La suie dans l'atmosphère: une substance plus polluante que prévue

Publié par Michel le 23/01/2010 à 00:00
Source: CNRS / INSU
Illustration: © IRCELYON / France Simonet
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Alors que la communauté scientifique s'accorde depuis 20 ans sur le faible impact de la suie sur la composition atmosphérique gazeuse en zone urbaine, une équipe internationale pilotée par l'Institut de la catalyse et l'environnement de Lyon (CNRS / Université de Lyon 1) vient a contrario de mettre en évidence une réactivité très importante, amorcée par la lumière et soutenue dans le temps, de la suie dans l'atmosphère. Cette réactivité conduit à une augmentation des concentrations diurnes globales d'ozone et à une modification de leur répartition temporelle, ainsi qu'au déplacement sur de longues distances de cette pollution majeure à basse altitude. Ces résultats sont parus dans la revue PNAS.


Cliché de microscopie électronique de suie.

L'atmosphère n'est pas uniquement constituée de gaz, elle contient également de la matière condensée en suspension dans l'air sous forme liquide ou solide, les aérosols, qui peuvent être d'origine naturel ou anthropique. La suie notamment, cet important polluant urbain, est un aérosol solide. Formée d'un ensemble de composés chimiques, elle est issue de la combustion incomplète de combustibles fossiles (essence, gazole, fioul, kérosène) ou de biomasse (bois, végétaux).

Les aérosols ont un grand impact sur la visibilité, le climat, la santé publique et l'agriculture à l'échelle globale. Il en est ainsi notamment du Nuage Brun Asiatique (de l'anglais "Asian Brown Cloud"), cette immense masse d'aérosols carbonés, principalement de la suie, due aux émissions chinoises et indiennes et qui plane sur l'océan Indien avec des effets potentiels de grande envergure sur toute la population vivant sur le pourtour de cet océan (soit plus d'un milliard d'habitants).

Cependant, on pensait jusqu'à présent que la réactivité de la suie était rapidement inhibée par le caractère naturellement oxydant de l'atmosphère et donc que son impact sur la composition atmosphérique était faible. Or, les chercheurs d'une équipe internationale pilotée par l'Institut de la catalyse et l'environnement de Lyon viennent de montrer qu'il n'en est rien. Sous l'action directe de la lumière solaire, la réactivité des particules de suie change et surtout s'accroît de manière très marquée. À tel point que des réactions jusque-là jugées sans intérêt ont lieu de manière très efficace.

Ainsi, sous irradiation solaire, le dioxyde d'azote, un des polluants à l'origine de la production photochimique d'ozone, réagit avec la suie sur des temps très longs, produisant efficacement de l'acide nitreux (HNO2). Or, en zone urbaine, ce dernier est le précurseur principal du radical hydroxyle (OH), surnommé le détergent atmosphérique car il est à l'origine de la dégradation de presque tous les polluants primaires, mais qui, ce faisant, conduit néanmoins à la formation d'oxydes d'azote, précurseurs d'ozone. In fine, cette chaîne réactionnelle va donc augmenter la concentration globale diurne de l'ozone et en modifier la distribution au cours de la journée. En revanche, toute cette chimie est inhibée quelques dizaines de minutes après la tombée de la nuit.

L'impact de cette photochimie des suies ne s'arrête pas là. En effet, sous l'effet de la lumière, les oxydes d'azote de l'atmosphère vont également réagir avec les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des constituants de la suie, pour former des nitro-HAP, des composés connus pour être extrêmement toxiques pour la santé mais instables sous irradiation lumineuse et qui libèrent donc assez rapidement les oxydes d'azote qu'ils avaient emprisonnés à la surface de la suie. Cependant, là encore, ces réactions s'arrêtent à la tombée de la nuit. Les nitro-HAP encore présents à la surface de la suie, et véritables "pièges" à oxydes d'azote, vont donc subsister toute la nuit, durant laquelle ils pourront voyager sur de longue distance par le jeu des déplacements de masses d'air, avant de libérer sous l'effet de la lumière du jour les oxydes d'azote qui produiront alors de l'ozone dans des zones initialement non polluées.
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