L'alimentation du singe des Balkans révélée par les micro-usures de ses dents

Publié par Michel le 06/10/2009 à 00:00
Source: CNRS / INSU
Illustration: © Merceron et al. 2009
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Une équipe de chercheurs franco-américano-bulgare menée par le paléontologue Gildas MERCERON du laboratoire Paléoenvironnements & Paléobiosphère (CNRS INSU INEE et Université Lyon-1) a réalisé une analyse du relief de la micro-abrasion dentaire du singe Mesopithecus pour déterminer ses habitudes alimentaires alors qu'il occupait les Balkans il y a plus de 7 millions d'années. Alors que les représentants actuels de cette espèce fossile sont des consommateurs de feuillages tendres, l'analyse conclue au contraire pour cette espèce fossile à un régime à base d'objets coriaces contenant des graines et des noix. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Human Evolution.


Crâne de Mesopithecus pentelicus (spécimen des collections du Muséum d'Histoire Naturelle
de Vienne, Autriche; échelle: 1 cm; (Copyright: courtesy of Naturhistorisches Museum in Wien)
en vue latérale et représentation tridimensionnelle de l'usure dentaire (échelle: 25 miromètres)
dernier témoin de l'alimentation de ce singe fossile. Cette micro-usure dentaire diffère de celle
des singes hurleurs (Alouatta palliata) mangeurs de feuilles, mais présente plus de similarités avec
l'usure dentaire détectée des singes capucins (Cebus apella), consommateurs réguliers de graines.

Le singe Mesopithecus est bien connu des paléontologues travaillant sur les terrains datés du Miocène supérieur (10-5 millions d'années) en Europe de l'Est. Cette espèce n'est pas un proche parent des grands singes et de l'homme, mais des babouins et colobes. Alors que ses descendants directs, les colobes, sont arboricoles et consommateurs de feuillages, le débat sur l'écologie du Mesopithecus reste controversé. Certains y voit un singe arboricole, d'autre un quadrupède terrestre avec un mode de vie analogue à celui des babouins.

L'analyse automatique dans les trois dimensions de l'espace de la micro-usure dentaire réalisée sur 17 spécimens fossiles de Grèce et Bulgarie a permis de conclure que Mesopithecus ne consommait pas de feuillages comme le font ses représentants actuels mais des aliments durs comme des noix et des graines. Par une analyse multi-échelle, les représentations tridimensionnelles de la surface dentaire du Mesopithecus obtenues par la microscopie confocale (microscope confocal à balayage de lumière blanche, utilisé par les Sciences des Matériaux ), ont pu être caractérisées.

Celles-ci ont alors été comparées aux données obtenues sur 51 singes actuels représentant 4 espèces ; deux d'entre elles étant des mangeurs de feuilles tendres, les deux autres consommant des graines dures. Ainsi, l'usure dentaire de Mesopithecus apparaît très différente de celle du singe hurleur (Alouatta palliata), singe consommateur de feuilles. A l'inverse, l'abrasion dentaire est similaire à celle quantifiée sur les dents des singes capucins (Cebus apella) qui affectionnent particulièrement les graines et les noix.

Alors que la transition d'une alimentation à base de feuillages tendres vers un régime plus coriace a été proposée chez des primates fossiles, les résultats de la présente étude révèlent que le contraire a pu se mettre en place chez certains groupes de primates. L'alimentation à base de feuillages est associée à des particularités du système digestif. A l'inverse des singes mangeurs de fruits, les colobes ont un "pré-estomac" dans lequel les feuilles subissent une fermentation préalable pour une bonne digestion.

Certains biologistes considèrent les singes mangeurs de graines comme un pont entre frugivorie et folivorie, car les graines présentent tout comme les feuillages des molécules complexes nécessitant un pré-traitement avant digestion. Mesopithecus, consommateurs de graines représente donc probablement un fossile clé pour une meilleure compréhension de l'évolution des Primates.

Cette étude a été possible par une collaboration internationale de paléontologues aux compétences complémentaires (CNRS, Université Lyon1, Académie des Sciences de Sofia en Bulgarie, et les Universités de Rutgers et de l'Arkansas aux USA) et par des fouilles assidues sur le terrain depuis plusieurs années.
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