Un mécanisme pour les inversions géomagnétiques

Publié par Michel le 09/06/2009 à 00:00
Source: CNRS / INSU
Illustrations: © Pétrélis et al. PRL 2009
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Pourquoi le champ magnétique terrestre s'est-il inversé au cours de l'histoire de la Terre, pointant alternativement vers le nord ou le sud géographique ? Si l'on sait que l'explication réside dans les mouvements qui animent le noyau liquide de la Terre, les mécanismes en jeux restent mal compris. Dans une publication qui vient de paraître dans Physical Review Letters des chercheurs du Laboratoire de physique statistique (ENS, CNRS) et de l'Institut de Physique du Globe de Paris (INSU-CNRS, Paris Diderot) proposent que les renversements se produisent lorsque des fluctuations brisent la symétrie de l'écoulement dans le noyau liquide et qu'un couplage fort entre deux modes du champ magnétique (dipolaire et quadripolaire) se produit.

Le champ magnétique, tel qu'on le mesure à la surface de la Terre, est un dipôle dont l'axe est proche de l'axe de rotation de la planète. Depuis les travaux précurseurs de Bernard Brunhes au début du 20ème siècle, on sait que le champ magnétique s'est renversé à maintes reprises, c'est-à-dire que le dipôle pointe alternativement vers le pôle nord géographique ou vers le pôle sud à une fréquence très variable. La dernière inversion a eu lieu il y a 780 000 ans mais la précédente seulement 200 mille ans auparavant. On estime que la durée du "basculement" entre les deux polarités est de quelques milliers d'années.

Paléomagnéticiens et théoriciens travaillent sur cet aspect énigmatique du champ depuis plusieurs décennies. Les premiers tentent d'acquérir des données aussi précises que possible sur le court intervalle de temps durant lequel le champ se renverse, tandis que les seconds tentent d'identifier les processus physiques mis en jeu dans le noyau de notre planète. En effet, le champ magnétique terrestre est induit par les mouvements qui animent la partie liquide du noyau, composée de métal en fusion. Depuis une dizaine d'années, quelques équipes tentent également de construire des dynamos expérimentales basées sur des écoulements de sodium liquide et pour la première fois en 2007 une équipe française a pu observer des inversions successives du champ créé par un tel écoulement (dynamo expérimentale VKS) qui présentent des caractéristiques très semblables à celles du champ terrestre déduites des observations paléomagnétiques !


Variation de l'intensité du dipôle dans le cas de ce modèle au cours de 2 millions d'années (haut),
de l'expérience VKS (expérience de laboratoire, milieu),
dans le cas réel au cours de 2 millions d'années.

Le mécanisme présenté par les auteurs rend compte aussi bien des renversements du champ terrestre que de ceux de l'expérience VKS. Ce modèle repose sur la concurrence entre deux modes de champ magnétique qui coexistent avec des intensités variables selon les époques: le mode dipolaire comme on le mesure actuellement en surface et un autre mode, probablement quadripolaire. Les objets astrophysiques, comme le Soleil ou le noyau de la Terre, n'ont pas une symétrie sphérique car la rotation impose que l'équateur est l'unique plan de symétrie. Les auteurs montrent que lorsque la symétrie de l'écoulement dans le noyau liquide est brisée dipôle et quadripôle sont couplés. Si le couplage est très fort, le champ magnétique se renverse de façon périodique. Ce type de dynamique est probablement celle du champ magnétique solaire dont les inversions sont périodiques (tous les 22 ans). Dans le cas de la Terre, le couplage n'est pas assez fort pour que l'oscillation se produise spontanément mais des fluctuations turbulentes de l'écoulement peuvent initier un renversement


Comparaison d'un renversement de pôle dans le cas de ce modèle (à gauche),
de l'expérience VKS (au milieu),
des données paléomagnétiques réelles au cours de diverses inversions (droite).

Un renversement est composé de deux phases. La première est lente - le dipôle voit son amplitude décroître tandis que celle du quadripôle augmente. La seconde phase est plus rapide - l'amplitude du quadripôle décroît tandis que celle du dipôle augmente à nouveau en pointant vers le pole opposé à sa direction initiale. Cette seconde phase se termine avec un overshoot au cours duquel l'amplitude du dipôle atteint des valeurs très élevées avant de se stabiliser dans son nouvel état de polarité.

Il arrive qu'à la fin de la première phase, le dipôle croisse de nouveau et reparte dans sa direction initiale - on parle alors d'excursion - c'est en quelque sorte un renversement avorté. Enfin, le modèle indique que des variations minimes de l'écoulement dans le noyau liquide peuvent augmenter considérablement la durée entre deux renversements, comme c'est typiquement le cas pour les superchrons du champ magnétique terrestre, périodes de plusieurs dizaines de millions d'années sans inversions.

Parmi les figures ci-dessus, est représentée la solution d'un système dynamique simple qui décrit l'interaction entre un mode dipolaire et un mode quadripolaire. Elle témoigne que ces propriétés sont bien reflétées par les données paléomagnétiques du champ magnétique terrestre mais aussi pour les renversements du champ magnétique observé lors des inversions produites dans la dynamo expérimentale VKS.
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