Des traces de pas de 345 000 ans !

Publié par Michel le 30/11/2008 à 00:00
Source: CNRS
Illustration: © S. Scaillet
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Attractions touristiques et objets d'une légende effrayante, les empreintes de pas humains les plus anciennes jamais observées révèlent aujourd'hui leur âge exact, grâce à des chercheurs français.

Les plus anciennes traces de pas humains ont 345 000 ans. C'est ce que vient de déterminer une équipe du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE) (1), à Gif-sur-Yvette, à l'aide d'une technique de datation peu conventionnelle. C'est par un pur hasard que Stéphane Scaillet et ses collègues se sont intéressés à ces vénérables empreintes. En 2006, le géochronologiste apprend l'existence de mystérieuses "traces de pas du diable". En réalité, des empreintes gravées sur les pentes d'un volcan italien, et qui dateraient de 325 000 à 385 000 ans. Un âge approximatif, mais qui déjà permettait aux chercheurs de révéler un fait exceptionnel: ces traces étaient bien les plus anciennes empreintes humaines découvertes à ce jour !


La taille des traces témoigne de la difficulté d'avancer sur les pentes du volcan
lors du passage de trois individus

Stéphane Scaillet ne résiste pas à l'envie d'y voir de plus près. Direction Roccamonfina, Sud de l'Italie. Sur place, le spectacle est saisissant: presque au milieu de nulle part, vaguement protégées par un ruban de chantier, les empreintes de trois individus sont stupéfiantes de réalisme. L'un a décrit un zigzag pour aborder une pente escarpée, l'autre a opté pour une trajectoire en ligne droite et le troisième s'est aidé d'une main pour ne pas glisser. En tout, plus de 57 empreintes, aux côtés de celles de plusieurs mammifères.

Comment ces traces ont-elles résisté aux millénaires ? Ceux qui les ont laissées ont dû s'aventurer sur les flancs du volcan quelques jours seulement après une violente éruption. Sous leurs pieds, une boue de cendres épaisse, qui s'est durcie comme du ciment peu après leur passage. Le volcan a fait le reste: actif jusqu'à il y a 100 000 ans, ses éruptions répétées ont recouvert couche après couche les empreintes fossilisées... Jusqu'à ce que l'érosion finisse par les dévoiler au grand jour. "On les connaît depuis des générations dans la région, rapporte Stéphane Scaillet. Un microtourisme s'est développé et une légende est née de ces “traces de pas du Diable” dont on raconte qu'elles sont celles d'hommes sortis du cratère... Une chose est sûre, si ce sanctuaire est actuellement d'une qualité exceptionnelle, l'érosion va poursuivre son œuvre. Il m'a donc paru important de déterminer avec précision l'âge des empreintes." Seulement les empreintes fossilisées ne peuvent être datées que par la roche qui les porte. Pour ce faire, les scientifiques ont cherché à mesurer la quantité de deux éléments présents dans des échantillons prélevés sur le volcan, le potassium et l'argon.

Pourquoi eux ? En fait, l'un des isotopes de l'argon (2), l'argon 40, est produit au cours du temps à partir de la désintégration radioactive du potassium. La quantité de l'un de ces éléments par rapport à l'autre peut donc révéler l'âge de la roche. Un hic toutefois: le potassium est solide, tandis que l'argon est gazeux, ce qui rend difficile l'analyse. D'où l'idée des chercheurs de transformer artificiellement le potassium restant en un autre isotope de l'argon, l'argon 39, en irradiant l'échantillon dans un réacteur nucléaire. Et voilà la roche du volcan contenant deux isotopes gazeux de l'argon, l'un issu de la désintégration naturelle du potassium au fil des millénaires et l'autre produit en laboratoire, témoin de la quantité de potassium.

Mais un obstacle subsistait: la roche volcanique est très hétérogène et elle contient une foule de matériaux d'âges différents qui peuvent fausser les résultats. Raison pour laquelle les empreintes n'avaient jusque-là pu être datées avec précision. Stéphane Scaillet a donc mis au point une sonde laser permettant d'effectuer une analyse, non plus en "masse", et donc moyenne, des minéraux, mais individuelle. Son secret ? "Le laser chauffe ponctuellement les cristaux, sur quelques millimètres carrés, explique le scientifique. Ainsi, chacun libère ses isotopes d'argon, et l'on peut procéder à la datation." L'âge retrouvé le plus couramment parmi les cristaux analysés est celui de la roche.

C'est ainsi que les cendres d'une autre ère, foulées par trois promeneurs téméraires, ont révélé le leur: 345 000 ans. Un résultat qui indique que les curieux en question étaient bien les premiers hommes: des Homo heidelbergensis, ancêtres d'Homo neanderthalensis et d'Homo sapiens. Et l'histoire ne s'arrête pas là, car d'autres traces existeraient non loin des premières, laissant à penser que ces trois individus n'étaient peut-être pas que de passage. Un véritable sanctuaire archéologique pourrait alors se cacher non loin.


Notes:

(1) Laboratoire CNRS / CEA / Université Versailles St-Quentin.
(2) Les isotopes d'un même élément chimique diffèrent uniquement par le nombre de neutrons contenus dans leur noyau.


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