L'habile stratégie d'organismes marins pour échapper aux virus

Publié par Michel le 20/10/2008 à 00:00
Source: CNRS
Illustration: © Miguel Frada, équipe Evolution du Plancton et Paleo
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Une stratégie originale de défense des organismes unicellulaires parmi les plus abondants de l'océan face aux virus marins vient d'être mise en évidence par des chercheurs du laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin (CNRS, UPMC) en collaboration avec des chercheurs européens. Ces résultats permettent de mieux comprendre l'origine et les raisons de la reproduction sexuée chez les eucaryotes (1). Ces travaux sont publiés dans la revue PNAS.


La transition de la cellule diploïde calcifiante (en arrière plan) a la cellule haploïde,
non-calcifiante et flagellée (premier plan) permet d'échapper à l'attaque des virus.
Le sexe est donc une stratégie anti-virale chez le coccolithophore Emiliania huxleyi

Les chercheurs ont étudié l'impact des virus marins sur Emiliania huxleyi, un des eucaryotes unicellulaires les plus abondants dans les océans qui influence significativement le cycle du carbone et les climats. Sous leur forme diploïde, c'est-à-dire lorsque les cellules possèdent des chromosomes en double exemplaire, les cellules d'Emiliania huxleyi, produisent des écailles calcaires et forment des populations gigantesques visibles depuis l'espace. Mais sous l'attaque des virus marins, elles se transforment en cellules haploïdes, qui ne possèdent plus qu'un seul exemplaire de chromosomes. Ces nouvelles cellules, non-calcifiantes et très actives, sont totalement invisibles aux virus (et indétectables par photo-satellite), et permettent donc a l'espèce de vivre en paix en attendant des temps meilleurs.

Ces chercheurs ont nommé cette stratégie "Cheshire cat" en référence au roman de Lewis Caroll. Dans "Alice aux Pays des Merveilles", le Chat du Cheshire, malin et philosophe, échappe à l'ordre de décapitation de la Reine de cœur en rendant son corps transparent. De même, les eucaryotes, en changeant de corps dans leur phase haploïde, peuvent esquiver la pression biotique, et se réinventer au sein même de l'espèce.

Nos ancêtres les eucaryotes unicellulaires, apparus dans les océans il y aurait environ un milliard d'années, ont "inventé" la sexualité. Les espèces sont caractérisées par un cycle de vie, ou les individus haploïdes (portant une seule copie du génome, comme les gamètes (2)) s'unissent pour former des individus diploïdes, qui plus tard génèrent à nouveau des cellules haploïdes. Dans cette "double vie" eucaryote, les humains et autres eucaryotes multicellulaires dont les gamètes haploïdes restent prisonniers au sein du corps diploïde, sont plutôt une exception. À l'origine et chez les plupart des eucaryotes, les cellules haploïdes peuvent se multiplier dans l'environnement en populations indépendantes. La sexualité aurait permis aux eucaryotes d'échapper aux attaques permanentes des virus, et de pouvoir évoluer vers des organismes plus complexes et performants, dont l'importance écologique est encore largement sous-estimée.


Notes:

(1) Cellule où le matériel génétique est préservé au sein d'un noyau
(2) Cellule reproductrice


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