Le dodo... pas si dodu que ça !

Publié par Michel le 24/01/2011 à 00:00
Source: CNRS / INSU
Illustrations: Voir légendes
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Le dodo (Raphus cucullatus), oiseau de l'île Maurice disparu vers la fin du 17e siècle, est l'une des plus célèbres espèces animales exterminée par l'action de l'homme. Pourtant, de nombreux aspects de sa biologie demeurent obscurs, à commencer par son poids. Beaucoup de représentations artistiques du dodo le montrent comme un oiseau très gras, presque obèse, et il a été souvent admis que son poids devait être élevé, dépassant les 20 kilogrammes. Une étude associant le musée d'Elbeuf-sur-Seine, le Laboratoire de géologie de l'ENS (CNRS-ENS) et le laboratoire Mécanismes adaptatifs: des organismes aux communautés(CNRS-MNHN), parue dans la revue Naturwissenschaften, suggère un poids nettement moins élevé et remet en cause l'idée du dodo obèse.


Ces deux représentations du dodo datent du 17e siècle, alors que cet oiseau existait encore.
A gauche (a) selon C. Clusius (1605), d'après un dessin aujourd'hui perdu du navigateur Van Neck,
qui observa le dodo dans son habitat naturel à l'île Maurice. A droite (b), selon l'artiste A. Van de Venne (1626),
d'après un dodo captif en Europe. La nouvelle estimation du poids du dodo (environ 10 kg) est en meilleur accord
avec le dessin de Clusius qu'avec celui de Van de Venne. Les images de dodos obèses, recopiées par nombre d'artistes
depuis le 17e siècle, ont peut-être pour base des individus suralimentés,
et témoignent sans doute d'une certaine exagération touchant à la caricature.

Le dodo est en quelque sorte un fossile ultra récent. Il s'est éteint au 17e siècle, mais la plupart des os conservés dans les musées viennent d'un site daté d'environ 4000 ans. Le dodo a certainement été victime des activités humaines, mais sans doute pas uniquement de la prédation directe de l'homme, même s'il est certain que les marins et colons hollandais (et autres) ont consommé des dodos en abondance. Il est vraisemblable que les animaux introduits par l'homme (chiens, porcs, chats, singes) ont joué un rôle important en détruisant, suivant les cas, les adultes, les jeunes ou les oeufs. C'est ainsi que c'est achevée la vie de ce bel oiseau, représenté assez dodu dans les gravures anciennes.

Cette étude a pour point de départ la "redécouverte" d'un ensemble d'ossements de dodo conservés dans la riche collection d'histoire naturelle du Musée d'Elbeuf-sur-Seine (Seine-Maritime). Donnés au musée par le naturaliste mauricien Paul Carié en 1923, ils n'avaient jamais attiré l'attention des scientifiques et ne figurent dans aucune des diverses listes d'ossements de dodo publiées dans divers ouvrages récents. C'est à l'occasion d'un inventaire des vertébrés fossiles du musée d'Elbeuf que l'attention a été portée sur cette collection rare et qu'une étude minutieuse des ossements a été entreprise. Les résultats surprenants a conduit les protagonistes de l'étude à examiner la question très controversée du poids du dodo.


Diagramme montrant les masses obtenues pour le dodo à partir des longueurs des divers éléments de la jambe
(fémur, tibiotarse, tarsométatarse, et somme des trois longueurs), à partir d'équations établies
sur de nombreuses espèces d'oiseaux actuels. Les chiffres et lignes en gris indiquent les médianes,
les chiffres en noir et les lignes d'astérisques les moyennes. Les valeurs maximum et minimum sont aussi indiquées.
On voit que les masses moyennes obtenues diffèrent, mais que celle obtenue à partir de la longueur totale de la jambe
est proche de 10 kg. La moyenne de tous ces résultats est 10,2 kg.
Crédit: © D. Angst et al, 2011

En effet une récente étude suédoise portant sur plusieurs centaines d'espèces d'oiseaux actuels a permis d'établir une relation, exprimée par des équations, entre le poids moyen de l'animal et la longueur des os de ses pattes. Pour évaluer le poids du dodo, les longueurs des os de dodo du Musée d'Elbeuf ont été utilisées, ainsi que de nombreuses mesures prises sur des ossements de dodos conservés dans des musées du monde entier. A partir des équations établies pour les oiseaux actuels, un poids moyen de 10,2 kg a été obtenu pour le dodo. Ce poids est significativement inférieur à des estimations datant des années 1990, obtenues suivant d'autres techniques, qui allaient jusqu'à 22 kg. Suivant la nouvelle étude, le poids moyen du dodo aurait été à peu près celui d'un dindon sauvage, oiseau dont la taille est similaire à celle du dodo.

Cette nouvelle estimation permet de penser que les rares représentations anciennes du dodo, faites d'après nature, qui le montrent comme un oiseau relativement svelte, sont plus réalistes que celles, plus connues, qui le dépeignent comme excessivement gras. Les auteurs de ces dernières ont eu pour modèles des dodos captifs amenés en Europe, qui avaient probablement été suralimentés, à quoi s'est ajoutée une exagération de la grosseur de l'oiseau au fil des reproductions par des artistes successifs. Il est possible aussi que ces représentations aient eu pour point de départ des dodos se livrant à une parade durant laquelle ils gonflaient leur plumage et leur jabot. Toutefois, on sait si peu de choses sur le comportement du dodo que cette hypothèse demeure hautement spéculative.
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