement les arguments, incertitudes ou erreurs d'époque.


La Manche n'a que 34 kilomètres de largeur. Cette barrière est-elle infranchissable? Non, certainement, et bientôt peut-être une voie ferrée reliera-t-elle au continent la grande île isolée, soit par un tunnel, soit par un pont géant surplombant la mer. En France et en Angleterre - là surtout - les Parlements commencent à se rendre compte des immenses avantages qu'aurait ce trait d'union entre les deux nations les plus commerçantes du monde. Les puériles craintes d'invasion se sont évanouies, en Angleterre, à notre époque "d'entente cordiale".

Projets insensés et plans réalisables

A peine l'aérostat était-il inventé qu'un audacieux aéronaute, Pilâtre de Rozier, conçut le projet d'aller en Angleterre par la voie aérienne ; mais son ballon prit feu au sortir de Boulogne en 1785, et le malheureux voyageur paya de sa vie sa tentative imprudente.

On n'imagina que quelques années plus tard le ballon gonflé à l'hydrogène, et peu s'en fallut que Napoléon Ier ne donnât suite à un projet d'invasion de la Grande-Bretagne par quelques centaines d'aérostats montés.


Un tunnel sous la Manche. - Les projets de tunnels sont parmi les plus abondants ; en pleine Révolution, le cap. Henry, Desmarais et Gallois établirent les plans d'un tunnel dont il ne fut bientôt plus question. L'ingénieur Matthieu reprit l'idée et la soumit à Bonaparte. Le tunnel devait consister en deux galeries superposées, et même être éclairé à l'huile. Une série de cheminées d'aérage, émergeant au-dessus de la Manche, eût assuré une circulation d'air parfaite. Bonaparte réfléchit, Fox s'intéressa à la question ; puis les hostilités reprirent entre les deux pays et le projet Matthieu tomba littéralement dans l'eau.

Fantaisies d'inventeurs. - Ce n'est qu'en 1834 qu'on recommence à parler du fameux passage. Un nommé Payerne propose à Louis-Philippe l'établissement d'une voûte formant cloche à plongeur reposant sur une digue d'enrochements construite au fond du détroit. L'étude resta sur le papier. Il en fut de même pour un projet de Franchot qui émit, vers 1836, l'idée d'un tube de fonte immergé d'un rivage à l'autre.

Le plan Thomé de Gamont. - Ce plan, beaucoup plus sérieux, fut présenté par son auteur à l'Exposition de 1867. Thomé de Gamont voulait construire un tunnel en maçonnerie, cylindrique, de 9 mètres de haut sur 7 de large, partant du Cap Gris-Nez pour aboutir entre Douvres et Folkestone. Une canalisation latérale eût reçu les eaux d'infiltration et sur le segment de base du tunnel on eût posé les rails du chemin de fer sur une surface plane, avec, aux deux terminus, une gare d'arrivée à 30 mètres au-dessous du sol.

Les craintes de l'Angleterre. - Après la guerre de 1870, l'ingénieur Hankshaw reprend l'idée du tunnel. On crée en 1872 le "Channel Tunnel Company". Le forage du tunnel semblait facile par suite de l'existence en face de Calais, d'un banc de craie d'épaisseur suffisante ; la dépense était évaluée à 100 millions et la durée des travaux à quatre années. En 1875, sur la proposition de Mac-Mahon, l'Assemblée Nationale émet un vote favorable et les travaux commencent aussitôt, en France près de Sangatte, en Angleterre, près de Folkestone.

Mais en 1882, alors que quelques kilomètres du tunnel sont déjà forés, Gladstone prend peur et, alléguant des raisons de défense et de sécurité, obtient du Parlement britannique, un bill qui arrête immédiatement les travaux. Peut-être ceux-ci seront-ils repris quelque jour. Le projet n'a rien de fantaisiste et est parfaitement réalisable.

Un pont géant sur la Manche

L'ingénieur Boutet proposa en 1868 de jeter sur la Manche un pont d'une seule arche. Vérard de Sainte-Anne rêve le rétablissement artificiel de la digue qui, à l'époque quaternaire, unissait la Grande-Bretagne au continent. Enfin Dupuy de Lôme imagine - en épures - un bac mû par la vapeur et assez puissant pour transporter un chemin de fer entier: en 1 h. 1/2, sans changer de train, sans descendre de voiture, le chemin de fer passait ainsi d'une rive à l'autre, comme cela a lieu présentement sur le lac Baikal. L'idée, c'est le cas de le dire, revient actuellement sur l'eau.

L'idée d'un pont est certainement l'une des meilleures, malgré les dangers de collision que pourraient courir les navires. MM. Hersent et Schneider le conçoivent ainsi: 72 arches et 73 travées, sur une longueur de 33 450 mètres, avec des piles de 14 mètres au-dessus des flots et surmontées de colonnes de fonte soutenant une chaussée métallique à 54 mètres d'altitude. Deux voies engagées dans des ornières rendraient impossible tout déraillement.

Par les ballons et par les câbles

Un pont transbordeur, tel qu'il en existe à Rouen, à Bizerte, etc., serait coûteux à établir et offrirait des dangers d'instabilité. On a parlé aussi d'établir des câbles le long desquels rouleraient des poulies commandant des ballons captifs, des cerfs-volants ou des tramways aériens, tel le chemin de fer d'Eberfield.

Mais, dirigeable ou non, le ballon libre restera peut-être le vainqueur. En octobre 1903, M. le comte de la Vaulx passait de Paris à Hull en ballon ; M. J. Faure, allait de Londres à St-Denis, le 12 février 1905, soit 350 kil. en 6 h. 1/2, presque à la vitesse d'un express, et rien n'empêche de supposer qu'un jour ou l'autre un Santos-Dumont, un Lebaudy ou un Renard organisera un service régulier Paris-Londres en 4 heures, sans changement de voiture, sans crainte du mal de mer, sans même toucher terre !

Que ne peut-on rêver aujourd'hui ?

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